Canard souchet mâle, avec son bec noir à spatule © Andreas Trepte , https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15010945

En hiver, les canards se mettent sur leur 31

21 janvier 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

L’hiver, c’est la saison de la séduction pour les oies et les canards. Comme chaque année, ces Anatidés, selon leur appellation scientifique, sont venus en nombre de Scandinavie et de Sibérie passer la saison froide au chaud, chez nous, là où il y a de la nourriture. Cette notion de chaleur est bien sûr relative, mais l’hiver dans le Grand Nord est autrement plus mordant que celui qui sévit dans notre pays, gelant les plans d’eau pendant des mois. C’est à cette époque de l’année que les couples se forment ou se retrouvent, car oui, les Anatidés sont fidèles. Quoi qu’il en soit, monsieur veut séduire et pour ce faire, il se pare de ses plus beaux atours. Sur les plans d’eau, les canards mâles exhibent leur plumage nuptial coloré et contrasté. Comme cela est souvent le cas dans la nature, les femelles demeurent bien plus discrètes, arborant des couleurs plus ternes.

Des apprentis ornithologues ont bravé le froid glacial de la mi-janvier pour assister à ce spectacle coloré et diversifié. Francis Mauhin, Guide-Nature® aux Cercles des Naturalistes de Belgique, leur avait fixé rendez-vous au petit matin, à la réserve naturelle de Negenoord-Kerkeweerd, à Dilsen-Stokkem. Autrefois, cette zone de landes et d’étangs était une zone d’extraction de gravier. Aujourd’hui, c’est l’une des nombreuses réserves naturelles qui ont été aménagées le long des rives belge et néerlandaise de la Meuse.

Canard siffleur mâle, avec la bande jaune pâle qui part de la base du bec jusqu’au-dessus de sa tête © Maga-chan, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=436178

Une palette hallucinante de plumages

Le Canard siffleur, un Anatidé de surface (ainsi nommé, car il se nourrit en se contentant de basculer le corps vers l’avant pour immerger sa tête, sans plonger entièrement son corps), est une espèce phare. Alors que le reste de l’année, mâle et femelle sont d’apparence similaire, en période de reproduction, l’espèce présente un fort dimorphisme sexuel. Sur les plans d’eau de Dilsen-Stokkem, même à distance, les mâles sautent aux yeux grâce à leur plumage contrasté : une bande jaune pâle part de la base du bec jusqu’au-dessus de leur tête rousse. « Les canards siffleurs représentent l’une des espèces d’Anatidés migratrices les plus importantes en nombre d’individus dans le nord-ouest de l’Europe. Ils sont surtout concentrés aux Pays-Bas, en Belgique, en Grande-Bretagne et en Irlande. Leur population est estimée à 1.250.000 individus. Ils arrivent notamment par dizaine de milliers en Zélande lors de la migration hivernale », explique Francis Mauhin, président du cercle naturaliste Attire d’Ailes qui organise chaque semaine une sortie naturaliste de grande qualité dédiée à l’ornithologie et à la botanique.

Le plumage nuptial du Garrot à œil d’or mâle est caractéristique avec la grosse tache blanche entre l’ œil et le bec © Francis C. Franklin, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31962828

D’autres espèces d’Anatidés suscitent également un enthousiasme non feint. Il y a le Garrot à œil d’or, un canard plongeur, donc avec une ligne de flottaison basse : en surface, son corps est enfoncé dans l’eau, toujours prêt à la plongée. Ce superbe visiteur d’hiver est reconnaissable entre tous : le mâle nuptial a une grande tache blanche entre l’œil et le bec, lui donnant l’impression d’avoir de grosses joues blanches sur une tête au plumage foncé.

Le souchet est un canard barboteur, donc de surface, lui aussi richement coloré avec un impressionnant bec noir en forme de spatule. Celui-ci lui permet de filtrer l’eau en l’aspirant et en la rejetant sur les côtés. L’intérieur du bec est tapissé de fines lamelles retenant les éléments planctoniques contenus dans les premiers centimètres d’eau.

Mâle (en haut) et femelle (en bas) de Sarcelle d’hiver, en plumage nuptial. © CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=803729

Certains restent

Le focus est aussi mis sur la Sarcelle d’hiver, le plus petit des canards. Sa taille est nettement inférieure à celle du Canard colvert, bien connu du grand public. «  Comme tous les Anatidés hivernant chez nous, la Sarcelle d’hiver vient d’ex-URSS, de Suède, de Norvège, de Finlande. La plupart des individus repartiront dans ces contrées peu avant le printemps pour y nicher, mais certaines sarcelles restent en Belgique à l’année, et ne migrent donc pas », précise Francis Mauhin.

Oies cendrées en vol © Michael Maggs, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4683191
Oie rieuse avec la racine blanche du bec caractéristique © Frank Schulenburg, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=125974338

Cette adaptation à un autre milieu de vie se rencontre également chez certaines oies. Il y a encore quelques années, toutes les oies, quelle que soit leur espèce, repartaient pour le Grand Nord une fois la période hivernale derrière elles. Là-bas, elles allaient s’accoupler, pondre et couver leurs œufs. Si cela est encore vrai pour les Oies rieuses, il en est tout autre pour les Oies cendrées : certains individus restent en Belgique, s’y installent et y nichent. « Pour différencier ces deux espèces sur les plans d’eau, il faut se focaliser sur le bec : l’Oie rieuse a la racine du bec blanche », commente le Guide-Nature.

Fin février, les premiers visiteurs d’hiver s’envoleront rejoindre leur Sibérie ou leur Scandinavie natale. Ils s’en iront par couple pour y perpétuer leur espèce. D’ici la mi-mars, il n’en restera plus aucun sur les plans d’eau de notre contrée. Il n’y a donc plus une minute à perdre si l’envie vous titille d’aller vous émerveiller.

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