Bien que les maladies chroniques (asthme, diabète, maladie de Crohn,…) touchent toutes les tranches d’âge, les adolescents et les jeunes adultes représentent un groupe encore peu étudié dans la recherche en santé publique. Pourtant, 14,1 % de 15-24 ans déclarent vivre aujourd’hui avec une maladie chronique. Dans le cadre du projet IMaGe (Interaction entre les MAladies chroniques et le GEnre chez les jeunes) soutenu par le Fonds de la Recherche en Hautes Écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, une équipe de la Haute Ecole Léonard de Vinci s’est intéressée au parcours de soins de 10 jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans. Plus particulièrement, les chercheurs se sont penchés sur l’implication de la notion de genre (entendu comme les attitudes, rôles et comportements attendus et construits selon le sexe) dans leur accompagnement médical.
Un déterminant non-médical à part entière
Il est établi que le genre et les rôles sociaux qui y sont associés ont un effet sur le vécu du patient vis-à-vis de sa maladie, de sa participation aux soins, mais aussi de sa prise en charge par les soignants.
« Depuis plusieurs années, dans l’enseignement de la santé, on insiste sur l’idée de prendre en compte les particularités de chaque patient, ce qui inclut le genre. Mais sur le terrain, les générations se croisent, et beaucoup de soignants ont été éduqués par le passé selon le principe d’égalité entre les patients. Aussi, le même protocole et les mêmes stratégies de soins sont souvent appliqués à tous », indique Thierry Samain, sociologue et chercheur sur ce projet.
L’objectif du projet était de déterminer si cette notion de genre est prise en considération lors de la prise en charge de jeunes atteints d’une ou de plusieurs maladies chroniques, et comment l’intégrer au mieux. Pour ce faire, le projet a interrogé 25 participants, incluant 15 professionnels de la santé et 10 étudiantes bruxelloises souffrant de diverses maladies chroniques, comme la rectocolite ulcéreuse hémorragique, l’épilepsie, la dépression, ou encore l’endométriose.
Le genre et le sexe influencent l’accompagnement des jeunes
Dans leur rapport final, les auteurs indiquent que « le genre et le sexe interviennent à différents moments de l’accompagnement de la vie avec la maladie chronique : dans la prise en charge par les professionnels, dans le soutien par la famille et l’entourage, dans le choix des professionnels de la santé et dans la manière dont certaines équipes s’organisent et soignent ces jeunes.»
Concernant la prise en charge, si certains soignants indiquent ne pas adapter leur approche, d’autres estiment qu’il existe des différences de genre dans la manière dont les adolescents appréhendent leur maladie, amenant des différences dans l’accompagnement. Par exemple, les filles sont généralement plus investies dans leur santé, et donc plus autonomes, quand les garçons nécessitent un suivi plus rapproché. A côté, certains traitements seront plus lourds pour elles, et seront dans ce cas davantage suivis.
Concernant le choix des soignants, la majorité des jeunes n’expriment pas le besoin d’être accompagnés par un professionnel du même genre qu’eux, excepté pour les soins en lien avec leur intimité. Ce qui prime, c’est l’écoute. Et cette dernière fera défaut si le soignant ou la soignante adhère à certains stéréotypes de genre (« Les garçons sont douillets » ; « Les filles se plaignent rapidement »).
Par rapport au soutien de l’entourage, « on a pu noter que la personne qui accompagne ces jeunes dans leurs parcours de santé est souvent la mère. Les schémas traditionnels sont donc encore bien présents dans les familles, même si les choses tendent à évoluer », fait savoir Thierry Samain.
Pour une approche « Youth-friendly »
Au-delà de la problématique du genre, de nombreux autres facteurs doivent être davantage pris en considération chez ces patients, selon les chercheurs. « Notre étude montre notamment que tout ce qui existe aujourd’hui pour accompagner les personnes atteintes de maladies chroniques a été surtout pensé pour des adultes actifs. Or, les jeunes ont des besoins spécifiques. A titre d’exemple, leur maladie n’est pas ou peu prise en compte par les institutions scolaires, alors que celle-ci pèse beaucoup sur leur parcours », explique Marie Dauvrin, docteure en santé publique, infirmière spécialisée en santé communautaire, et chercheuse sur ce projet.
Par ailleurs, les chercheurs constatent un manque criant d’accompagnement psychologique, alors même que ces jeunes souffrent de maladies aux conséquences sévères sur leur qualité de vie. « Tous les jeunes interrogés nous ont souligné ce besoin d’une meilleure prise en charge psychologique », indique Tyana Lenoble, infirmière spécialisée en santé communautaire, autre chercheuse participante au projet IMaGe.
En vue d’améliorer la qualité et l’équité des soins de ces jeunes, les partenaires du projet recommandent d’améliorer les connaissances concernant le lien entre genre et santé, de promouvoir et de renforcer la santé mentale et le bien-être de ces patients. Mais aussi d’améliorer les connaissances concernant le profil épidémiologique des étudiants, et de leurs besoins non-rencontrés dans le cadre du parcours scolaire. Plus globalement, les chercheurs préconisent de développer et de renforcer l’offre de santé adaptée aux jeunes, en accord avec les directives de l’Organisation mondiale de la Santé.