Lutter contre l’hésitation vaccinale

22 septembre 2023
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« Psychologie de la vaccination », par Olivier Klein et Vincent Yzerbyt. Éditions de l’Université de Bruxelles. VP 10 euros

Selon Olivier Klein et Vincent Yzerbyt, il ne faut pas stigmatiser les personnes qui hésitent à se faire vacciner. Ces professeurs de psychologie à l’ULB, l’UMons et l’UCLouvain démontent ce mécanisme dans «Psychologie de la vaccination». Publiée aux Éditions de l’Université de Bruxelles, dans la collection «Débats» dirigée par le professeur de sociologie Andrea Rea (ULB).

Grand public, le livre s’adresse aux personnes qui nourrissent des doutes sur la vaccination en général. Ou sur certains vaccins. «Dans cet ouvrage, nous envisageons l’hésitation vaccinale comme relevant essentiellement de la motivation», précisent les auteurs. «Nous élargirons ensuite la focale à la dimension sociale et collective.»

Les personnes hésitantes ont un profil plutôt flou

En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrivait l’hésitation vaccinale comme l’une des dix principales menaces auxquelles fait face la santé dans le monde. Les personnes hésitantes ne sont pas antivax. Leur profil est plutôt flou. Une moindre confiance dans les vaccins, les institutions ou les autorités peut intervenir. Comme l’appartenance à une religion. Cette même année, des cas de rougeole explosaient dans certains quartiers de New York. Des membres de la communauté juive orthodoxe refusaient de se faire vacciner. Mais des mères, juives ultra-orthodoxes, n’avaient pas suivi les recommandations quand il s’agissait de leurs enfants.

«Le faible statut socio-économique, l’appartenance à une minorité ethnique ou culturelle et la jeunesse semblent autant de facteurs associés à l’hésitation vaccinale», notent Olivier Klein et Vincent Yzerbyt. «S’il y a une constante dans la littérature, c’est l’inconstance. Les tendances sont mouvantes. Et se modifient ou s’inversent selon le contexte, le vaccin considéré, le pays…»

En Belgique, des personnes qui déclaraient ne pas se faire vacciner avant la campagne de vaccination contre le covid-19 ont finalement décidé de le faire. «Il serait non seulement insultant, mais aussi trompeur de considérer que les personnes défavorables à la vaccination seraient plus stupides, irrationnelles, voire délirantes, que les autres. Ces dernières sont, elles aussi, influencées par les processus psychosociaux que nous décrivons. Attitudes, motivation, conformisme, identités sociales, représentations sociales, rumeurs…»

Selon les deux psychologues, «stigmatiser les personnes qui hésitent comme une plaie pour la société est sans doute la meilleure manière de les enraciner davantage dans une posture de défiance par rapport à des autorités qui, de leur point de vue, ne les respectent pas.»

Susciter la peur engendre la colère

Les spécialistes de la vaccination envisagent des stratégies pour remédier à l’hésitation vaccinale. «Malheureusement, les interventions ne sont pas aussi efficaces qu’on l’espère», regrettent les Prs Klein et Yzerbyt. «Chaque cible potentielle de ces interventions se trouve constamment face à un ensemble de contraintes qui viennent limiter les changements dans les comportements. Face à l’inertie, aux rails sur lesquels nous placent de telles contraintes, la marge dont dispose une intervention psychologique pour dévier l’individu de sa trajectoire est souvent réduite. Il est donc d’autant plus important de caractériser les interventions selon l’ampleur de leurs effets.»

On cherche parfois à susciter la peur… «Pendant l’épidémie de covid-19 ont émergé de nombreuses réactions négatives au climat anxiogène créé par les médias. La peur ainsi suscitée est vécue comme une atteinte à la liberté, a généré de la colère contre l’émetteur du message ou les autorités. Or, on sait qu’une telle colère a un effet négatif sur l’intention vaccinale.»

Donner des outils pour dialoguer

De nombreuses informations, fausses ou non étayées, circulent sur les vaccins. Faudrait-il répondre à la désinformation? «Si certaines interventions se révèlent encourageantes, celles visant à corriger la désinformation sont parfois inefficaces ou contre-productives. Ce n’est pas parce qu’une information est corrigée qu’elle n’exerce plus d’influence sur nos croyances et nos comportements», jugent les auteurs.

Les professionnels des soins de santé ont un rôle à jouer. «Il importe de leur donner les outils permettant de dialoguer avec les personnes qui hésitent. Former ces personnels, singulièrement à l’entretien motivationnel, peut donc s’avérer très précieux.»

Les psychologues Olivier Klein et Vincent Yzerbyt concluent qu’«une prise en compte du comportement humain, que ce soit dans ses dimensions individuelles, interpersonnelles, intergroupes ou idéologiques, paraît incontournable pour organiser les réponses à apporter à des défis majeurs comme la pandémie de covid-19. Mais aussi d’autres qui se présenteront dans les années qui viennent.»

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