Europe de la Recherche (*)
Les chercheurs de l’Union européenne produisent 32% des publications scientifiques les plus citées dans le monde. Mais dans une Union à 27, ce pourcentage tombera à 26%. C’est dire que le Brexit aura un impact réel sur la science européenne, au moins dans les chiffres. Et que la contribution du Royaume-Uni à l’excellence scientifique est tout sauf négligeable.
Une étude sur la participation des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) aux réseaux européens et l’impact possible du Brexit sur la recherche francophone a été présentée le 19 avril dernier à l’Académie Royale de Belgique. Réalisé par le Centre d’Étude de la Vie Politique (CEVIPOL) de l’ULB à la demande de Jean-Claude Marcourt, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias, ce travail académique fournit des données intéressantes sur les relations de nos universités avec celles du Royaume-Uni et, plus généralement, sur leur internationalisation.
2014-2018 : les universités de la FWB ont participé à 272 projets européens
Deux chercheurs du CEVIPOL, la Dre Fanny Sbaraglia et le Dr Emilien Paulis, ont passé au crible les 272 projets européens qui, sur la période mai 2014-2018, ont impliqué au moins une université de la FWB. Ceux-ci ont apporté quelque 125 millions d’euros de financement. La moitié de ces projets est menée en consortium et quelque 1.600 acteurs sont impliqués dans ces recherches. En nombre de participations, les universités anglaises arrivent en troisième position, après l’Allemagne et la France. Est-ce à dire que, Brexit oblige, les acteurs anglais, qui apparaissent moins « centraux », pourront être facilement remplacés ?
La réalité, nous rappelle le Secrétaire perpétuel de l’Académie, Didier Viviers, n’est pas aussi simple : « Certains de ces réseaux pallient le manque de financements nationaux. Ils ne répondent donc pas aux bonnes questions. Si les programmes européens permettent effectivement d’atteindre une masse critique de ressources et d’accéder à des données internationales, ils ne doivent pas pour autant concentrer toute l’attention au risque de masquer l’essentiel, à savoir la qualité de la recherche. Cela reste l’objectif premier de tout chercheur. »
« Inquiet de l’absence d’inquiétude des chercheurs »
C’est sans doute pour cette raison que les 25 chercheurs interrogés pour cette étude se sont déclarés « sereins » face au Brexit. Un optimisme qui a cependant surpris plusieurs intervenants, comme Christophe Renauld, président du Conseil wallon de la Politique scientifique : « Je suis inquiet de l’absence d’inquiétude des chercheurs. On ne remplace pas facilement des universités comme Cambridge, Oxford ou l’Imperial College dans un partenariat européen. »
Pour sa part, Philippe Busquin, ancien Commissaire européen à la recherche, a insisté sur l’importance du travail en amont : « Cela fait 20 ans que je répète que notre participation aux programmes européens n’est pas brillante. Mais cela se prépare. Dans le prochain programme-cadre, Horizon Europe, qui couvrira la période 2021-2027, le volet innovation sera très important. Il faut donc encourager les coopérations entre universités et entreprises. »
A ce propos, les chercheurs du CEVIPOL ont pu confirmer l’importance des aspects institutionnels, essentiels pour rassurer les chercheurs et assurer le succès des propositions soumises à l’Europe. Si la taille d’une université est un facteur positif, les institutions plus modestes doivent se doter de « services Europe » efficaces de veille et d’aide au montage de projets.
« Nous ne quittons pas l’Europe »
Le recteur de l’UCL, Vincent Blondel, a apporté des précisions : « le taux de succès de nos universités dans les programmes-cadres européens est le même qu’en Flandre. Ce qui fait la différence, c’est le nombre de soumissions. Ces programmes apportent 15 millions par an aux universités de la FWB mais nous pouvons prétendre au double. »
Au-delà de ces aspects belgo-belges, tous les intervenants ont appelé à la continuité des liens avec les universités anglaises et aspirent à ce que, rapidement après le Brexit, le Royaume-Uni acquiert le statut de « pays associé » à Horizon Europe, comme la Suisse et la Norvège. Ces pays paient à l’Union européenne leur participation aux programmes-cadres et reçoivent en retour des conditions de participation quasi identiques à celles des Etats membres.
Point sur lequel Alison Rose, Ambassadrice du Royaume-Uni en Belgique, s’est voulue rassurante : « J’admets que les événements récents ont pu donner l’impression d’un retrait général du Royaume-Uni. Je le regrette. En particulier, nous voulons préserver ces coopérations scientifiques entre les universités et les acteurs de la recherche, qui sont vitales pour nos pays. Nous quittons l’Union européenne mais nous ne quittons pas l’Europe. »
(*) « Europe de la Recherche », notre nouveau rendez-vous
Dans le cadre de son cinquième anniversaire, Daily Science propose une nouvelle chronique européenne à ses lecteurs. Centrée sur l’Europe de la Recherche, elle est assurée par Michel Claessens, Docteur en sciences, auteur d’essais sur la science et la technologie et ancien rédacteur en chef du magazine européen research*eu. @M_Claessens