Le bien-être mis en équation

21 janvier 2019
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes
“Il en faut peu pour être heureux”. Editions Anthemis – VP 30€

Qui sont les Belges situés au bas de l’échelle du bien-être ? Et comment arriver à déterminer réellement si les critères pris en compte pour répondre à cette question sont pertinents ? C’est là tout le sens du travail qu’une équipe d’économistes issus d’universités du Nord et du Sud du pays vient de boucler.

Au terme de leur étude « MEqIn » (Measuring Equivalent Incomes),  ils ont élaboré un nouvel indicateur de bien-être individuel dit « du revenu équivalent ». Les chercheurs consignent leurs observations dans un ouvrage disponible depuis quelques jours: « En faut-il peu pour être heureux ? », aux éditions Anthemis.

Élaboration d’un nouvel indicateur

Voilà plusieurs années que des économistes belges travaillent sur la notion de bien-être, rappelle l’UCLouvain, dont le Pr François Maniquet a coordonné ce projet de recherche. Tout le monde n’en a pas la même définition.  Il existe trois grandes familles de théories à ce sujet : les mesures objectives (basées par exemple sur les revenus), l’évaluation subjective du bien-être (centrée sur la notion de bonheur) et l’approche des « capabilités ».  Cette dernière approche combine des paramètres objectifs et de perception subjective, mais ne permet pas de synthétiser les différentes dimensions du bien-être en un indice unique.

Les chercheurs ont donc opté pour une 4e voie pour “chiffrer” le bien-être des Belges.

Ils proposent une méthode alternative, celle du revenu équivalent, tenant compte non seulement des différentes dimensions du bien-être, mais également de l’opinion qu’ont les individus quant à ce qui est important dans leur propre vie.

Pour ce faire, les chercheurs ont conçu une enquête, MEqIn, menée auprès de 3 400 personnes représentatives de la population belge. Elles ont été interrogées sur leur situation objective et leur appréciation subjective des différents aspects de leur vie – santé, travail, logement.

« Ensuite, nous leur avons demandé à quel montant de consommation ils seraient prêts à renoncer mensuellement pour jouir d’une bonne santé, d’un meilleur job, d’un beau logement, etc. A revenu égal, une personne estimant son état de santé plus problématique sera prête à renoncer à un plus grand montant de consommation. Au final, nous avons agrégé ces données dans des mesures chiffrées qui permettent de comparer le bien-être des gens » expliquent les économistes François Maniquet, de l’UCLouvain (et coordinateur de cette étude) et Bram De Rock, de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

Qui retrouve-t-on au bas de l’échelle ?

Il ressort de l’enquête que certains Belges cumulent des désavantages dans plusieurs dimensions du bien-être. La méthode du revenu équivalent permet d’identifier les personnes les plus démunies dans notre société, qui ne s’avèrent pas nécessairement être celles qui perçoivent les revenus les plus faibles ni les plus malheureuses. Ces personnes méritent, selon les auteurs, une attention particulière de la part des responsables politiques.

Bien que ce groupe soit hétérogène, certaines catégories de la population y sont surreprésentées : les familles monoparentales (dont le parent est très majoritairement la mère), issues de l’immigration et/ou dont les parents sont peu qualifiés et/ou sans-emploi.Si, sans surprise, ces données confirment les résultats obtenus dans d’autres études, l’enquête MEqIn a mis en évidence certains faits moins évidents. « Les personnes âgées ne sont pas nécessairement celles qui ont la situation la plus précaire », expliquent François Maniquet et Bram De Rock, dans un communiqué. « Nous avons aussi pris soin d’interroger séparément les différents membres des quelque 2000 ménages inclus dans l’enquête. Il s’agissait notamment de vérifier comment le bien-être est réparti au sein du couple. Les inégalités entre hommes et femmes sont notables et en faveur des premiers. L’écart est parfois énorme : certaines femmes (et quelques hommes également) ne bénéficient que de 30 % des ressources du ménage… »

Une évaluation à long terme

Le livre « En faut-il peu pour être heureux ? » est le fruit d’une première salve d’analyses suite à l’enquête MEqIn. « Nous aimerions établir des statistiques de base. Nous souhaiterions réutiliser le questionnaire de l’enquête dans les années à venir. Cela nous permettrait d’évaluer l’impact des politiques sociales dans la durée. » Et de donner ainsi des pistes aux pouvoirs publics pour augmenter l’efficacité de ces politiques auprès des catégories les plus vulnérables de la société.

Haut depage