Rôtis, frais, plutôt liquides, ou alors longuement mijotés ? Il y en aura pour tous les goûts, la semaine prochaine, au Festival du film scientifique de Bruxelles, dont Daily Science est partenaire. Plus de quinze documentaires, complétés par des conférences et des témoignages de scientifiques de l’ULB sont au programme cette année. ARN messager, génie des plantes, dé-extinction des espèces, puissance de notre odorat ou encore « Eco Lanta » et autres maîtres de l’espace : la science est fascinante. Et surtout, elle est partout. Y compris dans nos casseroles !
Deux documentaires touchent, en effet, à la question de l’alimentation. Ils portent sur la cuisine de nos lointains ancêtres. Dont celle du Néolithique, il y a 10.000 ans, une période charnière pour l’humanité qui repose notamment sur l’évolution du contenu de nos assiettes quand les chasseurs-cueilleurs se sont sédentarisés. Une révolution qui a laissé de profondes marques dans notre génome. C’est ce que détaille notamment « La cuisine du Néolithique », du réalisateur Charles-Antoine de Rouvre.
La révolution néolithique étudiée par le biais de la fourchette
« Nos habitudes alimentaires ont radicalement changé quand les chasseurs-cueilleurs se sont mis à l’agriculture du côté du Croissant fertile avant de migrer vers l’ouest », expliquent les archéologues, les chimistes et autres spécialistes rencontrés pour ce film. Dont le médecin anthropologue Alain Froment, du Musée de l’Homme, à Paris.
Celui-ci a étudié quelques-uns des multiples squelettes humains retrouvés à Catalhöyük, en Anatolie centrale (Turquie). Ce site archéologique est une des plus anciennes zones d’habitat néolithique densément peuplées connues. Dès le 8e millénaire avant notre ère, la population y était très nombreuse. Seize strates d’occupations ont été relevées sur le site.
Que disent les ossements analysés par le Dr Froment ? « Avec la sédentarisation et le développement de l’agriculture et de l’élevage, on constate un appauvrissement de la richesse de l’alimentation », souligne l’anthropologue, qui détecte des signes d’anémie sur les squelettes.
« Sur ce site, la domestication existe depuis le début », estiment les archéologues qui ont découvert des signes de consommation de moutons, de chèvres, de cochons ou encore de chevaux. « Ces espèces occupent une place essentielle dans l’alimentation des habitants. Surtout pour l’apport en graisse. Les ovins et les caprins constituent la principale source de protéines. Mais le plus important, ce sont les innombrables formes domestiquées du blé et de différentes céréales. Par exemple, du petit épeautre », rapporte le documentaire.
Apparition des premières casseroles
Déterminer les origines des changements alimentaires est une chose. Imaginer leur préparation en est une autre. « La cuisine du Néolithique », lève le voile sur ce volet. Avec la sédentarisation, on assiste aussi à l’apparition de la fabrication de poteries. Des pots servant notamment à cuire les aliments. L’ancêtre de la casserole, en quelque sorte.
« Au Paléolithique, il n’y avait que des aliments (crus ou, NDLR) grillés », note Anne Flouest, ancienne conservatrice du musée de Bibracte. Elle cherche à reconstituer les recettes du passé à partir des résultats de découvertes archéologiques, mais aussi d’expérimentations qu’elle réalise. « En faisant mijoter diverses denrées, les associations modifient les apports nutritifs et la façon de vivre. L’archéologie expérimentale permet d’appréhender les gestes, les méthodes de préparation, de retrouver les saveurs », assure-t-elle.
Impact sur le génome humain
Ce changement de régime s’accompagne aussi de changements physiques. Le génome s’adapte au nouvel environnement. Le variant responsable de la peau claire devient dominant au Néolithique. Sans doute pour mieux synthétiser la vitamine D, qui n’est plus aussi présente dans l’alimentation qu’elle ne l’était chez les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique.
« Le régime de l’agriculteur est plutôt pauvre en protéines et plus riche en glucides. Ce qui signifie un appauvrissement du point de vue des apports en vitamines et aussi éventuellement en oligo-éléments.»
Un nouvel aliment apparaît dans le régime de ces populations sédentaires : le lait provenant des animaux d’élevage. Cela explique qu’au fil du temps, en deux à trois mille ans à peine, un autre variant s’exprime davantage dans le génome humain : celui qui permet à l’adulte de digérer le lait.
Les scientifiques estiment que la population mondiale est multipliée par 25 au Néolithique, pour atteindre quelque deux millions d’individus en Europe vers 4000 ans avant notre ère.
Envie d’en apprendre (beaucoup) plus sur l’évolution de l’assiette de nos ancêtres ? Rendez-vous au Festival du film scientifique de Bruxelles. L’accès y est libre et promet de belles découvertes.