Garrigatitan meridionalis, une nouvelle espèce de titanosaures, caractérisée par une taille réduite, vient d'être découverte © Alain Bénéteau / paleospot.com

Le titan de la garrigue était un nain

24 mars 2021
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Entre 80 et 66 millions d’années, plusieurs lignées de titanosaures qui n’avaient de titanesque que le nom ont colonisé durablement certaines îles du sud de la France. Garrigatitan meridionalis, une nouvelle espèce de ces dinosaures, caractérisée par une taille réduite, vient d’être découverte. Benjamin Jentgen-Ceschino, chercheur doctorant FNRS au sein de l’EDDYLab de l’Université de Liège et à l’AMGC de la Vrije Universiteit Brussel, a participé à cette recherche internationale. Grâce à l’histologie osseuse, c’est-à-dire à l’étude microscopique du tissu osseux, il a confirmé que les individus fossiles de ce nouveau taxon étaient atteints de nanisme.

Une exception de taille

Les sauropodes sont des dinosaures à long cou. Ils sont connus pour leur taille et leur masse phénoménales, pouvant largement dépasser les 20 mètres de long et plusieurs dizaines de tonnes. Les titanosaures font partie de cet ordre. Comme leur nom l’indique, ils sont de véritables titans. D’une taille pouvant atteindre 37 mètres, ils font partie des plus grands animaux à avoir foulé la surface terrestre.

Ça, c’est pour la règle générale. Mais la nature brille par sa diversité « En Europe, à la fin du Crétacé, certains titanosaures étaient particulièrement petits par rapport à la moyenne du groupe :  ils n’atteignaient pas les 10 mètres de long à l’état adulte », explique Benjamin Jentgen-Ceschino. On parle alors de nanisme.

Des fouilles menées sur le site français de la Bastide-Neuve à Velaux (Bouches-du-Rhône) par des scientifiques de l’université de Poitiers aidés par des volontaires, ont révélé des ossements de plusieurs individus d’une même espèce (Garrigatitan meridionalis), d’une taille comprise entre 4 et 6 mètres de long.

« Afin de déterminer s’il s’agissait de petits juvéniles frappés par la mort avant d’avoir fini leur croissance, ou bien d’adultes qui avaient atteint leur taille maximale, j’ai échantillonné certains de leurs os pour étudier leur histologie », explique le chercheur.

La mémoire des tissus osseux

Pour ce faire, Benjamin Jentgen-Ceschino s’est rendu au musée du Moulin Seigneurial de Velaux, où les ossements sont conservés. Son choix s’est porté sur des humérus et des fémurs. « Ces os supportent l’essentiel de la masse de l’animal. Leur microstructure éclaire sur les contraintes biomécaniques osseuses. Ils enregistrent la croissance de l’animal et préservent cette information durant des millions d’années. »

L’équipe de paléontologues en train en fouiller sur le gisement de Velaux-la Bastide Neuve © Xavier Valentin

« Dans le cas de Garrigatitan, l’histologie des os indique que les individus étaient en fin de croissance lors de leur décès. Cela implique que cette espèce était ‘miniature’ tout comme l’étaient d’autres sauropodes insulaires : Lirainosaurus astibiae en Espagne, Magyarosaurus dacus en Roumanie, et Atsinganosaurus velauciensis en Provence, en France. »

La loi insulaire

« Ces espèces de titanosaures de petite dimension vivaient toutes sur des îles de l’archipel européen au Crétacé supérieur. Il n’est pas exclu qu’ils soient un bel exemple de la « loi insulaire ». »

Celle-ci prédit que, sur une île, les animaux de grande taille rapetissent jusqu’à, pour certains, devenir des nains. Et inversement, les petits animaux ont tendance à gagner en taille. Ces deux phénomènes d’évolution, qui nécessitent un isolement géographique durant plusieurs millions d’années, convergent vers une uniformisation des tailles.

L’explication de ce phénomène serait écologique. Les îles européennes de la fin du Crétacé étaient baignées de rivières et d’autres zones d’eau douce, surplombées par des palmiers et des conifères. Cet environnement tropical était radicalement différent de celui régnant alors sur le continent. Son milieu de vie insulaire ne lui étant pas hostile, le titanosaure n’aurait pas eu besoin d’une stature imposante pour se défendre, et aurait rapetissé.

C’est également l’isolement géographique durant des millions d’années et l’absence de prédateur qui auraient induit le phénomène évolutif de nanisme insulaire chez Palaeoloxodon falconeri. Au Pléistocène, cet éléphant pygmée vivait sur certaines îles de la Méditerranée (Malte, Sicile, Crète et plusieurs îles grecques dont Tilos). Atteignant moins d’un mètre au garrot, et pesant quelque 200 kg, il était bien plus petit que son ancêtre, Palaeoloxodon antiquus, un éléphant de forêt continentale d’Europe et d’Asie qui pouvait atteindre, quant à lui, 3 mètres au garrot.

L’humain, un terrible prédateur

Il ressort des études statistiques sur les espèces insulaires actuelles que l‘effet de la loi insulaire est faible, voire nul. L’impact de l’homme sur l’environnement est tel qu’il a modifié en profondeur ce que la nature a mis des millions d’années à installer.

Le dodo, cet oiseau géant endémique de l’île Maurice, a évolué de telle manière que voler ne lui était plus indispensable dans son environnement. Les humains l’ont décimé au 16e siècle.

« Actuellement, quelques espèces d’oiseaux insulaires incapables de voler subsistent encore. Des projets de conservation tentent de préserver ces fossiles vivants », conclut Benjamin Jentgen-Ceschino.

 

 

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