Série : Innovations wallonnes (1/5)
Pour progresser, il faut innover. En Belgique, le secteur des sciences du vivant et de la chimie ne se fait pas prier pour mettre cet adage en pratique. L’an dernier, les universités, les centres de recherches et les entreprises belges du secteur ont déposé 1.071 brevets auprès de l’Office européen des brevets. Un record, à en croire essenscia, la fédération industrielle qui regroupe ces acteurs. « Cela représente pas moins de 41% du nombre total de demandes de brevets belges, tous domaines technologiques confondus, un pourcentage qui n’a jamais été aussi haut », assure-t-elle.
Les très grandes entreprises (Solvay, Umicore, GSK…) sont particulièrement créatives. Mais de plus petites entreprises tirent aussi leur épingle du jeu. Et leur innovation ne se situe pas toujours nécessairement dans des éprouvettes. Etes-vous prête et prêt pour quelques découvertes? La tournée commence en province de Hainaut.
Les biopolymères anti-bruit se développent à Farciennes
Chez Home EOS, on aime travailler dans le calme. Ou plus exactement, on tente de diminuer les bruits intempestifs pour le bénéfice de tous. Comment? En proposant un matériau qui absorbe ou réduit les sons indésirables tout en misant sur la chimie verte. Chimie verte? Il s’agit de remplacer des molécules provenant de la pétrochimie par des équivalents « verts », c’est-à-dire durables et recyclables. Cette société de R&D, basée à Farciennes, se concentre sur les biopolymères.
« Notre innovation concerne un biopolymère 100 % naturel présentant des propriétés intéressantes contre les vibrations, mais également en matière d’isolation acoustique et qui dispose aussi d’une grande résistance thermique », explique Pierre de Kettenis, le fondateur d’Home Eos.
« Biosourcé (il provient de résidus de l’agriculture), ce polymère est souple. Il demande beaucoup moins d’énergie pour sa production qu’un équivalent issu de la pétrochimie. Et il peut être réutilisé en fin de vie : soit recyclé, soit composté. Ce matériau se dégrade de lui-même en quelques semaines quand il se retrouve dans certaines conditions particulières.»
A noter également que le produit en question ne contient ni solvants, ni plastifiants. Il n’émet pas de composés organiques volatiles et est naturellement résistant au feu.
Pour les usages professionnels, ce produit se présente sous différentes configurations: plaques, mousses, blocs, objets de formes diverses. Quand il se présente comme une membrane de quelques millimètres d’épaisseur, il est notamment destiné au secteur de la construction, où il peut être utilisé sous les parquets et ainsi absorber les bruits de chocs. On le retrouve également dans les murs, les cloisons.
« Vu son faible encombrement et sa masse réduite par rapport à d’autres produits classiques du même genre, ce composé peut également être mis en œuvre dans des constructions légères, par exemple des immeubles à ossature bois », précise Pierre de Kettenis.
Des véhicules plus silencieux
D’autres applications pour cette membrane concernent le secteur des transports. Pour limiter les vibrations dans les trains à grande vitesse, le biopolymère vient avantageusement tapisser les parois et les planchers des rames.
Dans le secteur automobile aussi, il trouve des applications. « Chaque voiture comporte en général une dizaine de mètres carrés de membranes de ce type pour limiter les vibrations », indique le fondateur d’Home EOS.
Un troisième domaine d’application concerne l’industrie, où le matériau absorbeur de vibrations constitue une alternative séduisante pour rendre les machines moins bruyantes.
« C’est un matériaux du futur performant, à « zéro » impact environnemental. Surtout, il s’agit d’un produit naturel destiné à remplacer les membranes et des produits du même genre issus de la pétrochimie », insiste le patron de l’entreprise.
Une production délocalisée
La technologie d’Home EOS a été brevetée dans de nombreuses régions du monde (Asie, Amérique du Nord, Europe, Australie…). « Nous ne produisons pas ce produit nous-mêmes », précise encore Pierre de Kettenis. « Nous proposons aux « majors » dans divers secteurs de l’adopter en remplacement de leurs produits traditionnels. Et ce, sous licence. Cela leur permet de limiter les impacts environnementaux de leurs propres industries. »
« Actuellement, nos prix sont un peu plus élevés que les solutions traditionnelles. Mais nous sommes confiants. Le marché pour ce type d’alternatives issues de la chimie verte va mûrir », conclut-il.