Antibiorésistance, le danger caché dans nos assiettes

22 août 2024
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Même à concentrations infimes, les antibiotiques présents dans la viande et le poisson que nous consommons peuvent contribuer à induire le développement de bactéries résistantes. Cette conclusion est le fruit de travaux menés par des chercheurs de l’Institut des Maladies Tropicales (IMT) sis à Anvers. Suite à des expériences menées sur des larves de fausse teigne, ils ont découvert que même une dixième de la quantité ” sécuritaire ” d’antibiotiques peut induire une résistance, rendant les infections impossibles à traiter. Ils étendent actuellement leurs recherches aux souris et aux humains.

Des normes pas assez strictes

Une étude précédente de l’IMT avait révélé la présence de bactéries résistantes aux antibiotiques dans la bouche de Belges qui n’avaient pas été traités par antibiotiques depuis des décennies. « On a remarqué que même à petites doses , les antibiotiques présents dans les aliments peuvent entraîner cette résistance. Une situation particulièrement alarmante pour des bactéries telles que Klebsiella pneumoniae connues pour causer des infections graves comme la pneumonie, et qui deviennent de plus en plus résistantes aux traitements », mentionne-t-on à l’IMT.

Des organisations internationales telles que l’Agence européenne des médicaments (EMA), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont pourtant fixé une concentration limite d’antibiotiques tolérée dans les aliments. Cette limite vise à empêcher ces antibiotiques d’éradiquer les bactéries bénéfiques présentes dans notre corps. Cette nouvelle étude menée par l’IMT montre que, même à des concentrations 10 fois inférieures, des bactéries impossibles à contrôler peuvent proliférer.

Petites larves, gros problème

Pour comprendre l’influence des antibiotiques sur la résistance des bactéries, les chercheurs ont utilisé des larves de fausse teigne, un papillon de nuit. Ces larves sont couramment utilisées pour étudier les infections bactériennes car leurs réactions ressemblent beaucoup à celles des humains.

La technique progressive teignes, souris et enfin humains permet de combler le fossé entre les expériences utilisant des boîtes de Pétri ou des tubes à essai et les organismes vivants complexes.

Les bactéries dont se nourrissent les larves de la fausse teigne sont non seulement courantes chez l’homme et les animaux, mais elles sont également à l’origine de nombreuses infections graves. Fait alarmant, ces bactéries font partie du groupe le plus susceptible de développer une résistance aux traitements.

De manière surprenante, les expériences ont montré que même un dixième de la quantité “sûre” de ciprofloxacine, un antibiotique couramment utilisé pour traiter les porcs et les vaches, pourrait favoriser la résistance aux bactéries dans les larves. Une seule dose de l’antibiotique érythromycine dans l’alimentation, soit la quantité quotidienne “acceptable”, peut entraîner une résistance chez la bactérie Streptococcus pneumoniae, responsable de la pneumonie.

Implications pour la santé publique

« Notre objectif prioritaire est d’investiguer si les doses dites “acceptables” d’antibiotiques provoquent une résistance similaire chez les souris et les humains. Et si c’est le cas, imaginez l’effet de la consommation mondiale de ces doses au cours d’une vie. Cela pourrait contribuer à l’accélération de la résistance que nous observons actuellement », explique Chris Kenyon, professeur à l’IMT.

Cette étude critique les règles établissant les normes actuelles d’utilisation des antibiotiques dans la production alimentaire et appelle à une réévaluation de celles-ci afin d’endiguer ce phénomène plus qu’inquiétant.

Haut depage