Paris

Le futur sera urbain

21 décembre 2020
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

D’ici 2050, près de 10 milliards de personnes peupleront la planète. Parmi elles, deux sur trois vivront dans les villes. Dans cette perspective, il deviendra nécessaire d’apporter des réponses solides aux problématiques (déjà présentes) de logements, d’emplois, de transports, et de systèmes énergétiques. Pour Martina Barcelloni Corte, professeure et chercheuse en architecture et urbanisme à l’ULiège, une forme urbaine en particulier sera au centre des défis qui nous attendent : la « ville-territoire ».

Une mutation en chantier depuis presque 60 ans

Pour comprendre ce terme apparu au début des années 60, il faut rappeler que la forme des villes connaît depuis plusieurs décennies une évolution radicale. Les grandes métropoles concentrées, caractéristiques de la première moitié du XXe siècle, exerçaient leur pouvoir sur le territoire environnant (secondaire, et en majorité rural). Elles ont progressivement été remplacées par un système urbain nettement plus complexe. Un système vaste, diffus et hétérogène, dans lequel les milieux urbains et ruraux s’imbriquent étroitement.

« Dans notre groupe de recherche, nous parlons de ‘métropole horizontale’. Un oxymore qui associe les caractéristiques de la grande métropole – c’est-à-dire le centre d’un vaste territoire, organisé hiérarchiquement, verticalement , un lieu de concentration et de complexité mais surtout d’émancipation – avec celles d’un espace urbain diffus, étendu, tendanciellement isotrope et décentralisé », indique Pre Barcelloni Corte.

Selon elle, la Belgique peut être considérée comme une seule et grande métropole dispersée. « Elle se compose de plusieurs villes – plus ou moins au même rang – fortement connectées et interdépendantes, qui font elles-mêmes parties d’un système bien plus vaste qui traverse le continent, de la mer du Nord aux Alpes, et qui donne des suggestions tout à fait nouvelles pour le projet.»

Une diffusion urbaine mal aimée

Les raisons de l’émergence de cette forme de ville se trouvent, en grande partie, dans la capacité du territoire à répondre aux besoins d’une population en forte croissance. Étant soigneusement organisé et doté d’infrastructures installées au fil des siècles à des fins agricoles, ce territoire était déjà habitable et « prêt à l’emploi ».

«  Pendant longtemps, la diffusion urbaine a surtout été vue comme un problème, car largement associée à la perte d’un paysage mythique : la campagne libre et préservée. Fermement contestée, elle a été, en conséquence, peu étudiée. Pourtant, la recherche sur cette forme urbaine est essentielle si l’on veut en saisir en profondeur la nature et la portée. Et ainsi parvenir à la voir aussi comme un atout, et pas seulement comme un problème à la construction d’un projet urbain et territorial durable et innovant », explique la chercheuse.

Les villes, laboratoires d’innovations

De fait, la crise socio-économique et environnementale nous oblige à repenser nos styles de vie et nos modèles d’urbanisation. Et il s’avère que les « villes-territoires » peuvent nous aider à faire face à cette transition.

«  Ces formes urbaines nous invitent, entre autres, à revoir en profondeur nos alliances, à construire de nouvelles synergies entre les espaces, les pratiques, mais aussi les disciplines. Ce qui a déjà permis ces dernières années de développer des solutions innovantes, notamment en matière d’agriculture », pointe la professeure de l’ULiège.

En Belgique, différentes initiatives s’y développent. Citons, par exemple, la ceinture aliment-terre à Liège, celle de Verviers ou encore « Good Food » à Bruxelles.

La question n’est donc plus d’accepter ou non ces « villes-territoires », mais de mieux les comprendre. De façon à construire un projet urbain à la hauteur des défis futurs.

Planifier le futur urbain

« Notons, par exemple, que les « villes-territoires » disposent de beaucoup d’espaces ouverts, comme des espaces agricoles, forestiers ou des grands parkings. Or, le sol « vivant » joue un rôle fondamental à plusieurs niveaux », note l’architecte. « En le valorisant, il pourra nous aider à absorber de grandes quantités de CO2, à gérer la problématique des îlots de chaleur, à filtrer les eaux, ou encore à éviter de dangereuses inondations. De nombreux effets négatifs causés par le changement climatique pourront être atténués par des stratégies urbaines associées aux sols. »

La chercheuse a notamment étudié la question au sein du projet “Visions prospectives pour le Grand Genève. Habiter la ville-paysage du 21e siècle” qui vient de se clôturer. Depuis septembre, elle participe à une étude similaire pour le Grand-Duché de Luxembourg et ses territoires frontaliers, dont la Wallonie.

Selon les responsables du projet, l’objectif sera de « réunir des propositions stratégiques d’aménagement du territoire, et de produire des scénarios de transition écologique à l’horizon 2050 pour le Grand-duché de Luxembourg et ses territoires frontaliers ». Précisant se baser « sur l’hypothèse selon laquelle les futures qualités urbaines, architecturales et paysagères affecteront les modes de vie des populations concernées. »

 

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