Noël dans les séries TV, entre guirlandes lumineuses et sujet de société

21 décembre 2021
par Camille Stassart
Durée de lecture : 4 min

Noël a toujours été une source d’inspiration pour les artistes, et on ne compte plus les romans, musiques et films qui abordent le thème. Une pratique culturelle qui n’échappe pas non plus aux séries TV. De « Downton Abbey », à « Friends », en passant par « Urgences », l’épisode qui se déroule à Noël est une véritable tradition.

Pour Sarah Sepulchre, professeure à l’UCLouvain et autrice de l’ouvrage « Décoder les séries télévisées », aux éditions De Boeck Supérieur, si ces épisodes tombent parfois dans les stéréotypes, certains présentent une réelle approche artistique et sociétale.

Des œuvres qui s’ancrent au quotidien du public

Selon la chercheuse, les épisodes de Noël dans les séries sont vraisemblablement apparus au moment où sont nées les grilles de programmes, dans les années 60. Celles-ci consistent à planifier, à telles heures ou tels jours, les émissions et les séries détenues par une chaîne TV, sur base du mode de vie du public ciblé. Le but : maximiser les audiences (et donc les recettes) que générera la diffusion du programme, mais aussi fidéliser le téléspectateur en lui proposant des « rendez-vous TV » récurrents.

« La création de ces grilles de programmes a conduit les séries TV à suivre le « temps social » du public. Elles ont pris l’habitude de diffuser un épisode axé sur Halloween à la fin octobre, un épisode sur la Saint-Valentin durant la deuxième semaine de février, un épisode de Noël dans le courant du mois de décembre, etc. », indique la coordinatrice du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les cultures et les arts en mouvement, à l’UCLouvain. « Ce lien avec le temps social est d’ailleurs une des grandes particularités du genre par rapport aux autres récits fictionnels (cinéma, BD, roman…), qui en dit long sur la volonté des séries de se rattacher au quotidien et à la réalité du spectateur. »

La pratique n’est toutefois pas universelle et se retrouve essentiellement dans les séries anglo-saxonnes. L’explication est à trouver dans leur système de création. « Ces séries sont, en effet, produites en flux tendus, c’est-à-dire que les épisodes sont écrits et tournés au fur et à mesure de l’année. Et ce, alors que les séries belges et françaises sont entièrement écrites et tournées avant leur diffusion, rendant impossible l’idée de se synchroniser sur le temps social du spectateur. La seule série française qui propose un épisode « spécial Noël » est « Plus belle la vie », car elle est produite à flux tendu », précise la Pre Sepulchre.

Être original tout en respectant les carcans

En conséquence, la majorité de ces épisodes présente une version anglo-américaine de Noël, et repose perpétuellement sur les mêmes codes : les paysages enneigés en arrière-plan, les musiques thématiques anglaises, les repas de famille, etc. « Pour autant, cet épisode constitue un vrai défi pour les scénaristes qui doivent proposer un épisode dans le thème, sans tomber dans le cliché, tout en présentant quelque chose de nouveau chaque année. Certaines séries affichent ainsi une vraie démarche artistique en jouant sur ces codes. Je pense, par exemple, à cet épisode du « Mentalist » où les personnages enquêtent sur le meurtre d’un père Noël.»

L’enjeu est d’autant plus important que l’épisode de Noël est, généralement, le dernier diffusé avant le hiatus d’hiver. C’est donc souvent un épisode majeur dans la saison, qui incitera les spectateurs à poursuivre le visionnement après la pause. « Pour y parvenir, ces épisodes se terminent généralement par un « cliffhanger » (moment où le suspense est à son comble). Ces épisodes incluent, en outre, des développements importants pour les personnages : l’annonce d’une maladie, un mariage, une déclaration d’amour, un nouvel emploi, des mises en couple, une naissance, etc. »

Pour certaines séries, enfin, cet épisode est surtout l’occasion d’illustrer « l’autre facette » de Noël. « Les séries policières et médicales, notamment, rappellent que certaines personnes travaillent à cette période. Ce sont des épisodes où l’on peut voir des sapins prendre feu, des blessures en cuisine, des disputes de famille, ou encore des personnes qui sont seules le jour de Noël, et ainsi aborder l’impact psychologique que peut avoir cette fête traditionnellement familiale. Et ce, toujours dans le souci de rejoindre le plus le réel », souligne la chercheuse.

Notons tout de même que la tradition de réaliser un épisode de Noël tend à se perdre dans les séries produites par les plateformes de streaming. « On a moins d’épisodes du type dans ces séries, car elles sont entièrement réalisées avant leur mise en ligne. Elles ne sont donc pas liées au temps social. Je ne pense toutefois pas que les épisodes de Noël soient voués à disparaître, tout simplement parce que je ne crois pas que l’avènement des plateformes entraînera la mort de la télévision linéaire », conclut la Pre Sepulchre.

Haut depage