Les repas spatiaux pourraient un jour protéger les astronautes contre un excès de cholestérol.
Les repas spatiaux pourraient un jour protéger les astronautes contre un excès de cholestérol.

Le cholestérol combattu grâce à la recherche spatiale

23 mai 2014
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Les scientifiques belges n’ont pas à rougir de leur savoir-faire spatial. Partout dans le pays, des chercheurs et des ingénieurs font progresser les connaissances sur l’élaboration des fusées (dont la fameuse Ariane 5 ou le petit lanceur Vega), sur les satellites, l’observation de la Terre, l’exploration planétaire, la cosmologie et même… la santé humaine.

 

Au Centre d’Etude de l’Energie Nucléaire (SCK-CEN) de Mol (province d’Anvers), nous travaillons effectivement sur… le cholestérol”, indique le Dr Felice Mastroleo. Un Centre d’étude nucléaire qui s’intéresse à l’espace et au cholestérol: voilà qui étonne!

 

“En ce qui concerne l’espace, c’est pourtant évident”, précise le chercheur. “Depuis des années, nous avons développé une grande expertise dans le domaine des radiations. Et nous nous intéressons aussi à leurs effets sur la biologie humaine et la microbiologie”.

 

Etudes de rayonnements

 

A la croisée de ces diverses disciplines, on retrouve notamment la dosimétrie, la mesure des doses de rayonnements absorbées par un organisme. Les chercheurs de Mol ont naturellement développé une grande expertise dans ce domaine.

 

“Nous avons par exemple pu faire installer des dosimètres dans la Station spatiale internationale, ce qui nous a donné des informations très précises sur ce qui s’y passe effectivement”, reprend le biologiste. “Comme nous sommes un centre d’étude nucléaire, nous disposons également de sources de radiations. Cela nous permet de simuler en laboratoire des rayonnements similaires à ce qui existe dans l’espace et d’en étudier les effets”.

 

Soit. Mais la recherche sur le cholestérol? De prime abord, elle semble moins évidente. Elle découle pourtant elle aussi des recherches spatiales menées au SCK-CEN.

 

Le projet MELISSA

 

Dans l’unité de microbiologie, dont relève le Dr Mastroleo, les chercheurs collaborent depuis longtemps au projet MELISSA (Micro-Ecological Life Support System Alternative) de l’Agence spatiale européenne (ESA). Ce projet vise à mettre au point un système de recyclage complet en boucle fermée de toutes les matières organiques qui seront produites par l’équipage d’un futur vaisseau spatial envoyé vers la planète Mars.

 

“Ce type de voyage devrait durer trois ans”, précise le scientifique. “Pas question d’embarquer des provisions pour six personnes dans les soutes du vaisseau. Ce serait gigantesque ! Il faut donc pouvoir recycler et produire à bord tout ce qui est nécessaire à la survie de l’équipage pendant sa mission”.

 

Pour mesurer l’ampleur de la chose, le chargement du module européen ATV-Georges Lemaître qui s’envolera cet été vers la station spatiale internationale (à 400 kilomètres d’altitude à peine) permet de fixer les idées. Ce vaisseau cargo automatique devrait décoller cet été pour l’ISS. Il emportera dans ses soutes 6,5 tonnes de ravitaillement.

 

Les surprises de la bactérie Rhodospirillum rubrum

 

Le recyclage et la production de matières premières en circuit fermé impliquent des recherches sur les bactéries et leur utilité pour produire de l’oxygène, purifier l’eau ou aider à faire pousser des légumes… Il en va de même de l’évaluation de leur stabilité génétique dans le temps pendant un si long voyage.

 

“Un des compartiments des réacteurs biologiques de MELISSA doit servir à produire des bactéries destinées à alimenter l’équipage”, précise le biologiste. “Cette bactérie, Rhodospirillum rubrum, peut remplir sa mission sans la présence d’oxygène, ce qui présente un premier intérêt”.

 

“Nous avons également mené des analyses pour tester son acceptabilité par les consommateurs. Nous étudions aussi sa composition et évaluons ses effets sur le sang. C’est dans ce cadre qu’un de ses effets inattendus a été découvert. Lors de tests sur des rongeurs, une diminution importante du mauvais cholestérol a été observée”.

 

Mieux encore, les scientifiques ont également pu déterminer que ces bactéries séchées, réduites en poudre et mélangées à de la nourriture conservaient cette propriété intéressante.

 

“Aujourd’hui, au SCK-CEN, nous travaillons à l’identification de la molécule responsable de cet effet anticholestérolémiant chez Rhodospirillum rubrum”, précise Felice Mastroleo. “Et avec le concours du laboratoire de radiobiologie, nous tentons aussi de découvrir ses éventuels effets secondaires indésirables”.

 

Les astronautes qui un jour, peut-être, iront sur Mars, seront-ils dès lors en pleine forme? Leur alimentation partiellement basée sur Rhodospirillum rubrum pourrait bien les protéger d’un excès de cholestérol. Reste à gérer l’exposition aux rayonnements cosmiques, l’absence de gravité, l’isolement…

 

 

Le SCK-CEN à Redu

Cet été, l’expertise du SCK-CEN sera d’une certaine façon présente à l’Euro Space Center de Redu. Le Centre d’étude a apporté son concours à l’élaboration d’un stage sur la biodiversité, proposé aux jeunes de 10 à 18 ans. Au cours de ce “Earth Camp”, les jeunes se familiariseront de manière ludique avec les satellites, les GPS, les différents écosystèmes et la photosynthèse.

Les scientifiques en herbe se frotteront également à la création d’écosystèmes artificiels capables d’assurer la survie dans des missions spatiales de longue durée. Une activité inspirée… du projet MELiSSA.

 

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