A Bruxelles et à Liège, plusieurs équipes de chercheurs viennent d’enregistrer de beaux progrès en ce qui concerne la lutte contre le mélanome malin et le cancer du sein.
A l’Université de Liège, l’équipe du Dr Pierre Close, du GIGA, vient de mettre en évidence un mécanisme fondamental qui explique comment les cellules de mélanomes développent une résistance aux thérapies ciblées. La Dr Francesca Rapino, chercheuse postdoctorale dans le laboratoire du Dr Close, a découvert qu’au cours du traitement, les cellules de mélanomes modifiaient la manière dont elles synthétisent les protéines. En agissant de la sorte, ces cellules malignes survivent au traitement qui leur est appliqué.
Nouvelles cibles
Techniquement, le mécanisme d’adaptation cellulaire, qui est inactif dans des cellules saines, repose sur une nouvelle famille d’enzymes qui régulent les ARNs de transfert et qui induisent la résistance des mélanomes malins au cours du traitement. Ces enzymes représentent donc de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles », indique l’ULiège.
Les chercheurs ont démontré qu’en inhibant ces molécules, les cellules de mélanome devenues résistantes étaient re-sensibilisées aux thérapies ciblées et mouraient par apoptose (mort cellulaire programmée), ce qui produit un effet anti-tumoral important.
« Ces résultats indiquent que l’inhibition de ces molécules, en synergie avec les thérapies ciblées, limite le développement des mélanomes malins multi-résistants », insiste-t-on à Liège.
« Le développement d’inhibiteurs pharmacologiques qui cibleraient spécifiquement ce mécanisme pourrait s’avérer être une option thérapeutique prometteuse pour la prise en charge des patients atteints de mélanomes malins multi-résistants, maladie dont le pronostic reste très défavorable ».
La piste de l’épigénétique
Au Laboratoire d’Epigénétique du Cancer du Pr François Fuks (Université Libre de Bruxelles), en collaboration avec l’équipe du Pr Agnès Noël, Directrice du Laboratoire de biologie des tumeurs et du développement (GIGA, ULiège), c’est un autre mécanisme qui vient d’être mis en lumière. Il concerne le cancer du sein.
Leurs travaux marquent une avancée dans la compréhension de l’interaction entre les cellules immunitaires et les cellules cancéreuses, via la dérégulation de la machinerie épigénétique.
Chaque année, plus de 1,6 million de nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués. Le cancer du sein est une maladie très hétérogène, comportant plusieurs sous-types connus, si bien qu’il convient en fait de parler d’un ensemble de plusieurs maladies.
Depuis quelques années, des thérapies particulières et adaptées à ces différents sous-types sont proposées et améliorent grandement l’efficacité de la prise en charge des patients. Malgré tout, certains sous-types restent difficiles à traiter et il est plus que jamais essentiel d’approfondir notre compréhension des mécanismes moléculaires de ces cancers.
Dans ce contexte, l’épigénétique, discipline qui étudie les mécanismes de régulation de nos gènes indépendamment de toute mutation de l’ADN, a ouvert de nouvelles perspectives de recherches.
Les enzymes TET et leur régulation
Objectif de l’étude ? Caractériser les enzymes TET responsables d’une modification chimique de l’ADN, l’hydroxyméthylation. Ces enzymes importantes interviennent dans la régulation des gènes ; elles étaient déjà connues pour leur rôle clé dans de nombreux cancers, y compris les cancers mammaires.
La nouvelle étude lève le voile sur un mode de régulation des enzymes TET : en présence de certaines cellules immunitaires dans la tumeur, les cellules cancéreuses perdent ces enzymes suite à une réponse immunitaire. Ce dialogue entre le système immunitaire et les cellules cancéreuses est particulièrement marqué dans un sous-type distinctif, les cancers « basal-like » qui restent à ce jour mal traités et constituent un défi majeur en oncologie mammaire.
La perte des enzymes TET affecte le pronostic de survie des patientes et met en avant l’influence du système immunitaire sur les cellules cancéreuses. Plus encore, cette découverte a pu être étendue a plus d’une dizaine de cancers supplémentaires, tels que les cancers des ovaires, des poumons, de la thyroïde, ou encore le mélanome.
Ces travaux, financés par un projet inter-universitaire du Télévie, ainsi que par le FNRS et la Wallonie, ont donc permis de mettre en lumière un nouvel aspect de la régulation des cancers par les cellules immunitaires.
La présence de cellules immunitaires dans les cancers conditionne fortement la réponse des patients à divers traitements, y compris les nouvelles immunothérapies. Le décryptage des mécanismes moléculaires impliqués dans le dialogue entre système immunitaire et tumeur pourrait améliorer la prise en charge des patients.