L’innovation, une arme cruciale

20 décembre 2017
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes

Michel Judkiewicz ne voit pas dans la stagnation ou le retour vers un pseudo-passé bucolique la solution pour relever les défis du XXIe siècle. Fort d’une longue carrière industrielle et de près de cinq années passées à l’European Industrial Research Management Association, l’ingénieur civil de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) publie «Innovation: effet de mode ou nouvel équilibre?» dans la collection «L’Académie en poche» (www.academie-editions.be, VP 7 euros, VN 3,99 euros). Pour définir, démystifier et structurer le concept afin d’éviter des interprétations erronées.

Innovation: effet de mode ou nouvel équilibre?, par Michel Judkiewicz, éditions «L’Académie en poche» (VP 7 euros, VN 3,99 euros).
Innovation: effet de mode ou nouvel équilibre?, par Michel Judkiewicz, éditions «L’Académie en poche» (VP 7 euros, VN 3,99 euros).

«Subtilement commenté avec le recul de l’homme d’expérience, cet ouvrage est un indispensable compagnon de route pour comprendre et interroger les fondements de cette nécessité vitale», assure Léopold Demiddeleer, membre de la Classe technologie et société de l’Académie royale de Belgique.

Jugaad fait plus avec moins

Pendant des siècles, l’innovation a procédé par imitation en modifiant ou en ajoutant une propriété particulière. Combiner des inventions a aussi produit des innovations. Ainsi, la maîtrise de la fabrication de la bouteille en verre et la découverte du liège pour faire des bouchons ont permis de conserver le vin. La généralisation des bouchons cylindriques a conduit à l’invention du tire-bouchon.

Aujourd’hui, la Commission européenne défend le concept d’innovation inclusive pour accéder, d’une manière abordable, à des biens ou à des services de qualité. En fait partie l’approche «jugaad», terme hindi qui signifie «débrouillardise». Des scientifiques indiens l’ont popularisée. Notamment le Pr Navi Radjou de la Judge Business School, l’école de commerce de l’University of Cambridge.

Selon cette méthode, les produits ou services sont conçus dans une optique de ressources limitées en matériaux, énergie, moyens financiers. Sans perdre leur qualité. Comme le PC à 100 euros vendu par Tata en Inde.

«Ce type d’innovation inclusive peut bien évidemment s’appliquer à nos pays», juge Michel Judkiewicz. «Certainement pour les plus économiquement défavorisés. Mais aussi de manière plus générale, avec l’objectif d’une utilisation plus raisonnable des ressources.»

Ce modèle a séduit General Electric qui a commercialisé aux États-Unis un électrocardiographe conçu initialement pour des communautés rurales et indiennes. Renault l’a utilisé pour créer les Logan et Dacia.

Limiter les effets d’ego

Le succès de la Silicon Valley californienne fait rêver… «Sans verser dans l’angélisme, on peut avancer que le propre de la Silicon Valley est d’avoir réussi à limiter les effets d’ego dans les comportements sociaux. Et à faciliter les transactions favorisant une meilleure utilisation des ressources que sont les talents et connaissances, les infrastructures, les capitaux.»

«Jusqu’ici, la Silicon Valley a mieux maîtrisé les coûts que nombre d’autres technopoles. Notamment parce que les relations entre les parties prenantes deviennent aussi importantes que les contrats qui les lient. Il s’agit de raccourcir les distances sociales. De connecter des parties en apparence disparates. De briser les hiérarchies traditionnelles. De valider et propager des comportements. Sur le plan humain comme sur celui des résultats. Bref, rassembler ce qui est épars.»

Les maîtres mots sont équipe, apprentissage, défi, aventure, concurrence, amitié, connexions. Et surtout diversité. De formation, de culture, de centres d’intérêt.

Internet change la donne

L’innovation devient ouverte avec Internet. En ratissant la communauté des internautes, le «crowdsourcing» met en relation les dépositaires de problèmes, les «seekers», et les «solvers», ceux qui pourraient apporter des solutions. Le Belge Solvay, l’Étatsunien Boeing figurent parmi ces «seekers». Les «solvers» comptent des consultants, des professeurs d’université, des ingénieurs à la retraite.

Parallèlement, le «crowdfunding» s’est mis en place. Ce financement participatif permet aux internautes de contribuer, dans la mesure de leurs moyens, aux projets qui les intéressent. Et d’en retirer un avantage. En Belgique, la plateforme MyMicroInvest place des fonds dans des entreprises débutantes. Avec des équipes basées à Paris, Montréal, Barcelone, Rome et Bruxelles, les 700 membres d’Ulule, répartis dans 150 pays, ont financé 8.000 projets. Le taux de succès dépasse les 60%.

«On attend de cette nouvelle démarche l’apparition de solutions innovantes, parfois inattendues et globalement une meilleure adéquation des solutions aux besoins du marché. Et aux contraintes de la production», conclut Michel Judkiewicz.

 

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