Les activités humaines font suer la planète. À tel point que l’alternance entre les périodes de glaciation et celles de déglaciation (les ères glaciaires et les ères interglaciaires) connait des ratés.
La Terre pourrait même « sauter » la prochaine période de glaciation, indiquent les travaux menés par le Pr Michel Crucifix, du Earth and Life Institute de l’Université Catholique de Louvain (UCL).
La mécanique était pourtant bien huilée. « Même si l’alternance des ères glaciaires et interglaciaires n’est pas symétrique », commente le scientifique. « Depuis 2,5 millions d’années, la Terre alterne les périodes de glaciation et de déglaciation. Or, la prochaine période de glaciation aurait déjà dû s’amorcer. Et elle n’a pas lieu »…
En cause ? Les activités humaines. Les conséquences ? « La fonte des glaces et une absence de régénération de la biodiversité », précise l’UCL.
Une modélisation centrée sur la déglaciation
Le Dr Crucifix et son assistant de recherche, le postdoctorant japonais Takahito Mitsui, ainsi que deux chercheurs de l’Université de Cambridge et du University College of London, ont voulu déterminer si les cycles glaciaires-interglaciaires étaient prédictibles. Ils ont établi une modélisation, basée sur les seuls épisodes de déglaciation, et qui ne comprend qu’un nombre réduit de variables. Un modèle qui fait ses preuves!
« Nos travaux montrent que deux paramètres sont dans ce cadre importants. Il faut qu’un certain seuil de températures soit atteint et que le système soit « mûr », c’est à dire que les calottes polaires soient suffisamment dodues pour ensuite se mettre à fondre et à fondre complètement, ce qui est assez contre-intuitif », souligne le chercheur, qui détaille, plus bas dans cet article, l’impact de ces deux variables sur son modèle.
L’influence de l’énergie solaire
« Le passage d’une ère glaciaire à une ère interglaciaire est intimement lié à la variation d’orbites de la Terre autour du Soleil, ce qu’on appelle les cycles d’insolation », rappelle l’UCL.
La course de la Terre autour de son étoile ne change pas de manière dramatique. L’inclinaison de son axe de rotation non plus. Mais cela suffit, à générer, surtout en été, l’arrivée d’un surcroît d’énergie au niveau du sol : environ 10 % de plus.
Le principe est simple : plus le soleil est proche, plus l’énergie solaire est importante, plus les températures remontent et plus les glaces fondent. « Toutefois, lorsqu’on compare ces deux phénomènes, on se rend compte que la relation de cause à effet n’est pas systématique. En effet, les cycles d’insolation se répètent tous les 20.000 ans tandis que les cycles ère glaciaire/ère interglaciaire ne se répètent que tous les 100.000 ans. Ainsi, un pic d’énergie solaire n’engendre pas à chaque fois la fonte des glaces et une remontée des températures », précise le chercheur.
Rendez-vous dans 500.000 ans?
Comment se fait-il que « du jour au lendemain » la glace accumulée pendant des dizaines de milliers d’années commence à fondre ? « Nous avons fait l’hypothèse que pour que la fonte des glaces s’amorce, deux conditions doivent être réunies : l’énergie solaire doit être suffisante et le système doit être « mûr » pour la déglaciation. Et ces deux conditions sont liées : plus le temps écoulé depuis la dernière déglaciation est long, moins la quantité d’énergie solaire requise pour amorcer la fonte des glaces doit être élevée. » Ce qui explique que seuls certains cycles d’insolation initient la déglaciation.
Une hypothèse que les chercheurs ont pu vérifier et publier dans la revue Nature. Dans un premier temps, ils ont identifié avec précision les périodes de déglaciation de ce dernier million d’années. Dans un second temps, ils ont confirmé statistiquement la robustesse de leur modèle.
Leur pronostic ? La prochaine glaciation aura vraisemblablement lieu dans une fourchette allant de 100.000 à 500.000 ans, alors que d’habitude, cela se joue sur 40.000 à 100.000 ans…