Jean-Pierre Schaeken Willemaers appréhende les incidences de la politique bas carbone voulue par la Commission européenne. L’ingénieur civil électricien et mécanicien de l’Université Catholique de Louvain (UCL) propose un système alternatif dans «L’utopie du tout renouvelable» aux éditions de l’Académie royale de Belgique, collection «L’Académie en poche».
L’ancien ministre belge de l’Énergie Jean-Pol Poncelet, qui signe la préface, se réjouit de la contribution de l’Académie royale de Belgique à l’indispensable débat sur l’énergie, à travers ses travaux et ses publications.
Porter l’effort sur la production de chaleur
Au niveau européen, l’électricité n’intervient qu’à hauteur de 22% de la demande globale d’énergie contre 50% pour la chaleur. Pour Jean-Pierre Schaeken Willemaers, l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) aurait dû porter prioritairement sur cette production.
«Des économies d’énergie dans ce secteur sont moins onéreuses que les investissements dans le système électrique renouvelable intermittent. Quoiqu’il en soit, le mix électrique des modèles visant à 100% de renouvelable d’ici à 2050 en Europe est dominé par les sources d’énergies éolienne et photovoltaïque. C’est-à-dire des productions électriques intermittentes.»
C’est là que le bât blesse pour le président du pôle «Énergie, Climat, Environnement» de l’Institut Thomas More qui formule des pistes pour réformer les modèles économiques et sociaux européens. Remplacer les centrales conventionnelles exige l’installation d’un très grand nombre d’éoliennes avec une empreinte au sol très importante. Au déplaisir des populations qui s’opposent de plus en plus aux nuisances sonores et visuelles des pales. Sans parler des débris de pales projetés parfois à des centaines de mètres. Ou des quelque 50 incendies d’éoliennes par an.
L’éolien en mer… En Belgique, le développement des 8 parcs éoliens pose des problèmes de financement, de connexion électrique avec le continent, de compétitivité du prix de vente de l’énergie. Les performances sont moins bonnes qu’annoncées par l’industrie éolienne.
L’électricité d’origine photovoltaïque… L’objectif 2050 requiert l’installation en Europe d’environ 5.000 km2 de panneaux dans les décennies à venir. Dont 50% sur les toits. Les hydroliennes, l’énergie marémotrice, ne sont pas reprises dans l’étude pour leur manque de maturité, leur coût élevé.
Champions du renouvelable et… des gaz à effet de serre
Jean-Pierre Schaeken Willemaers constate que les États membres de l’Union européenne à la pointe de la production d’électricité renouvelable sont parmi les plus grands émetteurs de GES. «Cette situation est largement due à la compensation de l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque par des centrales au lignite et au charbon importé en partie des États-Unis où il est devenu disponible en grandes quantités.»
Une pénétration très élevée de renouvelables intermittents augmente le prix de l’électricité. Le stockage l’alourdit. «Les États membres de l’Union européenne où la pénétration de l’éolien et/ou du photovoltaïque est élevée et/ou qui ont amorcé la sortie du nucléaire, connaissent tous les prix de l’électricité les plus élevés», relève l’expert. «Ce qui détériore bien entendu la compétitivité de leur industrie et le pouvoir d’achat des ménages. La création nette d’emplois est, au mieux, dérisoire.»
Opter pour des centrales au gaz
L’expert propose de rechercher des économies d’énergie dans les secteurs du bâtiment et de l’industrie. D’assurer l’énergie électrique de base par une production nucléaire qui permet la continuité de fonctionnement et la sécurité d’approvisionnement à prix raisonnables, avec une émission de CO2 voisine de celle de l’éolien et du photovoltaïque. D’opter pour des centrales au gaz pour compenser l’intermittence du renouvelable. Leur technologie est bien maîtrisée et les coûts de production relativement bas.
La priorité serait d’économiser l’énergie par des réductions de consommation, des augmentations de rendement, des offres et demandes d’électricité flexibles. Une manière efficace, socialement, techniquement et économiquement, de diminuer les factures d’électricité, la pollution et les émissions de CO2. Quel que soit le mix de production électrique.