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Halidou Tinto est docteur en sciences pharmaceutiques. Voici quatre ans, il a créé un tout nouveau centre de recherche scientifique au Burkina Faso (Afrique de l’Ouest).
« Si je n’avais pas pu faire mon doctorat à Anvers, à l’Institut de Médecine tropicale (IMT) et si la Coopération belge n’avait pas mis sur pied un certain programme post-doctoral permettant le retour en Afrique des diplômés dans d’excellentes conditions, rien de tout cela ne serait peut-être arrivé », explique-t-il. Pourquoi ? « Parce qu’une fois leur doctorat en poche, les scientifiques africains ont plutôt tendance à répondre au chant de sirènes américaines… »
Le Dr Tinto a donc choisi une autre voie : celle du Burkina. Et pas uniquement pour soigner la population. A son retour au pays en 2006, il y entreprend la construction d’un centre de recherche moderne consacré au paludisme. Le Centre est implanté à Nanoro, un village situé à une centaine de kilomètres de la capitale. En 2008, « l’Unité de recherche clinique de Nanoro » est une réalité. C’est aujourd’hui une véritable structure scientifique qui emploie 250 personnes.
Elaboration d’un vaccin contre la malaria
L’Unité de recherche clinique de Nanoro bénéficie toujours de l’expertise de scientifiques de l’IMT. Il collabore avec plusieurs équipes internationales et surtout… il travaille à la mise au point d’un vaccin contre la malaria en collaboration avec la firme GlaxoSmithKline (GSK) en Belgique (Brabant Wallon).
« Nous sommes sur la bonne voie », précise le Dr Tinto. « Nous nous intéressons au vaccin RTS,S, un des produits susceptibles d’enrayer la propagation de cette terrible maladie ». Le RTS,S est le vaccin le plus avancé. « Il s’agit d’un vaccin pré-érythrocytaire. Il bloque l’entrée dans le foie du parasite responsable de la malaria. Cela interrompt son cycle et l’empêche d’arriver dans le sang », explique-t-il.
Etat d’avancement des recherches mondiales sur un vaccin antimalarique
Les ravages de la malaria au Burkina Faso sont énormes. Sur une population de 16 millions d’habitants, quelque 7 millions de cas de paludisme ont été diagnostiqués en 2013. Cette même année, la maladie a emporté plus de 10.000 personnes dans la tombe.
Le paludisme a fait son retour en Grèce
En Belgique, le dernier cas de malaria « indigène » remonte à 1953. « Avec le réchauffement global, la mobilité des personnes et des marchandises, le danger d’une reprise de la maladie n’est pas totalement exclu », estime le Pr Bruno Gryseels, directeur de l’Institut de médecine tropicale. « En Grèce, des cas locaux de malaria ont été recensés en 2012 ». Un retour inattendu, alors que la maladie avait été éradiquée dans le pays en 1974.
Le risque de paludisme en Grèce est généralement très faible toutefois. Il ne se présenterait que de mai à octobre dans les villages de la région du delta de l’Evrotas, dans le district de la Laconie.
Cette ré-émergence résulte d’un certain relâchement dans les programmes de surveillance et d’éradication de la maladie et de ses vecteurs, suite aux problèmes économiques du pays. Les autorités ont été amenées à réduire les campagnes d’épandage permettant de combattre les moustiques et les maladies qu’ils transmettent.
Changement de paradigme en matière de coopération
L’initiative heureuse du Dr Tinto au Burkina Faso illustre à merveille l’impact du travail mené à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers qui œuvre à un changement de paradigme en matière de « Coopération au développement ».
« Au cours des 15 dernières années, un accord intervenu entre la Direction générale de la Coopération belge au Développement (DGD) et l’Institut de médecine tropicale a permis à des dizaines de partenaires de l’hémisphère sud de prendre en main leur propre expertise médicale et scientifique », indique le Pr Bruno Gryseels.
Ce programme, baptisé « Switching the Poles », a déjà permis à 101 nouveaux chercheurs originaires du Sud d’obtenir leur doctorat en Belgique. Plus de 1250 étudiants ont obtenu une bourse pour un mastère ou une filière courte tandis que la collaboration avec plusieurs dizaines d’institutions partenaires s’est traduite par la publication de plus de 800 articles scientifiques.
Nanoro fait tache d’huile en Afrique
« Cela montre comment, en renforçant les capacités des institutions du Sud, nous sommes ensuite en mesure de construire de véritables partenariats, en remplacement de la traditionnelle relation donneur-receveur d’aide » précise Peter Moors, directeur général de la Direction générale de la Coopération belge au Développement.
Et cette impulsion fait tache d’huile. « Grâce à notre collaboration avec l’IMT, nous accueillons des chercheurs de l’Afrique entière à Nanoro et nous leur apprenons les bonnes pratiques cliniques », précise le Dr Halidou Tinto.
Ce cercle vertueux qui voit évoluer la Coopération au développement en véritables partenariats nord-sud est en train de se boucler. Un long documentaire sur cette nouvelle approche et certaines de ses réalisations vient d’être édité par l’Institut de médecine tropicale. Il est visible en ligne, gratuitement, sur le site de l’Institut.
En 2013, l’Institut de médecine tropicale d’Anvers (une Fondation d’intérêt public) a donné 38 365 consultations médicales et administré 35 336 vaccins.
En tant que Centre national de référence pour le diagnostic de maladies infectieuses et tropicales, il a également réalisé 122.000 analyses biologiques.
L’an dernier, 6400 voyageurs rentrés en Belgique ont été traités à l’IMT pour diverses maladies.
Quelque 470 personnes travaillent à l’Institut, principalement des chercheurs et des techniciens spécialisés.