Évaluation des potagers lithiques de l’île de Pâques, le cerveau des singes reconnaît les voix humaines, une source hydrothermale a servi d’oasis « chaude » pour certains arbres lors du dernier maximum glaciaire, la pollution par l’ozone « importé » tue en Europe…
À la rédaction de Daily Science, nous repérons régulièrement des informations susceptibles d’intéresser (ou de surprendre) nos lecteurs et lectrices. À l’occasion de notre dixième anniversaire, nous relançons deux fois par mois notre rubrique du week-end « les yeux et les oreilles de Daily Science ». Avec, pour celle-ci, et à la demande de notre lectorat, un regard plus international.
Les potagers lithiques de l’île de Pâques n’ont pas pu nourrir une population pléthorique
Avant l’arrivée des Européens au 18e siècle, la population de Rapa Nui (l’île de Pâques) était bien moins importante que ce qu’on imaginait. « La population locale n’a pas pu atteindre 17.000 individus, comme le laissent penser des études précédentes », indiquent cette semaine des chercheurs de l’université Columbia (New York). « Selon nos calculs, ils n’ont jamais été plus de 4.000 ». Une affirmation basée sur une nouvelle analyse des pratiques agricoles de subsistance sur l’île, à cette époque lointaine: celle du « paillis lithique ».
L’île de Pâques a une superficie d’un peu moins de 164 kilomètres carrés et dispose donc de ressources naturelles limitées. Avant l’arrivée des Européens, au début des années 1700, les communautés de l’île pratiquaient le jardinage sur roches, une technique aussi appelée « paillis lithique ». Ceci afin d’augmenter la productivité des sols. Cette stratégie consistait à superposer des roches de diverses tailles sur le sol afin d’empêcher la perte d’humidité et de réduire le lessivage des nutriments.
Des travaux antérieurs estimaient que ces paillis lithiques occupaient de 4,9 à 21,1 km2 sur l’île, et qu’ils faisaient vivre jusqu’à 17.000 personnes. La nouvelle étude dont il est ici question pointe que les zones de paillis lithiques n’occupaient en réalité que 0,76 km2. Un chiffre qui laisse penser que cette pratique agricole à elle seule n’aurait pu subvenir qu’aux besoins d’environ 2.000 personnes, soit la moitié de la population maximale de l’île, si on prend en compte les autres ressources alimentaires, agricoles et marines.
Cette superficie de 0,76 km2 de paillis lithique a été calculée sur base de cinq années de données d’observation par satellite. L’équipe a recherché des sites archéologiques de paillis lithiques sur l’ensemble du territoire pascuan: des zones identifiables par des modèles distincts de végétation et de composition du sol.
Le cerveau des singes reconnaît les voix humaines
Il existe dans le cerveau des singes de laboratoire, ici des macaques, une population de neurones qui réagissent sélectivement aux voix humaines. Telle est la découverte réalisée par une équipe de scientifiques français spécialisés en neurosciences.
L’étude s’est concentrée sur les réponses des macaques à divers sons complexes, y compris des vocalisations de plusieurs espèces. Cette approche a permis à l’équipe de découvrir des neurones insoupçonnés hautement sélectifs pour les voix humaines. « Nous avons été très surpris de constater que de nombreux neurones préféraient la voix humaine aux vocalisations des macaques », explique la Dre Margherita Giamundo. « Ils étaient même plus nombreux que les neurones sélectifs aux voix de macaques ». Un de ses collègues doute cependant que ces neurones existent chez les macaques sauvages, car ils n’ont pas été en contact significatif avec des voix humaines.
Cette découverte est la première à démontrer l’évolution des mécanismes neuronaux de la perception vocale chez les primates en faveur de la reconnaissance des voix humaines. D’autres études avaient déjà permis de montrer que chez les chiens des zones sensibles aux voix humaines existaient également.
En Europe, une source hydrothermale a servi d’oasis « chaude » pour certains arbres lors du dernier maximum glaciaire
Il y a environ 21.000 ans, la planète connaissait son dernier maximum glaciaire. À cette époque, la glace continentale enveloppait une grande partie de l’Europe. « Les animaux pouvaient migrer pour échapper au froid glacial, mais les arbres n’avaient pas cette possibilité. Pourtant, de nombreuses essences, dont le chêne, le tilleul et le frêne commun, ont survécu à cet épisode et existent encore aujourd’hui », notent les chercheurs de l’Académie tchèque des Sciences.
Une réponse à cette énigme serait l’existence d’enclaves accueillantes pour ces essences, à proximité de sources d’eau chaude européennes. Lesquelles maintenaient une température légèrement plus élevée qu’ailleurs.
Leurs travaux récents apportent de nouvelles preuves fossiles allant dans ce sens. Ces scientifiques montrent qu’une source hydrothermale en Europe centrale a abrité des chênes et des tilleuls, d’un froid inhospitalier, il y a environ 26,5 à 19.000 ans.
Leur étude apporte un soutien à une théorie longtemps débattue qui attribue la survie de ces arbres pendant le dernier maximum glaciaire à la présence d’oasis hydrothermales.
« Les données paléobotaniques présentées ici constituent la première preuve directe d’un écosystème tempéré pendant le dernier maximum glaciaire au nord des Alpes », écrivent les chercheurs tchèques. « Ce qui peut laisser penser que des espèces de forêts tempérées ont pu survivre dans certaines parties de l’Europe centrale de manière continue au cours des dernières dizaines de milliers d’années ».
La pollution par l’ozone « importé » tue
La pollution atmosphérique par l’ozone troposphérique provenant de régions situées en dehors de l’Europe est associée à la majorité des décès imputables à l’ozone sur le continent, estiment des chercheurs français de l’Inserm (l’Institut français de recherche médicale).
L’ozone troposphérique est un polluant qui se forme dans l’atmosphère sous l’effet de la lumière du soleil et de gaz précurseurs (tels que les oxydes d’azote). Cette pollution par l’ozone est associée à des effets négatifs sur la santé, notamment des maladies cardiovasculaires et respiratoires. Hicham Achebak et ses collègues de l’Inserm ont tenté de déterminer dans quelle proportion l’ozone venu de l’extérieur des frontières européennes pouvait avoir une incidence sur la santé de ses habitants. Ils ont recensé plus de six millions de décès dans 813 régions de 35 pays européens au cours des saisons chaudes de 2015 à 2017. Leur constat: la pollution atmosphérique par l’ozone importé était associée à 88 % des décès imputables à l’ozone, le restant (12 %) étant dus à des sources nationales.
« Comme il s’agit d’une étude de modélisation écologique, il n’est pas possible d’en déduire un lien de causalité », mettent en garde les chercheurs. « L’étude n’a pris en compte que les effets à court terme de la pollution par l’ozone sur la mortalité, et il n’est pas possible de tirer des conclusions sur les conséquences à long terme pour la santé », écrivent-ils. Toutefois, ils estiment que leurs résultats pourraient avoir des conséquences sur l’évaluation des directives actuelles en matière de qualité de l’air, qui n’ont été mises en œuvre qu’aux niveaux national et régional, et appellent à des politiques internationales coordonnées en matière de contrôle de la qualité de l’air.