L’herbier de l’Université de Namur, un livre ouvert sur 200 ans d’histoire(s)

24 décembre 2018
par Sarah Hassan
Temps de lecture : 5 minutes

Riche de plus de 75 000 pages, la collection de plantes séchées de l’Université de Namur (UNamur) raconte de multiples récits qui s’enchevêtrent. Une vingtaine de planches sont actuellement présentées à la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (B.U.M.P.), à Namur.

La naissance du jardin séché

Devant la vitrine où reposent des feuilles de Cannabis, le Dr Philippe Martin, botaniste et professeur à l’UNamur, dévoile l’histoire de la collection botanique. Il s’en occupe depuis près de 10 ans.

Cannabis Sativa récolté en 1850 en Inde

« Les premiers herbiers datent de la Renaissance. C’est un professeur de médecine de Padoue qui a inventé le concept. L’hiver, les plantes médicinales disparaissent. Le médecin devait interrompre son enseignement pour cause de manque de matériel. Sa frustration l’a conduit à glisser des plantes dans un bouquin pour les faire sécher et l’a appelé l’hortus siccus, le jardin séché. L’herbier était né », raconte le botaniste.

Plusieurs exemplaires présentés à l’exposition sont historiques et uniques au monde. Elles racontent une histoire vieille de 200 ans, lorsque l’Université de Namur n’était encore qu’un collège.

En vitrine, les pages sont souvent accompagnées d’une représentation 3D du végétal

 

Auguste Bellynck, fondateur de la collection botanique namuroise

Le prêtre jésuite, Auguste Bellynck, initie la collection dès le 19esiècle.

« Pour créer un outil aussi important, le Père Bellynck se sert de tout le réseau jésuite qu’il connait (Italie, Suisse…).  Il a aussi des contacts avec les botanistes belges et devient une référence nationale. Il y aura des échanges mais aussi des achats à des récolteurs dont le métier est de fournir le marché en plantes séchées », explique M. Martin.

Auguste Bellynck

Auguste Bellynck est le père de l’herbier namurois que l’on connait aujourd’hui. Des espèces de plantes lui sont dédiées.

Chaque planche est un récit

Il est parfois difficile de déterminer l’origine de certains herbiers historiques. Le nom de l’auteur n’est que rarement indiqué. Philippe Martin retrace alors la provenance de l’œuvre grâce aux échanges épistolaires entre le Père Bellynck et ses donateurs.Rosine Mary Parmentier, une jeune Américaine, échangeait ses trouvailles botaniques contre des livres religieux. Elle n’a jamais signé ses pages.

La valeur actuelle de l’herbier est essentiellement de l’ordre du patrimoine. Le Professeur Martin la compare à celle d’une cathédrale

« On ne se pose pas la question de savoir si ça va servir. C’est là, et ça constitue le patrimoine de l’humanité».

La collection botanique de l’UNamur continue de grandir. Certaines espèces de plantes s’éteignent et d’autres apparaissent . L’ouvrage offre une vue globale de l’évolution de la flore au fil du temps.

Mises bout à bout, les dizaines de milliers de pages qui composent la collection botanique de l’Université racontent de nombreux récits. Celles des plantes, de leur évolution au cours des siècles, mais aussi celles d’hommes et de femmes cachés derrière chacune des pages.

Des modèles uniques conservés à la BUMP

L’UNamur abrite aussi des pièces rares, comme les modèles en papier mâché de Brendel. Sur les 200 exemplaires créés par l’entreprise Brendel, 175 appartiennent à l’université belge.

Modèle de bleuet de Brendel en papier mâché © Philippe Martin

Outils didactiques de l’époque, ils ne sont plus utilisés aujourd’hui mais restent précieusement conservés. L’un de ces modèles est annoncé à 5 000 euros dans une vente publique à Londres.

En coulisse, la collection complète

L’entièreté de la collection botanique de l’Université se cache quelques étages plus haut. Dans une pièce toute en longueur, des dizaines d’armoires métalliques dissimulent les planches de l’herbier, soigneusement classées par Philippe Martin. Perchés sur ces armoires, on retrouve aussi les modèles de Brendel. Ces plantes séchées ont un ennemi juré : les insectes. La solution :le congélateur.

« 3 ou 4 jours au froid est l’idéal. Par contre les œufs sont très résistants au gel. Il faut dès lors mimer le printemps en sortant l’herbier du congélateur quelques jours.  L’œuf éclot… et c’est reparti pour un petit tour au congélateur. Un travail de longue haleine ».

Conserver et faire vivre un précieux patrimoine, telle est donc la mission du botaniste. Un travail que l’Université mène en collaboration avec le Jardin Botanique de Meise à Bruxelles.

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