La gravité, condition sine qua non à la coordination des mouvements

22 mai 2025
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Comprendre le rôle joué par la gravité sur la préhension des objets, sur terre. Et, ensuite, analyser le processus de manipulation de ces objets dans un environnement privé de gravité ressentie (les astronautes). Ce sont là les objectifs du Dr Philippe Lefèvre et du Dr Jean-Louis Thonnard, respectivement chercheurs en sciences de l’ingénieur et en sciences de la motricité à l’UCLouvain. Les conclusions issues de 21 années de recherche viennent d’être publiées.

Adaptation constante

Nous manipulons des objets au quotidien. Pour y parvenir, notre cerveau coordonne nos mouvements, anticipe les situations et s’adapte à son environnement. Le contrôle de la manipulation s’apprend entre 0 et 8 ans. Le principal apprentissage consiste à contrer la force de charge due à la gravité et à l’inertie en exerçant une pression sur les objets. Cette pression ou force de serrage empêche l’objet manipulé de tomber.

Thomas Pesquet teste, à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS), le dispositif élaboré par les chercheurs louvanistes © UCLouvain / ISS

Tests à bord de l’ISS

En 2017, à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS), l’astronaute Thomas Pesquet installait l’équipement de recherche conçu par les deux chercheurs de l’UCLouvain, permettant de faire un bond en avant.

Entre 2018 et 2023, 11 astronautes (dont Thomas Pesquet) ont ainsi testé l’équipement en orbite, puis de retour sur Terre après six mois de mission. L’objectif était d’analyser les capacités du cerveau à la réadaptation motrice en gravité terrestre.

Perte de repères

Les résultats ont révélé un phénomène surprenant : lorsqu’ils et elles avaient les yeux fermés, les astronautes en impesanteur (c’est-à-dire qui ne ressentent pas la pesanteur) déviaient systématiquement de leur trajectoire lorsqu’ils bougeaient la main. Ce phénomène était présent, quelles que soient la posture du corps et l’orientation du mouvement dans l’ISS. Au contraire, sur Terre, ce biais n’était présent que pour une seule posture du corps et une orientation particulière du geste de la main.

Pour expliquer cela, les scientifiques ont proposé l’hypothèse du “pendule inversé”, selon laquelle notre cerveau utilise la gravité comme repère pour coordonner les mouvements des yeux et des mains sur Terre. En l’absence de gravité ressentie, comme c’est le cas dans l’espace, cette coordination est perturbée.

Rééducation après un AVC

Ces découvertes, en plus de préparer les futures missions d’exploration sur Mars, où la manipulation d’objets est une question de survie, ouvrent également la voie à des avancées médicales majeures liées au rôle de la gravité pour notre orientation spatiale. En particulier, pour les patients atteints de traumatismes cérébrovasculaires.

Comme l’explique Philippe Lefèvre, « la rééducation après un AVC implique des mécanismes cérébraux liés à l’apprentissage de la dextérité, et nos recherches pourraient aboutir à des thérapies plus efficaces. De plus, elles contribuent au développement de prothèses orthopédiques avancées, permettant aux patients de retrouver leur autonomie dans les gestes du quotidien, comme se servir une tasse de café. »

Grâce à l’aboutissement de cette recherche pionnière, les chercheurs repoussent les frontières de la compréhension du mouvement humain, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles technologies pour les astronautes et à des innovations médicales pour améliorer la qualité de vie de nombreux patients. Arsalis, une spin-off de l’UCLouvain, a d’ailleurs vu le jour en ce sens en 2005.

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