Génération Cyborg

22 janvier 2025
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

« Les cyborgs existent. Ils sont partout autour de nous. Et depuis longtemps. » La formule n’est pas un slogan choc. C’est un constat, presque banal, posé par la Pre Anne Vanhoestenberghe, titulaire de la Chaire André Jaumotte à l’Académie royale de Belgique, en partenariat avec l’École polytechnique de Bruxelles.

Les cyborgs ? « Nous sommes loin de ce que nous propose la science-fiction », souligne en substance cette ingénieure en microélectronique de l’ULB qui a fait ensuite son doctorat au sein du groupe des dispositifs implantés (Implanted device group) de l’University College de Londres. « Mes travaux portent sur les neurotechnologies, depuis les innovations technologiques jusqu’à leurs interactions avec le système nerveux humain », précise-t-elle. « Je développe les technologies nécessaires pour la prochaine génération de dispositifs électroniques implantables. »

L’exemple du stimulateur cardiaque

Si ses travaux se situent donc à la pointe en la matière, elle énumère volontiers quelques exemples de cyborgs bien actuels. « Le cas le plus connu d’intégrations symbiotiques réussies de dispositifs intelligents chez l’être humain est sans doute celui du stimulateur cardiaque, le fameux pacemaker », estime-t-elle. « Ce dispositif détecte les problèmes électriques du cœur défaillant et y pallie automatiquement en cas de besoin. »

D’autres types d’implants, peut-être moins connus, améliorent également au quotidien la vie de patients. « C’est le cas des implants cochléaires, qui permettent aux sourds de percevoir leur environnement. Ce type de dispositif illustre comment la miniaturisation a pu adapter un design complexe à l’espace limité de l’oreille », souligne la scientifique.

« Je pense aussi au système qui contrôle le tremblement parkinsonien grâce à la stimulation cérébrale profonde », indique-t-elle, en présentant une courte vidéo illustrant comment ce type d’implant améliore sensiblement la vie des patients.

Nouvelles générations d’implants

Outre la stimulation électrique pour l’aide au mouvement, ou comme on l’a vu ici, pour empêcher des mouvements intempestifs, les applications de la technologie implantée dans un système biologique comme l’être humain sont également utilisées pour la réhabilitation après un traumatisme entraînant une paralysie ou un accident vasculaire cérébral. Les prothèses intelligentes adaptatives et personnalisées bénéficient également de l’apprentissage de la machine pour interpréter les signaux musculaires. Les interfaces entre l’humain et la machine peuvent aussi aider à résoudre des problèmes d’incontinence, à réguler la pression sanguine…

Les recherches menées par Pre Anne Vanhoestenberghe et son équipe portent sur les prochaines générations d’implants. « L’intégration de circuits électriques et puces électroniques au sein du système nerveux présente des défis considérables », pointe-t-elle.

« Le corps humain a évolué au cours de millénaires pour devenir un système hyperspécialisé, tout aussi efficace que complexe. Tout effort de réparation et de restauration par des moyens artificiels présente des questions qui repoussent les limites des systèmes électromécaniques actuels. Et requièrent des équipes qui combinent les expertises en ingénierie et en médecine », indique-t-elle.

Des avancées, mais aussi des interrogations

La professeure Vanhoestenberghe évoque aussi la question de la durabilité et de la fiabilité des implants intelligents. De leurs origines également. Ceux-ci sont, pour l’essentiel, commercialisés par des entreprises privées. Qu’advient-il des mises à jour et de la maintenance de ces dispositifs dans le temps ? De même, comment s’assurer que les patients ne seront pas abandonnés si l’entreprise qui vend ces dispositifs venait à disparaître ou si elle décidait de ne plus produire tel ou tel dispositif ?

L’éthique n’est pas absente des réflexions de la scientifique. Quels impacts les dispositifs neurologiques ont-ils sur l’identité d’un individu ? Comment cette identité va-t-elle évoluer avec le temps qui passe ? Avec quelles implications dans les relations sociales et familiales? Et que se passe-t-il en cas « d’explantation » du dispositif ?

« C’est là un aspect des choses sur lequel, et pour l’instant, il y a très peu d’expériences », souligne Anne Vanhoestenberghe. « La vie des cyborgs, doit-elle dépendre du secteur privé ? », conclut-elle, lançant clairement la balle dans le camp des régulateurs.

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