L’impact du réchauffement climatique en Arctique surveillé par l’OTAN

22 juin 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

Depuis quelques jours, le Dr Pierre-Marie Poulain, océanologue formé initialement à l’Université de Liège, n’est plus dans son bureau de l’OTAN, en Italie. Comme cela se produit plusieurs fois par an, le scientifique a pris le large, à bord du navire de recherche de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, dénommé Alliance.

« Nous venons de quitter Tromsø, en Norvège, pour une mission de plusieurs semaines en mer », confirme-t-il depuis sa cabine, alors que le vaisseau se faufile dans les fjords, quelques heures après avoir appareillé. « Nous mettons le cap au Nord. Vers la limite de la banquise », précise celui qui est aussi le scientifique en chef de cette campagne.

« Depuis quelques années, nous sommes de retour en Arctique où nous menons des recherches dans les eaux polaires. L’OTAN et ses pays membres se préoccupent beaucoup de l’évolution de cet océan. Avec la disparition de la glace, les mers arctiques sont de plus en plus accessibles. La zone est davantage fréquentée, ce qui peut générer des tensions. Les grandes puissances y ayant davantage accès avec leurs navires et leurs sous-marins, cela peut représenter une menace.»

L’évolution de la banquise placée sous surveillance

Quand il ne navigue pas, le spécialiste en océanographie physique et en acoustique est basé au Centre de recherche et d’expérimentations marines (CMRE) situé à La Spezia, en Italie, non loin de Gènes.

« Ce qui nous intéresse, c’est de suivre l’évolution de divers paramètres de l’eau, en lien avec la banquise. L’an dernier, nous avons eu une mission de plusieurs mois où nous avons suivi la température de l’océan, la salinité et les bruits ambiants détectés à diverses fréquences, comme les bruits générés par l’activité sismique, la rupture de la glace, les vagues, le vent, la pluie. »

« Depuis la reprise des recherches en Arctique en 2018, nous menons des campagnes scientifiques régulières entre l’Europe, l’Islande, la Norvège et l’archipel du Svalbard », précise Pierre-Marie Poulain.

Au cours de la précédente mission dans ces eaux froides, les chercheurs ont disposé des stations de mesures automatiques dans l’océan. « Cette année, nous venons les vérifier et les récupérer. Et nous en installerons d’autres, munis d’instruments que nous développons en interne », précise le Dr Poulain.

Les propriétés acoustiques: un enjeu majeur

L’évolution des paramètres physiques des eaux a un impact sur la propagation du son. C’est ce qui motive le CMRE à mener des campagnes dans la région. « La propagation acoustique dans l’eau dépend des profils de température, et dans une moindre mesure de la salinité », reprend l’océanographe. « Le réchauffement global a donc aussi un impact dans ce domaine sur les communications. Quand l’océan est plus chaud, la propagation est plus rapide. C’est un sujet d’étude. Mais nous nous intéressons aussi aux phénomènes de réflexion et de réfraction du son dans l’eau.»

En fin d’été, la formation de la banquise joue également un rôle dans la qualité des communications acoustiques. Près de la banquise, les scientifiques réalisent divers tests au moyen d’hydrophones, de sonars et de systèmes de transmission de messages.

Améliorer les algorithmes de prédiction de l’état de l’océan

Sans trop détailler ses outils de travail, le scientifique belge évoque toutefois des dispositifs dérivants ou pilotables, des bouées dotées de divers capteurs, de planeurs sous-marins appelés « gliders » qui sont amenés à détecter diverses sources sonores.

Ce genre de mission est aussi l’occasion pour le chercheur et ses collègues de tester les instruments en développement, ou encore d’utiliser des drones et des techniques de photogrammétrie pour étudier en haute résolution la structure de la glace flottante.

Au final, toutes ces informations permettent d’alimenter, de développer et de valider des algorithmes de simulation numérique des océans. « Je suis un observateur », précise encore le Dr Poulain. « Mais mon travail consiste aussi à interagir avec les modélisateurs pour améliorer leurs systèmes de prédiction de l’état de l’océan. Cette discipline, basée sur la sonographie opérationnelle est une discipline qui a pris de l’importance. Nous aidons ainsi à améliorer les modèles de prédiction de l’océan », conclut-il.

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