Du prélèvement à la congélation, comment mieux protéger les tissus ovariens

24 août 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Série (1/5):  La recherche en mode BW (Brésil-Wallonie)

 

Janice Vilela connaît bien la Belgique. Et encore mieux Bruxelles. Formée à l’Université de Brasilia, elle boucle pour le moment son deuxième séjour scientifique au Pôle de Recherche en Gynécologie de l’IREC (Institut de Recherche Expérimentale et Clinique), à l’UClouvain.

Sur le site de Woluwe-St-Lambert, la chercheuse s’intéresse à un problème crucial en matière de transport et de conservation de tissus biologiques. Une sorte de course contre la montre. « Quand des tissus biologiques, et ici plus particulièrement des fragments de tissus ovariens, sont prélevés pour être conservés, il faut s’assurer que ces échantillons voyagent dans les meilleures conditions », explique-t-elle.

Assurer la survie des tissus ovariens avant leur congélation

« La phase cruciale se situe entre le prélèvement des tissus et leur congélation dans la banque cryogénique chargée de leur conservation. Durant cette période de transit, les tissus baignent dans des solutions. Malgré tout, ils se détériorent. Quand le circuit est court, par exemple entre les Cliniques St-Luc et notre banque cryogénique, située dans un bâtiment voisin sur le campus médical de l’UCLouvain à Woluwe-St-Lambert, cela ne pose aucun problème. »

« Mais pour des centres de prélèvements qui ne disposent pas de cryobanque, cela peut prendre des heures. Et au-delà de 24 heures, si ces échantillons ne sont pas congelés, leur fonctionnalité future est loin d’être assurée », précise la chercheuse, qui travaille au laboratoire de la Pre Christiani Amorim. Cette dernière est une spécialiste dans ce domaine. Au sein de son équipe, on travaille aussi au développement d’un ovaire artificiel transplantable.

Le prélèvement de tissus ovariens se fait notamment chez des femmes qui doivent suivre un traitement contre le cancer. Ces traitement peuvent potentiellement être néfastes pour la fertilité ultérieure de ces femmes. Les tissus ovariens sains prélevés avant le traitement peuvent, après réimplantation, au terme du traitement, les aider à retrouver cette fertilité.

Dre Janice VILELA de l’UCLouvain © Christian Du Brulle

De l’espèce menacée à l’être humain

La Dre Janice Vilela est en réalité… vétérinaire. « Effectivement », confirme-t-elle. « Et après ces études, j’ai fait un doctorat en biologie animale à l’Université de Brasilia. J’y ai plus spécifiquement effectué des recherches en lien avec des problèmes de reproduction. À l’époque, je travaillais sur des chats. L’idée était de voir comment on pouvait tenter de préserver différentes espèces de félins menacées d’extinction dans le monde. Bien sûr, comme modèle, je travaillais sur des chats domestiques. Mes travaux portaient sur des cultures cellulaires et se concentraient sur la transplantation de tissus cryopréservés ».

« En 2015, j’ai eu l’occasion de réaliser un premier séjour postdoctoral de 6 mois à l’UCLouvain grâce à une bourse de Wallonie-Bruxelles International (WBI). Depuis novembre 2018, suite à une seconde bourse de WBI, je suis de retour en Belgique, toujours au sein du même laboratoire. Nous essayons désormais de répondre à diverses questions liées à ces tissus lors de leur transfert ».

Production de lactate

« Dès que les tissus sont prélevés, ils sont placés dans un contenant rempli de quelques millilitres d’une solution spécifique et sont envoyés vers la banque de tissus pour y être conservés. J’essaie de comprendre ce qui se passe au sein même des tissus lors de ces phases de transfert. »

La chercheuse travaille actuellement sur des échantillons de tissu ovarien provenant de bovidés. Elle étudie leur comportement et leur évolution dans le temps en fonction de différents types de liquides de culture dans lesquels ils baignent temporairement. Trois types de cultures temporaires sont étudiés: une solution saline qui ne contient ni glucose ni nutriments et deux autres solutions habituellement utilisées pour ce genre de manipulations, mais qui n’ont pas spécifiquement été développées pour des ovaires ou des tissus ovariens.

« Dans ces différents cas de figure, nous observons une production de lactate dans ces solutions. D’où provient-il? En général, il résulte de l’usage d’une réserve d’énergie présente au sein même des cellules. Celles-ci les utilisent pour permettre au tissu de se réimplanter, jusqu’au moment où il est revascularisé dans l’organisme ». Pourquoi ce lactate se retrouve-t-il dans les solutions utilisées pour le transfert des tissus? C’est la question au cœur de ses travaux.

Ma recherche actuelle touche à sa fin. J’aimerais à l’avenir pouvoir persévérer dans cette voie, mais en travaillant cette fois sur des fragments de tissus humains et non plus sur des tissus provenant d’animaux. Histoire, notamment, de vérifier s’ils se comportent de manière identique.

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