Le Prix Jacqueline Bernheim 2025, du Fonds pour la Chirurgie Cardiaque, a été remis cette année à Dr Jeroen Dauw, 27e lauréat de ce Prix. Et pour la première fois, c’est l’Académie royale de Médecine de Belgique qui l’a décerné.
Le jury du Prix est, en effet, désormais composé de trois membres issus de l’ Académie royale de Médecine de Belgique, trois membres venant de son alter ego néerlandophone la Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België, et trois membres du Fonds pour la Chirurgie Cardiaque.
« Cette année, le jury a choisi de récompenser le Dr Dauw: un des huit candidats en lice », rappelle le Pr Philippe Kolh (ULiège) de l’Académie royale de médecine et président du jury. « Et ce, pour la qualité de ses travaux portant sur l’insuffisance cardiaque congestive et leur application. »

Un mal silencieux et pourtant massif
L’insuffisance cardiaque est une maladie grave et fréquente, qui touche des millions de personnes à travers le monde. Elle survient lorsque le cœur n’est plus capable de pomper efficacement le sang, ce qui entraîne une accumulation de liquides dans le corps. Un phénomène appelé congestion. Cela provoque de l’essoufflement, des jambes enflées, de la fatigue… et conduit souvent à des hospitalisations répétées.
Le grand défi des médecins ? Détecter cette surcharge en liquide à temps, puis la traiter efficacement pour éviter les complications. C’est sur ce point que le Dr Dauw a concentré ses travaux.
Dans le cadre de son programme de recherche doctorale, il a mené trois projets centrés sur une meilleure compréhension et un meilleur traitement de la congestion chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque.
Un vieux médicament à la rescousse
Le premier projet a exploré des techniques d’imagerie par échographie, notamment au niveau des reins et du foie. L’objectif : repérer des signes de surcharge en eau même chez les patients qui semblent cliniquement stables. Ces méthodes permettent de dépasser les limites de l’examen physique habituel et d’anticiper les aggravations avant qu’elles ne deviennent visibles.
Le second axe de ses recherches a permis d’identifier l’intérêt d’un « vieux » médicament pour améliorer les traitements habituels de ce type de pathologie. Lors d’une étude clinique réalisée en Belgique, il a ainsi testé l’acétazolamide, utilisé en complément des traitements habituels pour aider le corps à éliminer l’eau en excès plus rapidement.
Résultat : les patients traités avec cette combinaison ont eu plus de chances d’être décongestionnés dans les trois premiers jours d’hospitalisation. « Cette étude a fait grand bruit dans la communauté scientifique, au point d’être publiée dans le très renommé New England Journal of Medicine, l’une des revues médicales parmi les plus influentes au monde », commente le Pr Kolh.
La piste du sodium
Enfin, le troisième axe des recherches du Dr Dauw s’est concentré sur le sodium, plus spécifiquement celui présent dans les urines. Il s’agit ici d’un projet international, impliquant 29 hôpitaux dans 18 pays.
Les chercheurs ont testé une approche simple mais innovante : ajuster les doses de diurétiques (médicaments qui aident à uriner) en fonction de la quantité de sodium dans les urines. Ce marqueur permet de savoir en temps réel si le traitement est efficace ou non. Cette stratégie a permis un soulagement plus rapide et plus efficace des symptômes liés à la congestion. Et surtout, elle est facile à mettre en œuvre dans la pratique quotidienne, y compris dans les hôpitaux qui ne disposent pas de moyens techniques avancés.
Un chercheur prolixe
Ces trois projets illustrent une vision moderne de la médecine, où la technologie, la rigueur scientifique et la pratique clinique se rejoignent pour mieux prendre soin des patients.
Le Dr Dauw ne s’est pas contenté d’étudier la maladie en laboratoire : il a proposé des solutions concrètes, applicables au lit du malade, avec un impact direct sur la qualité de vie des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque. C’est ce qui a séduit le jury du Prix Jacqueline Bernheim. Tout comme la trajectoire du médecin, ainsi que sa production scientifique impressionnante. « Il est l’auteur ou le co-auteur de 56 publications scientifiques à fort impact », soulignait encore le Pr Kolh, lors de la remise du prix.
Le Prix Jacqueline Bernheim perpétue le souvenir de l’enfant de six ans Jacqueline Bernheim, déportée à Auschwitz avec sa famille en mai 1944 et assassinée dans les chambres à gaz quelques jours plus tard. Il récompense chaque année la meilleure recherche ayant conduit au dépôt d’une thèse de doctorat réalisée dans une structure universitaire belge et dont l’auteur n’a pas dépassé 40 ans au moment du dépôt de son ouvrage pour le concours.