Détecter des trous noirs nés avec le Big Bang

22 juin 2021
par Daily Science
Durée de lecture : 5 min

Une équipe de chercheurs composée de physiciens et mathématiciens de l’UNamur, de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Paris-Saclay, propose une expérience innovante qui pourrait permettre de détecter des trous noirs primordiaux de la taille d’une balle de tennis.  De quoi révolutionner notre compréhension du cosmos.

Trous noirs primordiaux

« Détecter les trous noirs primordiaux, c’est ouvrir de nouvelles perspectives pour comprendre l’origine de l’Univers. En effet, ces trous noirs primordiaux, encore hypothétiques, se seraient formés à peine quelques fractions infimes de seconde après le Big Bang. Leur étude représente un grand intérêt pour la recherche en physique théorique et en cosmologie, parce qu’ils pourraient notamment expliquer l’origine de la matière noire dans l’Univers ». En détaillant les perspectives qu’ouvre leur recherche, l’équipe emmenée par le Professeur André Füzfa, astrophysicien à l’UNamur, a des étoiles plein les yeux.

Un trou noir primordial est un type particulier de trous noirs qui pourraient se former très tôt dans l’histoire de l’Univers, à l’occasion de différents processus qui ont modelé les interactions fondamentales et la formation des particules.  Ils ont pu survivre jusqu’à aujourd’hui et constituer une partie, voire la totalité de l’énigmatique matière noire. « Certaines observations intrigantes, comme celles de LIGO/Virgo (ondes gravitationnelles) ou de OGLE (microlentilles gravitationnelles), pourraient être expliquées par de tels trous noirs primordiaux. »

Une alliance pour un détecteur inédit

Ce projet est le fruit d’une collaboration entre l’UNamur et l’ULB, à laquelle s’ajoute l’ENS grâce à l’implication d’un étudiant stagiaire, Léonard Lehoucq.  L’idée était de combiner l’expertise de l’UNamur dans le domaine des antennes à ondes gravitationnelles, une idée brevetée par le Professeur Füzfa en 2018 et étudiée par Nicolas Herman dans le cadre de son doctorat, à celle de l’ULB dans le domaine en plein essor des trous noirs primordiaux, dont le Professeur Clesse est un des acteurs centraux. Ils viennent ainsi de développer une application de ce type de détecteur à l’observation de « petits » trous noirs primordiaux.

« A ce jour, ces trous noirs primordiaux restent encore hypothétiques, car il est difficile de faire la différence entre un trou noir issu de l’implosion d’un cœur d’étoile et un trou noir primordial.  Observer des trous noirs plus petits, de la masse d’une planète pour une taille de quelques centimètres, permettrait de faire la différence », explique l’équipe de chercheurs.

« Nous proposons aux expérimentateurs un dispositif qui pourrait les détecter, en captant les ondes gravitationnelles qu’ils émettent en fusionnant et qui sont de beaucoup plus hautes fréquences que celles actuellement accessibles. »

Cette illustration évoque la déformation de l’espace-temps autour de la boucle du Cygne par deux trous noirs © Unamur/ULB/ENS

De très hautes fréquences

Par quelle technique ? En utilisant une « antenne » à ondes gravitationnelles, composée d’une cavité métallique spécifique et adéquatement plongée dans un puissant champ magnétique extérieur. Lorsque l’onde gravitationnelle passe à travers le champ magnétique, elle génère des ondes électromagnétiques dans la cavité.  En quelque sorte, l’onde gravitationnelle fait « siffler » (résonner) la cavité, pas avec du son, mais avec des micro-ondes.

Un montage de ce type, d’une taille de seulement quelques mètres suffirait pour détecter des fusions de petits trous noirs primordiaux à des millions d’années-lumière de la Terre. L’appareil proposé est beaucoup plus compact que les détecteurs habituellement utilisés (interféromètres LIGO, Virgo et KAGRA) qui mesurent plusieurs kilomètres de long.

La méthode de détection le rend sensible aux ondes gravitationnelles de très haute fréquence (de l’ordre de 100 MHz, comparé à 10-1000 Hz pour LIGO/Virgo/Kagra), qui ne sont pas produites par les sources astrophysiques ordinaires comme les fusions d’étoiles à neutrons ou de trous noirs stellaires.   Ces très hautes fréquences sont par contre idéales pour la détection de petits trous noirs, de la masse d’une planète et dont la taille va d’une petite bille à une balle de tennis.

Modélisation théorique

« Notre proposition de détecteur combine des technologies bien maîtrisées et présentes dans la vie de tous les jours comme les magnétrons des fours à micro-ondes, les aimants d’IRM et les antennes radios.  Mais ne démontez pas tout de suite vos appareils ménagers pour vous lancer dans l’aventure : consultez d’abord notre article pour commander votre matériel, comprendre le dispositif et le signal qui vous attend en sortie », plaisantent les chercheurs.

Cette technique brevetée est pour l’instant au stade de la modélisation théorique avancée, mais comporte tous les éléments nécessaires pour entrer dans un phase plus concrète, avec la construction d’un prototype.

Elle ouvre en tout cas la voie à des recherches fondamentales sur l’origine de notre Univers. Outre les trous noirs primordiaux, ce type de détecteur pourrait aussi observer directement les ondes gravitationnelles émises au moment du Big Bang, et ainsi sonder la physique à des énergies bien plus élevées que celle qui peut être atteinte dans les accélérateurs de particules.

Découvrez ci-après deux animations créées par l’équipe de recherche. La première est une simulation qui combine trois animations, la fusion des trous noirs primordiaux, l’onde gravitationnelle traversant le détecteur et la puissance électromagnétique induite dans celui-ci. La deuxième est la traduction en son audible du signal entrant dans le détecteur et sa réponse, support visuel à l’appui.

 

 

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