Des tétines biomimétiques pour faciliter l’allaitement 

24 août 2023
par Joffrey Onckelinx
Durée de lecture : 5 min

Série: Innovations wallonnes (3/5)

De nombreuses mères qui souhaitent prolonger l’allaitement maternel sont confrontées à un dilemme lorsque leur enfant refuse le sein après avoir été habitué au biberon. « La confusion sein-tétine se révèle être un vrai problème pour beaucoup de mères qui rêvaient d’un allaitement long », indique Christel Jouret, sage-femme à l’origine du projet de tétine biomimétique Babyflow. «  C’est une réalité : les biberons délivrent le lait trop vite, en continu et trop facilement, ce qui déroute le bébé et, malheureusement, lui fait préférer la facilité du biberon. »

Grâce au soutien de la Région wallonne et de son projet de recherche « Étude de faisabilité technique », le projet de tétines biomimétiques a vu le jour après une année de recherche et développement.

Christel Jouret, accompagnée de son équipe chez Materia Nova, un centre de recherche et d’innovation agréé basé à Mons, a pu compter sur le savoir-faire de Tim Schouw ainsi que de Dre Antoniya Toncheva et Dr Fouad Laoutid pour mener à bien ce projet.

Les caractéristiques naturelles du sein à l’honneur

Contrairement aux tétines traditionnelles présentes sur le marché, cette nouvelle tétine propose des caractéristiques innovantes pour répondre aux besoins spécifiques de l’enfant. « Un premier point très important, c’est la forme de la tétine », précise Tim Schouw, assistant chercheur chez Materia Nova.

En effet, contrairement aux tétines classiques dotées d’une forme allongée, celle-ci est « moulée sur la forme naturelle d’un sein » précise le chercheur. « On n’est pas sur du semi-biomimétique, on est vraiment sur la forme naturelle d’un sein ». À noter que la tétine est également conçue pour que son débit soit physiologiquement le même que celui d’un sein naturel.

En termes de matériaux, la tétine BabyFlow utilise des silicones médicaux de qualité alimentaire, conformes aux normes de la FDA (Food and Drug Administration), l’administration américaine en charge notamment de la sécurité alimentaire.

Contrairement aux tétines classiques, la tétine Babyflow est moulée sur un sein © Babyflow

Un silicone parfaitement calibré

Ces matériaux peuvent être stérilisés et garantissent une sécurité optimale pour le bébé. De plus, la tétine a été spécialement conçue pour offrir une souplesse et une élasticité similaires aux tissus mous du sein humain, ce qui permet une meilleure adéquation avec les besoins de l’enfant lors de la succion.

« On est parti sur des silicones extrêmement mous, qu’on a essayé de calibrer sur les tissus mous du sein », reprend Tim Schouw. En effet, le silicone utilisé est 40 à 50 fois plus mou que celui des tétines traditionnelles. Ce faisant, la tétine est également plus épaisse, près d’un centimètre, ceci pour pallier les soucis de résistance mécanique du produit.

« Lorsque le bébé aura cette tétine en bouche, il aura une quantité de matière bien plus importante que lorsqu’il avait simplement une poche très fine où le lait rentre. C’est très important de mimer cette sensation naturelle » précise le chercheur.

Une question de flux

« Pour comprendre davantage un point primordial qu’apporte cette tétine de nouvelle génération, il faut parler de la notion de débit », pointe Christel Jouret.

« Au sein, le bébé est en mesure de contrôler le flot de lait à la vitesse qui est bonne pour lui. Il peut même y téter sans boire. Cette succion « non nutritive » lui apporte du réconfort, mais surtout une pause physiologique, celle pendant laquelle le flux d’éjection maternel, qui dure en moyenne 1 minute et demie, s’est estompé. Cela lui permet de faire une pause avant de poursuivre son repas. Pour cela, il tète de manière à déclencher plusieurs autres flux d’éjection jusqu’à ce que, repu, il lâche le sein avec bonheur, ayant atteint la satiété.»

Mimer une succion physiologique

Bien qu’il puisse y avoir des durées de tétées très différentes, il est courant qu’elles durent environ 15 min. Comment un enfant pourrait-il atteindre cette durée s’il est soumis à un débit tellement rapide qu’il doit le boire en 5 minutes? « Les tétines de biberons du marché, dont le débit est rapide et continu, inondent le bébé sous la moindre pression, l’obligeant à avaler vite et en continu, même s’il veut faire une petite pause de succion non nutritive », indique encore la sage-femme.

« Le débit des biberons du marché vont en général de 4 à 25 ml/min, ce qui laisse peu de place à l’assouvissement de la satiété. »

« Dans le cadre du projet Babyflow, l’utilisation de silicones différents, présentant différentes duretés, permet de sélectionner les paramètres forme/matière les plus performants pour permettre au bébé de mimer la succion physiologique du sein et d’atteindre un flot de lait extrait de 5 à 7 ml/min de succion nutritive. »

Un projet à consonance européenne

« Le projet Babyflow se démarque également par sa dimension locale », précise Antonyia Toncheva. En effet, l’idée à l’origine du projet ainsi que la recherche sont wallonnes, les études de faisabilité et le dépôt de brevet sont belges, le premier prototypage est français et la matière première utilisée est allemande. Tout cela contraste avec la production majoritairement chinoise des tétines existantes.

La fameuse tétine, dont plusieurs aspects ont été brevetés, n’a pas encore de date de mise sur la marché. Mais Christel Jouret, qui travaille comme sage-femme à Sombreffe et exerce depuis plus de 30 ans, espère un déploiement dans le courant de l’été 2024.

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