La Chambre des représentants de Belgique © François Lambregts - https://www.flickr.com/photos/65247095@N00/2754315968/, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9491550

Je jure d’observer la Constitution

20 septembre 2024
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
“Petite musique de Chambre”, par Francis Delpérée. Collection «L’Académie en poche». VP et VN 9 euros

Élu au Sénat puis à la Chambre des représentants, Francis Delpérée témoigne de son expérience politique dans la «Petite musique de Chambre» de la collection «L’Académie en poche».

«J’ai la faiblesse de croire que le monde institutionnel, y compris parlementaire, se porterait mieux si ses acteurs écoutaient le message d’harmonie que distille la musique de chambre», confie l’ancien doyen de la Faculté de droit de l’UCLouvain.

«La musique est politique, dans le meilleur sens du terme. Elle favorise une juste perception des réalités et une analyse lucide des situations. Elle aide à surmonter les difficultés de l’existence. Elle préconise une vision harmonieuse des relations humaines et sociales. Si elle est de chambre, la musique est aussi méthodique. Elle distribue les tâches et les responsabilités. Elle s’adresse à un public, tout à la fois limité et indifférencié. Elle lui livre un message qui, pour être actuel, entend dépasser les contingences de l’instant.»

Ouvrir les yeux, tendre l’oreille

Le 2e mardi d’octobre, la session parlementaire s’ouvre au palais de la Nation, rue de la Loi à Bruxelles. Pour l’ancien parlementaire, «la Chambre offre un terrain privilégié de réflexion. À condition d’ouvrir les yeux et de tendre l’oreille. Et de ne pas se laisser prendre aux pièges de l’État spectacle.»

Une statue de Léopold, premier roi des Belges, domine la salle de séance plénière des 150 députés. Le souverain tient à la main des documents. Le premier porte l’inscription «Constitution belge, 21 juillet 1831». Date du premier serment qui commence par «Je jure d’observer la Constitution». Amendée en profondeur, la Constitution contient des dispositions organisationnelles ou procédurales.

«La Constitution figure, ou devrait figurer, aux premières lignes de la partition parlementaire», estime le professeur émérite. «Elle est comme le diapason. Elle donne le ‘la’. Elle délimite le terrain sur lequel autorités publiques et citoyens déploieront leur action. La Constitution est une règle de droit contraignante. Elle est même la première d’entre elles. Elle n’est pas un élément du décor.»

Le métier de parlementaire

Il y a près de 10 ans, Francis Delpérée a écrit «Mon métier? Parlementaire» dans «Les Mélanges», un hommage au Pr Machelon, expert français en droit constitutionnel. «Face à la contestation, je me suis attaché à dissiper les équivoques. ‘Métier’ ne signifie pas ‘carrière’. Le temps parcouru n’est pas négligeable. Mais ce qui compte, c’est l’aptitude à remplir la fonction. C’est la capacité à témoigner de qualités qui s’apprennent sur le terrain mais qui procèdent d’une préparation adéquate.»

Le membre de l’Académie royale de Belgique persiste. «Le métier de parlementaire s’apprend ou devrait s’apprendre. Il ne suffit pas de bonne volonté ou de sens commun pour écrire la loi. Discuter un budget ou interpeller un ministre.»

Peu de propositions de loi

Une part infinitésimale de députés rédige une proposition de loi. «Le plus souvent, le texte en devenir a été conçu par le service d’études du parti, par les collaborateurs du groupe politique, par des avocats ou des experts, par le cabinet d’un ministre», constate le membre honoraire de l’assemblée. «Par un membre du gouvernement qui s’efface en dernière minute derrière l’un de ses amis. Ou, de manière plus discrète, par un groupe d’intérêts.»

«Le cas échéant, le député y apporte sa griffe, en rédigeant tout ou partie des développements. Il évite, par contre, de corriger le texte proprement dit.»

L’Europe retient moins l’attention

Le parlementaire frustré est tenté de se tourner vers d’autres possibilités. L’Europe? «De manière paradoxale, les affaires européennes retiennent moins l’attention du député», constate Francis Delpérée. «Même à Bruxelles, les européanistes sont rares. Ils se préoccupent d’harmoniser autant que faire se peut les solutions qui sont arrêtées dans l’un et l’autre cénacle. Ils n’hésitent pas à brandir les principes de subsidiarité et de proportionnalité pour contester des initiatives européennes qui iraient à l’encontre des intérêts nationaux.»

Sont-ils entendus? «Des lieux de rencontre sont aménagés au sein de la Chambre des représentants. Ils ne sont guère fréquentés. Le résultat des travaux est décevant.»

«La Chambre devrait être en mesure de proposer aux assemblées partenaires en Europe une délimitation plus claire et plus précise des compétences d’attribution. Celles qui sont allouées à l’Union et celles qui le sont aux États membres. Ainsi qu’une énumération des domaines de compétences concurrentes. Elle préparerait ainsi un nouvel équilibre des responsabilités dans l’espace européen.»

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