Série (8) « Sciences et coopération »
Il y a 3 ans, Julien Beauquis et Charlotte Delorme, tout deux étudiants en dentisterie à l’Université Catholique de Louvain (UCL) imaginent un projet humanitaire dans le cadre de leurs études. Leur objectif : partir là où ils peuvent être utiles, mais à une seule condition…
Qu’il ne s’agisse pas d’un one shot ! Ils veulent un vrai projet qui puisse s’inscrire dans la durée. C’est finalement grâce à Julian Leprince, résident au Service de dentisterie conservatrice et d’endodontie des Cliniques universitaires Saint-Luc, qu’ils prennent la direction du Népal en mars dernier pour deux semaines.
Une collaboration avec une école népalaise
« Nous voulions établir une collaboration avec une organisation locale parce que ces organisations sont forcément mieux placées que nous pour identifier les besoins auxquels il faut répondre. C’est en discutant avec Julian Leprince qui est parti au Népal il y a quelques années que nous avons pu mieux définir notre projet », explique Julien Beauquis.
Leur professeur y avait en effet noué des contacts avec un professeur en dentisterie qui désirait établir une collaboration dans le cadre de leurs missions humanitaires.
« Cette école, le Kantipur Dental College, a mis sur pied des camps itinérants qui consistent à aller dans la vallée de Katmandou pour effectuer des soins et de la sensibilisation à la santé bucco-dentaire auprès de populations qui n’ont pas forcément accès à un dentiste facilement. »
Il faut dire que le Népal compte un professionnel de la santé bucco-dentaire pour 220.000 Népalais. Par ailleurs, les soins ne sont pas remboursés comme en Belgique. Une dévitalisation coûte 25 dollars, le salaire mensuel moyen est de 58 dollars, et les soins doivent être payés d’avance ! C’est dire si ce type d’action est importante.
Une équipe multidisciplinaire
La première semaine de leur séjour s’est donc articulée autour de ces camps, mais aussi au sein de l’école où l’équipe belge a pu échanger avec les équipes népalaises.
«Nous avions mis sur pied une équipe multidisciplinaire composée d’étudiants, de dentistes, d’un parondotologue, d’un stomatologue et d’un ingénieur spécialiste des biomatériaux dentaires afin de pouvoir organiser plusieurs conférences sur place. Au cours de ces conférences, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de grandes différences entre nos connaissances en dentisterie et les leurs. C’est plutôt dans la pratique que la différence se fait sentir. Les conditions d’hygiène ne sont par exemple pas toujours optimales », poursuit l’étudiant en dentisterie.
Des soins sur le terrain
« Certaines personnes arrivaient avec plusieurs grosses caries, caries que nous ne pouvions pas traiter en une seule fois. Je me rappelle de mon premier examen de bouche : j’ai dit à ma collègue népalaise qu’il fallait traiter les 5 dents cariées, elle m’a recadré directement. Vu le travail à fournir sur place – en moyenne 250 népalais passent sur le camp chaque jour – et les conditions, il fallait s’occuper de la dent qui était douloureuse et préciser au patient qu’il devait aller chez un dentiste pour les autres dents. Ce qu’ils ne font pas forcément… Souvent, ils attendent le prochain passage du camp. »
Mais le camp ne s’occupe pas uniquement de traiter les maladies dentaires, une grande place est laissée à l’éducation à la santé bucco-dentaire. Les étudiants et dentistes participant aux camps leur fournissent brosse à dents et dentifrice et leur expliquent comment et pourquoi se brosser les dents régulièrement.
Une randonnée « bucco-dentaire » sur l’Annapurna
Pour la deuxième semaine de leur séjour, le groupe belge a troqué les instruments d’examens dentaires pour des chaussures de randonnées et s’est attaqué à l’Annapurna. Des passionnés de marche ? Pas du tout ! Ils sont partis le sac à dos rempli de brosses à dents.
« Julian Leprince est amoureux de randonnée et lors de sa dernière marche dans l’Annapurna, il a constaté que les randonneurs avaient l’habitude de distribuer des bonbons aux enfants qu’ils croisaient sur leur passage. Sauf que les bonbons ne font pas forcément partie de la culture népalaise. Les enfants népalais ne savent pas que s’ils ne se brossent pas les dents, les bonbons provoqueront des caries. On a donc décidé de faire pareil, mais avec des brosses à dents. Dès qu’on croisait des enfants, on leur donnait une brosse, du dentifrice et on leur montrait comment se brosser les dents. On leur faisait d’ailleurs se brosser les dents devant nous pour s’assurer qu’ils avaient bien compris, mais aussi et surtout pour éviter qu’ils n’aillent revendre leur brosse à dents dès qu’on serait parti. »
Des projets pour 2016
Comme convenu lors du lancement du projet, une équipe de l’UCL repartira l’année prochaine avec de nouvelles choses dans leurs bagages.
« On prendra notamment des produits plus spécifiques à l’hygiène pendant les soins : des gants, des visières de protection, des masques, des produits désinfectants, etc. Quant à l’équipe, elle évoluera sans doute un peu. Beaucoup d’étudiants auxquels on a présenté notre travail se sont montrés intéressés », conclut enthousiaste Julien Beauquis.