Les lépiotes comptent environ 220 espèces. Les lépiotes de petite taille sont parfois toxiques à mortelles, alors que la plupart des grandes lépiotes sont comestibles. C'est le cas de la grande coulemelle ou lépiote élevée (Macrolepiota procera) © Serge Willems / Société botanique de Liège

La cueillette des champignons ne s’improvise pas

20 octobre 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 8 minutes

Avec l’arrivée des couleurs flamboyantes de l’automne, nombreux sont ceux qui ressentent une irrésistible envie de partir en forêt, panier au bras, à la recherche de champignons. Mais attention : la cueillette n’est pas une activité anodine, et une erreur peut vite se révéler problématique voire fatale.

Pour aider les amateurs, et ravir les spécialistes, la Société botanique de Liège a organisé, comme chaque année, une fascinante exposition de champignons de deux jours à l’Observatoire du Monde des Plantes de l’ULiège. On pouvait y admirer une incroyable variété d’espèces fraîchement récoltées — des plus savoureuses aux plus redoutables.

Cerise sur le gâteau : des mycologues passionnés y ont identifié les récoltes des visiteurs et ont proposé des guidances de grande qualité. Leur œil expert apprend aux visiteurs à reconnaître, en toute confiance, les caractéristiques clés qui séparent un délicieux comestible d’un dangereux toxique.

Récolte de champignons d’un visiteur qui attend d’être identifiée © Laetitia Theunis

Du chapeau au pied

Champignons à tubes – de petits tuyaux parallèles garnissent la surface inférieure de leur chapeau – , les bolets et les cèpes comptent parmi les champignons les plus faciles à identifier pour les cueilleurs amateurs. Le plus répandu des comestibles est sans doute le bolet bai (Imleria badia). Mais comment être certain de ne pas se tromper ?

« Pour confirmer l’identification d’un champignon, il est indispensable d’observer plusieurs caractéristiques. Le chapeau du bolet bai présente une belle teinte baie et a souvent un aspect un peu humide et collant. En dessous, pas de lamelles, mais des pores jaune clair qui ont tendance à bleuir légèrement au toucher. Quant à son pied, il est généralement assez fin — contrairement à celui des cèpes, plus massif — et affiche une couleur brunâtre ou jaune orangé », explique Vanessa Autunno, mycologue et membre de la Société botanique de Liège.

Quant au cèpe de Bordeaux (Boletus edulis), véritable Graal pour de nombreux mycophages, il se reconnaît à son pied robuste et clair, marqué d’un fin réseau sur la partie supérieure, et au liseré blanc qui encercle son chapeau brun plus ou moins foncé. Sa surface est légèrement grasse au toucher. Ses tubes sont d’abord blancs et fermes, puis virent au jaune et mollissent avec l’âge. Coupé, il conserve une chair immaculée. Ce champignon mycorhizien vit en symbiose aussi bien avec les feuillus qu’avec les conifères.

Attention toutefois à ne cueillir ces champignons que lorsqu’ils sont bien formés, et donc facilement identifiables. Lorsque le cèpe est tout petit, en formation, il ressemble à un bouchon blanc. Or, cette forme est également celle prise par l’amanite phalloïde (Amanita phalloides), le champignon mortel numéro un en Belgique, appréciant les mêmes habitats. « Il contient des amatoxines, des toxines qui provoquent en quelques jours une insuffisance hépatique grave en détruisant le foie, menant inexorablement à la mort de l’individu. Il n’existe aucun antidote », alerte Serge Willems, mycologue et membre de la société botanique de Liège.

Amanite phalloïde, le champignon mortel numéro un en Belgique © Serge Willems / Société botanique de Liège
Amanite phalloïde, le champignon mortel numéro un en Belgique © Serge Willems / Société botanique de Liège

Vérifier plutôt deux fois qu’une

Au-delà de ces deux espèces comestibles incontournables (bolet bai et cèpe de Bordeaux), et même sans quitter les champignons à tubes (donc les cèpes et les bolets), on découvre rapidement une diversité impressionnante. Mais il faut rester vigilant et ne pas se lancer à l’aveuglette ou ne se fier qu’aux IA ou moteurs de recherche.

Lorsqu’on le coupe, le bolet à pied rouge, Neoboletus erythropus de son nom latin, réagit très fort à l’oxydation et devient bleu roi. « S’il est consommé cru, ce champignon est toxique, mais il devient parfaitement comestible après une cuisson d’au moins dix à quinze minutes. Et reste bien ferme et croquant », explique la mycologue Vanessa Autunno. « Ainsi, lorsqu’on prépare une poêlée, c’est celui qu’il faut faire cuire en premier afin d’éliminer sa toxine thermolabile », laquelle a un pouvoir hémolytique (destruction des globules rouges). Et comme par magie, sa chair bleuissante redevient jaune lors de la cuisson.

Lorsqu’on le coupe, le bolet à pied rouge, Neoboletus erythropus, réagit très fort à l’oxydation et devient bleu roi © Laetitia Theunis

Pour un œil non averti, il est facile de le confondre avec le bolet Satan (Rubroboletus satanas), un champignon toxique aussi bien cru que cuit, lui aussi pourvu d’un pied rouge et de tubes rougeâtres. Cependant, ce dernier se distingue par un chapeau gris-blanchâtre et par un motif en réseau sur le haut du pied, rappelant les mailles de bas résille — un détail visible à l’œil nu ou à l’aide d’une loupe. À l’inverse, le bolet à pied rouge présente un chapeau d’un beau brun, et la partie supérieure de son pied est comme poudrée, parsemée de petits points, et un peu brillante.

Les russules se caractérisent par un pied cassant comme de la craie © Laetitia Theunis

Avoir la main légère

Quelles que soient les espèces de champignons, « il est impératif d’éviter toute cueillette sur des sols contaminés – comme les anciennes exploitations calaminaires ou les terrains ayant accueillis des industries lourdes, NDLR – , car les champignons ont tendance à concentrer les polluants, notamment les métaux lourds et les substances radioactives. C’est le cas de champignons comestibles, comme le bolet bai ou encore le laccaire améthyste (Laccaria amethystina). Par ailleurs, la pollution atmosphérique, telle celle générée par les gaz d’échappement de nos véhicules, se dépose sur le sol. Dès lors, mieux vaut privilégier la cueillette en forêt à celle du bord de route… », précise Serge Willems.

Voici deux champignons mauves qui se ressemblent. Celui de gauche est toxique : il s’agit de l’inocybe violet, que l’on reconnait grâce à ses lames orangées. A droite, on trouve un champignon comestible, le laccaire améthyste, reconnaissable grâce à ses lames mauves © Laetitia Theunis

A noter enfin que les champignons ne sont pas de véritables aliments, mais plutôt des condiments riches en chitine, une substance que notre organisme ne peut pas digérer. Il ne faut donc jamais en consommer en trop grande quantité.

L’amadou, un champignon utilisé historiquement pour allumer le feu, fait partie de la famille des Polypores. L’hyménium de ces champignons est constitué de pores (comme les cèpes et les bolets). Ils poussent exclusivement sur le bois mort ou moribond pour le décomposer. Certains ne vivent qu’une année et meurent une fois l’hiver venu, d’autres, comme l’amadou, vivent plusieurs années. Pour connaître son âge, il faut de compter le nombre de strates de dépôt de bois (il y en a une part an) © Laetitia Theunis
Les basiodiomycètes sont des champignons dont l’hyménium (constitué de tubes (ici un bolet orangé) ou de lames ou d’aiguillons) est tourné vers le bas. Les basides sont leurs cellules reproductrices spécifiques, dotées de 4 spores à leur extrémité, comme on le voit sur la photo prise au microscope © Laetitia Theunis
Les ascomycètes ont l’hyménium dirigé vers le haut. C’est le cas de la pezize orangée. La vue au microscope révèle les asques, les cellules reproductrices garnies de 8 spores © Laetitia Theunis

 

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