Pr André Füzfa, Université de Namur.
Pr André Füzfa, Université de Namur.

Et si on allait explorer un autre système planétaire?

20 mars 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

SÉRIE (2) / Science ou fiction?

Toute cette semaine en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’opération « Printemps des Sciences » plonge aux confins de la science et de la fiction. Daily Science se met au diapason.

 

Grâce aux recherches des astronomes de l’Université de Liège, on connait désormais l’existence d’un cortège de planètes autour de l’étoile Trappist-1, dont certaines se trouvent dans la zone « d’habitabilité » de l’astre.

« Il ne reste plus qu’à y aller », dit le Pr André Füzfa, du Laboratoire des systèmes complexes (« Naxys ») de l’Université de Namur. Le physicien est formel. Du point de vue de la théorie de la Relativité générale, ce type de voyage est tout à fait possible.

« Pour envisager un voyage interstellaire, je vois, aujourd’hui, trois types de difficultés à surmonter », explique-t-il. « Deux d’entre elles sont liées à la distance entre les étoiles. Des distances énormes. La troisième est une question de… destination. Quelle étoile choisir? »

Près de 4.000 exoplanètes

Il y a une vingtaine d’années, ce choix ne se posait pas. Ce n’est qu’en 1995 qu’on a observé la première exoplanète. Depuis, on en connait quasi 4.000, dont une centaine sont potentiellement habitables.

Quelle est dès lors la plus intéressante pour une première mission d’exploration? Le choix va être difficile. « Il devrait se simplifier quelque peu quand on pourra caractériser avec précision la composition de l’atmosphère de ces planètes. Celles portant les signatures d’éléments en lien avec une éventuelle forme de vie seront les plus intéressantes », estime le chercheur namurois.

Le défi: sortir du système solaire en une après-midi

Mais laissons là ce problème de choix de destination. André Füzfa préfère réfléchir aux problèmes liés à la distance phénoménale qui nous sépare des étoiles les plus proches.

Trappist-1 se situe à 39 années-lumière de la Terre. Proxima du Centaure, notre voisine la plus directe, se situe tout de même à 4 années-lumière. « Avec les technologies actuellement utilisées pour la propulsion spatiale, le voyage va être long », souligne le chercheur. « Les engins actuels ne nous permettent pas d’atteindre des vitesses suffisantes pour envisager un voyage interstellaire. Il a fallu 40 ans aux premières sondes américaines pour atteindre les confins de notre système solaire. Si on veut aller plus loin, il faut passer à la vitesse supérieure. Changer de technologies. Délaisser la propulsion chimique des engins spatiaux pour autre chose. De sorte qu’un voyage aux limites de notre système solaire ne dure plus…. qu’une après-midi ».

Flottille de microsondes

« Les grandes agences spatiales ne s’intéressent plus vraiment à cette problématique de nouvelle propulsion », souligne le physicien. Des initiatives dans ce domaine existent cependant dans le secteur privé. C’est le cas du projet Breakthroughstarshot. « Il présente l’intérêt d’être plausible. Car il se base sur des technologies qui existent aujourd’hui. Ce projet est celui d’un milliardaire de l’internet qui consacre une partie de sa fortune à un projet de développement d’une flottille de microsondes, d’un gramme chacune, qu’il souhaite expédier vers Proxima du Centaure ».

« Cette flottille de microsondes miniatures et robotisées serait actionnée par une « propulsion par énergie dirigée ». Il s’agit de l’accélérer en tirant des impulsions laser sur la voile solaire à laquelle les sondes seraient attachées. Il y aura alors un transfert d’impulsion de l’énergie du laser aux sondes, ce qui va les accélérer pendant les 5 premiers millions de kilomètres afin de leur faire acquérir une vitesse de l’ordre de 20% de celle de la lumière ».

Propulsion par laser sur une voile solaire. © http://breakthroughinitiatives.org/
Propulsion par laser sur une voile solaire. © http://breakthroughinitiatives.org/

Il y a des défis, bien sûr. Ceux liés à la miniaturisation des sondes, aux tirs laser qui vont devoir accélérer les sondes, mais aussi leur donner la bonne trajectoire… « Cela va être difficile, mais cela a le mérite d’exister. Le projet se donne 20 ans pour faire aboutir ses études théoriques et vingt années de plus pour la réalisation de la mission spatiale proprement dite. »

Des sondes d’un gramme… Autant dire que ce n’est pas demain qu’on enverra un équipage humain à la découverte des planètes de la zone d’habitabilité de Trappist-1. La technologie devra encore connaître quelques révolutions fondamentales avant d’en arriver là.

La Relativité réduit les temps de voyage

Par contre, en ce qui concerne la durée des voyages, la question ne se pose même pas. Ici, André Füzfa est tout sourire.

« Le voyage interstellaire nécessitera des vitesses importantes qui se rapprochent de celle de la lumière et des trajectoires en accélération constante. Cela va impliquer des effets relativistes. Pour le voyageur embarqué, le temps va s’écouler bien moins vite que celui qui s’écoule pour une personne qui reste sur Terre. Cela permet de réduire la durée du voyage », indique-t-il.

« Si un engin spatial était capable de telles prouesses, cela placerait Proxima du Centaure à seulement 8 années de voyage aller-retour au lieu de 12 si on compte en années terrestres ».

« Et plus on va loin, plus on « gagne » du temps », précise le scientifique. « Sirius ne serait alors plus qu’à 9 années de voyage A/R au lieu de 21. Véga à 13 années de voyage au lieu de 54 ans », calcule André Füzfa.

Quant à Trappist-1, située à 39 années-lumière, le physicien estime le temps de voyage A/R à 14 ans au lieu de 83 années.
« Enfin, un voyage vers le centre de la Galaxie, à 26.000 années-lumière de distance, ne prendrait lui « que » 90 ans », précise encore le théoricien.

 

Note: les premiers billets pour le voyage interstellaire ne sont pas encore disponibles… Mais ce dimanche, dans le cadre du Printemps des Sciences, le Pr Füzfa donnera à Namur une conférence publique sur ce thème.

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