C’est un bestiaire comptant plus de 600 animaux. Il est largement dominé par les chevaux, suivis par les cerfs et les aurochs, puis par les bouquetins et les bisons. Ces figures pariétales furent peintes il y a 20.000 ans environ par des hommes de Cro-Magnon, sur les parois de la grotte de Lascaux, en Dordogne. Elles sont désormais visibles au Préhistomuseum (Flémalle). Un casque de réalité virtuelle emmène le visiteur dans les dédales de cette grotte aux parois blanches de calcite.
Un chef-d’œuvre à l’abri des regards
Découverte en septembre 1940, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, par quatre adolescents, il n’aura fallu que 3 mois à la grotte de Lascaux pour être classée comme Monument historique. Dès 1948, les visiteurs se pressèrent au portillon pour visiter ce chef-d’œuvre d’art pariétal. Il y en eut tant qu’en 1958, des dégradations des peintures dues à l’invasion d’algues vertes étaient déjà visibles.
Cinq plus tard, le 20 mars 1963, André Malraux, alors ministre français des Affaires culturelles, prend le problème très au sérieux et annonce la fermeture de la grotte afin de la protéger. Depuis lors, elle n’a jamais rouvert.
Pour partager avec le plus grand nombre, ce site d’exception classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’UNESCO, un premier fac-similé de Lascaux a vu le jour en 1983. Une deuxième mouture, présentant davantage de peintures pariétales que la précédente, a tourné dans le monde entier entre 2012 et 2019. L’exposition s’était ainsi arrêtée au Cinquantenaire, à Bruxelles, en 2014.
Une expérience immersive
Avec Lascaux Expériences, dont la première mondiale a lieu au Préhistosite de Ramioul jusqu’au 31 mai 2022, fini les gigantesques moulages des parois de la grotte obtenus par scannage micrométrique. Place au casque de réalité virtuelle.
L’engin sur le crâne et devant les yeux, le visiteur se place au centre d’un carré de 3 mètres sur 3. C’est dans cet espace personnel qu’il peut déambuler, s’asseoir, s’accroupir, ramper afin d’observer les parois et leurs peintures sous toutes les coutures. Une barrière virtuelle encadre cet espace, elle s’affiche sur l’écran lorsqu’on s’en approche. De quoi éviter toute collision avec d’autres expérimentateurs.
Une voix, l’esprit de la grotte, guide le visiteur tout au long de sa visite, l’interpelle pour attirer son regard sur un point particulier, l’incite à prélever des pigments d’ocre et à s’essayer à l’art pariétal.
Un bestiaire précis mais irréaliste
Comme on le ferait dans la grotte de Lascaux en Dordogne, on rentre par la salle des Taureaux. Longue de 16 mètres, large de 9 mètres et haute de 6 mètres, c’est une immense rotonde aux parois recouvertes d’une pellicule de calcite dure et irrégulière.
Les peintures s’y déploient sur 25 mètres, à plus de 2 mètres de hauteur, ce qui a nécessité l’usage d’échafaudage par les hommes préhistoriques et de lampes alimentées de graisse, de chanvre et de mousse. Quatre majestueux aurochs, les ancêtres de nos vaches, sont associés à une quinzaine de chevaux et à trois bovins teintés de rouge séparés par un groupe de cerfs de petite taille. On y décèle le mouvement des pattes, des crinières, et des têtes.
« Malgré les parois non lisses, les peintures sont faites de traits très précis. Mais elles ne sont pas réalistes. Les animaux sont parfois représentés avec des tailles démesurées, comme un taureau grand de 6 mètres. Tous les animaux du bestiaire de Lascaux ont un ventre distendu, arrondi. On en ignore la raison », explique Isaline Raskin, archéologue au Préhistomuseum.
Les peintures monumentales ne sont qu’une première lecture. De nombreuses parois comptent, outre une superposition de dessins animaliers teintés de pigments sans liens évidents entre eux, des gravures réalisées au silex dans la roche.
Des représentations énigmatiques
Et l’homme là-dedans ? Alors que plus de 600 animaux, représentés selon des conventions artistiques particulières (sabots en boule, petite tête, ventre rond), ornent les parois de Lascaux, l’humain n’est représenté qu’une seule fois, avec des traits grossiers et une face qui rappelle celle d’un volatile.
La peinture montre un homme chassant le bison avec une sagaie. Ce dernier, éventré car des viscères pendent sous son corps, rue et renverse le chasseur. Le sens de cette scène narrative, appelée la Scène du Puits, car dessinée à 5 mètres de profondeur dans une cavité très difficilement accessible, continue de constituer une énigme.
Une autre énigme est la présence, qui semble incongrue, de rectangles sur les parois. Certains sont présents sous ou dans le corps d’animaux. D’autres prennent la forme de damiers à 9 cellules, chacune étant d’une couleur particulière, dont un mauve singulier retrouvé uniquement dans ces figures, que certains dénomment blasons. Seraient-ce les prémisses de l’esprit rationnel qui germait alors dans l’esprit des chasseurs-cueilleurs de Lascaux ?