Rainette verte mâle © Laurence Perreaux

Vers un retour durable de la Rainette verte en Wallonie

21 juin 2024
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Reconnaissable à sa petite taille et à sa peau d’un vert vif, la Rainette verte (Hyla arborea) est une espèce protégée, tout comme les 15 amphibiens indigènes de Wallonie. Disparue au cours des années 1980, la petite grenouille se réinstalle peu à peu en Famenne et en Gaume grâce à un programme de réintroduction piloté par Natagora depuis 2022. Sur certains sites où elle a été réintroduite, des œufs ont même été repérés au printemps, attestant la reproduction naturelle entre individus. Une première en plus de 40 ans.

œufs de Rainette verte © Karl Gillebert

20 degrés, une température idéale

Espèce arboricole, la Rainette verte se démarque par sa capacité à grimper aux arbres grâce aux petites ventouses qui se trouvent sous ses doigts. Curieusement, ce n’est pas dans les mares en forêts qu’elle pond ses œufs, mais bien dans des points d’eau peu profonds en milieux ouverts.

« Les têtards ont effectivement besoin d’une eau proche des 18 à 20 degrés pour pouvoir se développer. Les mares en forêts, ou entourées de végétation, ne leur sont donc pas propices, l’ombrage empêchant l’eau de se réchauffer suffisamment », explique Charles Carels, fondateur et coordinateur du Groupe de Travail « Rainettes » de Natagora. « Ajoutons qu’elles privilégient aussi les mares temporaires pour éviter leurs prédateurs : les poissons. »

A l’origine, la Rainette verte s’installait donc dans les plaines alluviales. Mais avec la canalisation des cours d’eau durant le 20e siècle, ces vallées inondables ont progressivement disparu. L’espèce est néanmoins parvenue à s’adapter en s’établissant dans des mares agricoles destinées à abreuver le bétail. Mais la modernisation de l’agriculture a conduit à l’abandon de ces points d’eau, provoquant le déclin irrémédiable des populations.

Oeufs de Rainette verte © Karl Gillebert

Disparue en Wallonie, mais bien présente en Flandre

« L’espèce est déclarée éteinte en Wallonie à la fin des années 1980. En Flandre, où elle était aussi en voie de disparition, elle a été sauvée in extremis grâce à la découverte de quelques individus à la fin des années 1990 dans le Limbourg et aux mesures de protection qui ont suivi », informe Charles Carels. Aujourd’hui, la petite grenouille est à nouveau très abondante dans le nord du pays. Elle s’est rétablie dans le Limbourg, mais aussi en province d’Anvers et dans la région du Parc naturel du Zwin.

Compter sur une réapparition spontanée de l’espèce en Wallonie à partir des populations flamandes est toutefois peu probable, les amphibiens se déplaçant très peu hors de leurs zones d’habitat. D’où l’idée de mettre sur pied un programme de réintroduction. Un projet qui a été envisageable par les efforts entrepris ces dernières années en Wallonie pour restaurer certains milieux naturels, particulièrement propices au retour de la Rainette verte.

« Il est important de rappeler que ces grenouilles fonctionnent en « métapopulations ». Cela signifie qu’elles occupent un certain territoire, sans toujours s’installer dans les mêmes mares. Elles se reproduiront uniquement dans celles qui présentent toutes les caractéristiques nécessaires au développement des têtards. Si l’endroit devient moins intéressant l’année d’après, elles iront ailleurs. L’espèce a donc besoin d’un territoire vaste, de minimum 50 à 60 hectares ». Soit 70 à 85 terrains de football.

Accouplement de deux Rainettes vertes © Laurence Perreaux

Premier accouplement de Rainettes en quatre décennies

En 2022, un programme de réintroduction voit donc le jour, réunissant la Région Wallonne, Natagora, Natagriwal, le Domaine des Grottes de Han, la Fondation Pairi Daiza, et l’Aquarium-Muséum (ULiège). Côté flamand, on retrouve l’association de protection de la nature Natuurpunt, l’INBO (l’institut de recherche de nature et forêt) et l’ANB (Agence pour la nature et la forêt). Participe également au projet la SICONA, un bureau luxembourgeois de Conservation de la Nature.

« Depuis 2022, nous collectons certaines pontes des populations issues du Limbourg et d’Anvers. Ces œufs sont ensuite mis en élevage au domaine des Grottes de Han, à Pairi Daiza, et, depuis 2024, à l’Aquarium-Muséum, ainsi que chez plusieurs volontaires de Natagora », précise Charles Carels.

En 2022, 3.300 Rainettes ont été libérées au sein de quatre sites sélectionnés pour la réintroduction, trois en Famenne et un en Gaume. En 2023, un second relâcher a été réalisé, incluant 4.200 individus, et un troisième est prévu dans le courant de l’été 2024. « Normalement, au terme de trois ans, soit ça ne marche pas, soit la population s’installe. Et, visiblement, c’est le cas ! On a trouvé cette année des œufs au sein de trois sites, et un têtard a même été découvert dans une des mares ! », se réjouit le membre de Natagora.

Ce programme de réintroduction est donc un succès, et les partenaires souhaitent aujourd’hui l’étendre à d’autres lieux. « On compte proposer un nouveau projet à la Région wallonne d’ici à l’automne. On prélèvera cette fois les œufs sur les sites restaurés en Famenne et en Gaume. On se charge pour le moment de sélectionner ces nouveaux sites. Pour l’heure, on a trouvé une dizaine d’endroits potentiels, répartis dans toutes les provinces de Wallonie. Et des visites sont prévues cet été ».

Rainettes vertes chantant © Laurence Perreaux
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