Redorer l’image de l’école avec l’informatique

25 janvier 2018
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

Seulement 4% des garçons et 6% des filles de 15 ans disent qu’ils aiment beaucoup l’école en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’enseignement de l’informatique pourrait doper ces pourcentages. À la Faculté d’informatique de l’Université de Namur, le colloque international Didapro 6 s’est penché sur «Quelles éducations au numérique, en classe et pour la vie?».

"L'informatique et le numérique dans la classe", Presses universitaires de Namur. (VP 20 euros)
“L’informatique et le numérique dans la classe”, Presses universitaires de Namur. (VP 20 euros)

Il constitue l’épine dorsale du livre «L’informatique et le numérique dans la classe: qui, quoi, comment?» paru aux Presses universitaires de Namur. La chercheuse Julie Henry, chimiste et informaticienne, Aude Nguyen, coordinatrice pédagogique à la Faculté d’informatique, et Étienne Vandeput, mathématicien et informaticien, commentent les textes qu’ils ont réunis.

Adapter les programmes et les formations

«Le débat a révélé que l’enseignement de l’informatique n’était pas une urgence pour le monde politique en Communauté française de Belgique», relève Vincent Englebert, doyen de la Faculté informatique de Namur. «Si les écoles sont de plus en plus dotées de matériel informatique, de tableaux interactifs…, l’enseignement de la pensée informatique ressort toujours de l’initiative des écoles et ne figure nullement dans les socles de compétences de base. Prenons les devants. Le problème n’est pas simple. Mais, les bonnes volontés sont là ainsi que les compétences. Alors qu’attendons-nous?»

Il faudrait adapter les programmes scolaires… «Cela nécessitera du courage politique. Un sondage révèle que 87% des Français seraient d’accord de voir la programmation enseignée à l’école: 24% à partir du primaire, 41% à partir du collège. Un groupe de travail interuniversitaire est déjà à l’œuvre.»

Trouver des enseignants motivés et compétents… «Il faudrait adapter les formations initiales des enseignants ou leur dispenser cette compétence par des certificats spécifiques. En 2013, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles avait envisagé l’allongement des formations initiales de tous les enseignants de 3 à 5 ans. Il existerait donc une marge de liberté pour préparer adéquatement certains enseignants.»

Les enjeux ne font pas l’unanimité

Les arguments favorables à l’enseignement de l’informatique et à la culture du numérique ne manquent pas. Réduire une fracture génératrice d’inégalités. Pallier le chômage des jeunes. Répondre aux intérêts des élèves en utilisant des pratiques innovantes, interactives, coopératives.

Mais, pour les opposants, généraliser l’informatique, l’introduire comme discipline obligatoire n’est pas pertinent ni urgent. L’enseignement ne deviendra pas automatiquement innovant, passionnant…

«Le défi est non seulement de former les enseignants aux sciences informatiques, mais aussi de les engager dans une transformation de leur discipline et de leur pédagogie», réplique Périne Brotcorne, chercheuse en sociologie au sein de la Chaire Travail-Université à l’Université Catholique de Louvain (UCL). «La clé de la réussite se situe bien là.»

«La controverse assez vive liée à la généralisation de l’apprentissage des sciences informatiques dans les programmes scolaires témoigne de la complexité de la mise en œuvre d’une éducation au numérique au sein d’un système éducatif qui n’est pas encore parvenu à se transformer pour être en capacité d’embrasser pleinement le fait numérique. Il est néanmoins urgent de poursuivre la réflexion afin de trouver une réponse adéquate et pérenne à cet enjeu d’une brûlante actualité.»

Des outils nombreux, bien localisés

Associé au Centre de recherche sur les liens sociaux à Paris, le chercheur Maxime Duquesnoy a étudié l’emploi du numérique dans l’enseignement fondamental en Fédération Wallonie-Bruxelles. Constaté le peu de matériel informatique dans les classes.

«Tant la localisation des outils informatiques que leur nombre influent négativement sur les usages des enseignants», souligne le docteur en sciences de l’éducation détenteur d’un diplôme d’instituteur primaire. «Avec un ratio d’un ordinateur pour 2,5 élèves, les pratiques pédagogiques sont drastiquement limitées. L’usage du numérique ne peut être intégré dans les activités quotidiennes tant les déplacements et la gestion des élèves rendent cet usage complexe et chronophage.»

«Aussi longtemps que le numérique sera absent des compétences formelles à atteindre, il y a fort à parier que les activités resteront satellitaires. Menées différemment selon les enseignants. En fonction de l’avancée de leur programme ou de leurs affinités avec la technologie.»

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