Etes-vous un parent hélicoptère, drone ou fan de curling ?

23 décembre 2022
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
“Hyper-parentalité”, par Bruno Humbeeck. Editions Mardaga. VP 19,90 euros

Aux éditions Mardaga, le psychopédagogue Bruno Humbeeck dédie son livre «Hyper-parentalité» aux parents qui ont tendance à vouloir en faire trop. «C’est une sorte de guide pour permettre aux parents de se diriger par ces temps d’inquiétude avec davantage de sérénité», explique le directeur de recherche au Service des sciences de la famille de l’UMons. «En continuant à offrir à leurs enfants une éducation qui leur donne l’envie de grandir en dépit de l’imperfection du monde.»

S’identifier

Le docteur en sciences de l’éducation propose des questionnaires pour découvrir si l’on est un parent «hélicoptère» qui tourne sans fin autour de l’enfant pour contrôler ses mouvements et s’assurer qu’il est en sécurité. Un parent «drone» qui veut la meilleure école, le meilleur enseignant, le meilleur vêtement, le meilleur jouet pour son enfant. Ou un parent «curling», ce sport où l’on fait glisser une pierre pour la rapprocher le plus possible d’une cible.

«Ranger l’hélicoptère au placard, ce n’est pas sacraliser l’insouciance en renonçant à se montrer attentif à la manière dont notre enfant ou notre adolescent se met plus ou moins en danger dans le monde mis à sa portée», dit Bruno Humbeeck. «C’est accepter de faire confiance. Cette confiance doit porter sur ce que l’enfant ou l’adolescent fera de son autonomie chaque fois qu’il manifestera l’audace prudente dont il faut nécessairement faire preuve quand il s’agit de s’aventurer hors de sa zone de confort. Pour agir et faire des expériences nouvelles. Sans pour autant se mettre en danger.»

Le parent «drone»… «Ce parent risque vite de s’épuiser en cherchant en permanence à mettre l’excellence à disposition de son enfant. Il n’est pas non plus toujours facile pour l’enfant de remplir le cahier des charges que lui impose un parent. L’enjeu du parent sera d’accepter l’imperfection. L’incomplétude et l’inachèvement de tout ce qu’il offre à son enfant à travers l’éducation qu’il donne.»

Le parent «curling»… «Pas de souci à associer l’image de lancer à celle de l’éducation d’autant que l’action éducative parentale suppose évidemment l’aptitude à lâcher son enfant au bon moment. Dans tous les domaines où il devient capable de faire preuve d’autonomie.»

Accepter l’incertitude

L’image du balayage frénétique d’un joueur de curling peut aussi faire penser à l’hyper-parent qui met toute son énergie à contrôler la trajectoire de son enfant. À évacuer chaque obstacle qui se présente.

«Pour sortir de cette épuisante tâche de contrôle, un parent doit à tout prix accepter le principe d’incertitude, et se donner les moyens de lâcher prise par rapport à l’idée que tout dépendrait de son action», souligne le chercheur en sociopédagogie familiale et scolaire.

«Son enfant ne sera pas parfait et n’a même pas à chercher à l’être au risque de mettre son développement sous une pression à la fois inutile, vaine et nuisible.»

Ne pas paniquer

Si la réponse aux questionnaires auto-réflexifs du livre indique de fortes tendances à l’hyper-parentalité? «Il n’y a pas de raison de paniquer», rassure Bruno Humbeeck.

«Ce n’est ni une maladie, ni une faille, ni un défaut. Juste une tendance actuelle liée au fait que, pour la plupart d’entre nous, nous avons mis au monde nos enfants à la suite d’une décision pleinement consciente. Ils ne sont plus un heureux événement. Et encore moins un accident. Leur naissance, généralement programmée, suppose que nous les avons quasiment convoqués à naître. Ceci explique, pourquoi nous nous sentons à ce point responsables de tout ce qui peut leur arriver.»

L’éducation ne devrait pas être une odyssée solitaire

Le chercheur relève que «l’hyper-parentalité ne se rencontre que dans la forme de famille et dans la nature des liens privilégiés par nos modèles sociaux occidentaux. Très individualistes, soucieux de performances. Et attentifs au développement personnel optimal de chacun.»

Il existe d’autres modèles culturels. Comme les familles africaines qui comptent davantage sur l’ensemble de la communauté pour éduquer des enfants. Bruno Humbeeck cite le proverbe wolof: «Il faut tout un village pour éduquer un enfant».

Le psychopédagogue se demande «si l’équilibre familial se trouve dans l’idée qu’il faut prendre dans chaque modèle culturel ce qu’il a de meilleur». Donner aux aînés une place plus grande dans les familles. Accorder davantage de confiance à la communauté sociale qui entoure la famille.

Pour Bruno Humbeek, «personne ne doit être condamné à éduquer seul ses enfants dans un monde social au sein duquel chaque famille se développe peut-être un peu trop entre quatre murs. Et le couple parental, ou pire encore, le parent isolé se retrouve dans une posture éducative qui l’oblige à faire de l’éducation une odyssée solitaire.»

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