Existe-t-il une inadéquation entre l’offre de savoir et l’innovation des entreprises à Bruxelles ? Voilà la question que pose Peter Teirlinck, professeur de gestion de l’innovation de la KULeuven (campus de Bruxelles).
« Contrairement aux États-Unis, l’abondance de connaissances dans les universités et les organismes publics de recherche ne se traduit pas pleinement, en Europe, par des innovations dans les entreprises », constate-t-il, dans la dernière étude publiée par Brussels Studies. « Et Bruxelles n’échappe pas au constat ».
En ce qui concerne la Région bruxelloise précisément, les données analysées par le chercheur montrent un décalage. « Les universités et les organismes publics de recherche jouent un rôle assez limité en tant que fournisseurs d’idées à l’origine d’innovation dans les entreprises », écrit-il. « Et les universités sont beaucoup moins sollicitées pour des collaborations ».
Spécificités bruxelloises dans le transfert de connaissances
Peter Teirlinck s’est focalisé sur les petites et moyennes entreprises (PME) innovantes actives dans le domaine des services aux entreprises à forte intensité de connaissance. On parle, par exemple, des bureaux d’ingénierie, des prestataires informatiques ou encore de consultants en gestion.
Ses résultats montrent plusieurs spécificités bruxelloises en matière de transferts de connaissance vers le monde de l’entreprise qui pourraient expliquer ce décalage:
- – Les PME sont en moyenne plus grandes dans l’agglomération bruxelloise que dans d’autres grandes villes du pays. Elles peuvent dès lors internaliser certains processus, y compris la recherche appliquée.
- – L’économie bruxelloise est plus orientée vers les services que vers l’industrie. Les PME y sont moins impliquées dans l’innovation liée au développement de nouveaux produits.
- – Dans les services, les innovations sont plutôt liées à des processus ou à des dispositifs organisationnels.
- – Les transferts de savoir se font davantage au travers des personnes et des expertises que des brevets ou des infrastructures techniques.
« Notons aussi que les PME bruxelloises opèrent aussi davantage sur le marché national », constate Brussels Studies, « Ce qui peut induire une relation avec leur environnement moins fondée sur la proximité, y compris en matière de recherche ».
Une trop grande richesse de savoirs ?
Un autre paradoxe pointé par le chercheur porte sur la richesse des ressources disponibles à Bruxelles, en matière de savoirs. Les entreprises seraient donc amenées à faire des choix au sein d’une large gamme de connaissances, dont les universités ne sont qu’une des composantes. Parmi ces choix alternatifs, le chercheur évoque notamment les ressources internes à l’entreprise, la consultation de la littérature scientifique, les nombreux colloques, salons et expositions qui se déroulent à Bruxelles, les ressources de leurs clients, de leurs fournisseurs, les consultants extérieurs, voire encore leurs concurrents et les institutions publiques et instituts de recherche.
Collaboration en matière de développement des innovations, en pourcentage du total des entreprises innovantes, 2008-2012, agglomération de Bruxelles
« Et, dans certains cas, cet arbitrage n’est pas en faveur des partenariats universitaires en raison des coûts de coordination, par exemple pour aligner les agendas des chercheurs académiques et des entreprises », constate l’étude.