Les mesures anti-Covid, sont-elles justifiées ?

20 août 2021
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
"De quoi le Covid est-il le nom?", par François Ost. L’Académie en poche. VP 7 euros, VN 3,99 euros
“De quoi le Covid est-il le nom?”, par François Ost. L’Académie en poche. VP 7 euros, VN 3,99 euros

Le juriste et philosophe François Ost croise la vision de philosophes, juristes, économistes, politologues et sociologues sur la pertinence des mesures pour stopper la pandémie. Dans «De quoi le Covid est-il le nom?» de la collection L’Académie en poche.

Pour l’ancien vice-recteur de l’Université Saint-Louis Bruxelles, professeur honoraire à l’Université de Genève, «il est devenu nécessaire de discuter aussi du bien-fondé et de l’opportunité des mesures qui s’installent dans la durée. Et pourraient se répéter, dans l’hypothèse, pas improbable, d’autres pandémies au cours des années à venir. Bien entendu, il ne s’agit pas de contester la compétence des experts et de prétendre occuper leur place, dans une sorte de café du commerce généralisé, dont les réseaux sont aujourd’hui la chambre d’écho.»

Définir le bien commun

La discussion s’est déplacée sur les réseaux sociaux, dans la rue. Sur les plateaux de télévision, des membres du gouvernement détaillent les mesures décidées. Consolidées par des arguments scientifiques, des courbes de contamination, des chiffres de mortalité. François Ost regrette que la consultation des experts «se limite presque exclusivement aux virologues, épidémiologistes et statisticiens. Plutôt qu’aux praticiens de la santé et aux porte-parole des sciences humaines et sociales.»

Selon le membre de l’Académie royale de Belgique, «il s’agit là d’un exercice d’information et de pédagogie, méritoire et nécessaire sans doute, mais qui ne laisse cependant aucune place au débat. Est-ce cela l’idéal de la vie démocratique? Il est urgent que le politique sorte de quarantaine et s’avère capable de poser les questions de fond. Tout en assumant dans le court terme, les responsabilités exécutives liées à l’exercice du pouvoir.»

«En appelant à un débat de fond sur les finalités, j’entends assumer mon rôle de philosophe et rappeler la nature du chapitre dont il est question et les exigences du débat qu’il appelle. Le chapitre n’est autre que celui du gouvernement de la cité. Autrement dit l’arène du politique, qui suppose l’arbitrage d’intérêts concurrents en vue de la définition de quelque chose comme le bien commun.»

Il faudra affronter la vérité des chiffres

Si la pandémie s’aggravait encore? Si d’autres crises aigües survenaient, sanitaires ou climatiques? Le Pr Ost pose des questions: «Pourrions-nous encore une fois mettre le pays en pause maladie pendant de longs mois? Ne serions-nous pas contraints cette fois de peser l’intérêt que nous attachons à la santé au regard d’autres intérêts concurrents? Ne serions-nous pas amenés à raisonner plus finement, en établissant des distinctions entre différents aspects de la santé, physique et mentale, publique et privée, par exemple?»

«On ne pourra prolonger indéfiniment cette sorte d’apnée économique dans laquelle nous sommes plongés depuis douze mois. Et, sauf erreur, arrivera le moment où il faudra affronter la vérité des chiffres. Autrement dit, la question de savoir qui remboursera les sommes impressionnantes consenties pour le sauvetage de nos économies. Cette question, en dépit de son importance et du poids des précédents historiques, est pourtant étrangement refoulée.»

Qui remboursera?

Plusieurs scénarios sont évoqués pour rembourser le coût des mesures. Annuler purement et simplement la dette. Lever des impôts. Faire de nouvelles économies. Subir une montée de l’inflation avec des dévaluations possibles. Revoir en profondeur les modes de consommation. Soutenir énergiquement les secteurs innovants capables d’assurer une transition rapide vers une économie verte et plus solidaire.

Ce dernier scénario est le seul vraiment réjouissant pour le président du Conseil d’administration de la Fondation pour les générations futures. «Sans doute, dans la réalité, aura-t-on recours à une combinaison de ces différentes recettes. Il importe cependant d’avoir ces questions à l’esprit dès aujourd’hui, d’autant qu’il est sans doute illusoire de penser qu’on en reviendra exactement au monde d’avant.»

«Il nous faut prendre la mesure de l’événement, qui est bien plus qu’une crise sanitaire, et en débattre. Penser le monde qui vient, après l’avoir pansé, et beaucoup dépensé.»

Profiter de la crise

La crise est une occasion pour relancer l’économie vers l’écologique et le numérique. Refonder le fédéralisme belge. Associer plus directement les populations à la prise des décisions. Adopter un régime juridique de crise, à la fois réaliste et attaché aux libertés. Débattre du sens attaché à la «vie bonne». Au-delà de la simple vie physiologique.

De quoi Covid est-il le nom? «Nous l’ignorons, car il n’est pas écrit», conclut François Ost. «Prétexte de l’affrontement de tous les récits, il les autorise tous. Et n’en privilégie aucun. Le choix nous appartient.»

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