Drapeau du Maroc - domaine public

Des clés pour mieux comprendre l’immigration marocaine en Belgique

25 avril 2025
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes

 

“Belgica Biladi”, par Ahmed Medhoune, Andrea Rea, Christophe Sokal et Fatima Zibouh. Éditions de l’Université de Bruxelles. VP 21euros

Depuis 2021, les Belgo-Marocains constituent la communauté d’origine étrangère la plus importante en Belgique. Aux Éditions de l’Université de Bruxelles, le livre collectif «Belgica Biladi» (Belgique mon pays) rassemble des témoignages de la population issue de l’immigration. Retrace l’histoire des migrations marocaines sur plus de 60 ans en Belgique.

Comprendre et répondre

«Nos jeunes sont aujourd’hui demandeurs d’une histoire qui prenne aussi en compte leurs origines et la contribution de leurs parents à la construction des sociétés européennes», écrivent le concepteur du programme de soutien scolaire «Tutorat-ULB» Ahmed Medhoune, le professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles Andrea Rea, le journaliste Christophe Sokal. Ainsi que la docteure en sciences politiques et sociales Fatima Zibouh, également chargée de mission pour faire de la commune bruxelloise de Molenbeek la capitale européenne de la culture en 2030.

Ce livre illustré fournit des clés aux enseignants pour comprendre et répondre aux interpellations de leurs élèves sur l’immigration marocaine. «Le temps presse, car les doyens et les doyennes disparaissent. Et leurs souvenirs avec eux. Or, leur histoire participe de celle de ce formidable laboratoire du vivre-ensemble qu’est Bruxelles.»

Un départ non choisi, des réussites

Dans les années 1960, les pouvoirs publics belges font appel à des travailleurs immigrés. De 1964 à 1974, l’écrasante majorité des femmes marocaines se conforment à la décision prise par leur mari de quitter leur pays. Nombre d’entre elles passent d’une structure villageoise à un milieu urbain qu’elles étaient loin d’imaginer.

«Ce départ douloureux et non choisi aura d’importantes conséquences sur les pionnières de l’immigration, sur le plan aussi bien psychologique que physique», observe Hajar Oulad Ben Taib, chercheuse à l’UCLouvain. «La mise sous tutelle des Marocaines, éternelles mineures, sous l’autorité d’un homme conformément au ‘Code de la famille’, implique que la majorité des femmes marocaines immigreront en Belgique à travers les dispositions du regroupement familial.»

«Une infime minorité parviendra à s’installer en Belgique en dehors de ce cadre. C’est notamment le cas des filles issues de familles bourgeoises qui gagnent la Belgique, au début des années 1970, afin de poursuivre leurs études. D’autres encore arrivent enfants ou adolescentes.»

Parmi les réussites, l’ancienne chercheuse en biochimie à l’ULiège, Fouzia Oukacha fonde la société Bio-NutriLab. Forte de ses études en marketing et de ses activités de collaboratrice «à tout faire» à Mia Trading, la directrice générale Ilhème Mechbal a modernisé et développé à l’international l’entreprise d’import-export alimentaire créée par son père. À 18 ans, Sallah Eddine Dassy est en 3e année d’ingénieur de gestion à la Solvay Brussels School of Economics and Management. «J’avais déjà des facilités en primaire, j’y ai sauté une classe. Ma mère entretenait une bonne relation avec tout mon environnement scolaire. Et surtout, elle m’a souvent accompagné et assisté dans mes apprentissages.»

L’école, ascenseur social ou escalier de service

Directeur des services à la communauté à l’ULB, Ahmed Medhoune dénonce le système scolaire belge, classé parmi les plus inégalitaires. «En incluant les jeunes issus de l’immigration au système scolaire, la massification en a fait à la fois ses principaux bénéficiaires et ses principales victimes. Les premiers connaîtront une mobilité sociale forte par rapport à leurs parents. Les seconds, surreprésentés dans les filières et les établissements défavorisés, seront prisonniers des voies d’une relégation scolaire. Prélude à l’exclusion sociale.»

L’auteur et comédien Sam Touzani évoque la personnalité et le rayonnement de Mohamed El Baroudi décédé en 2007. Un des principaux leaders du Regroupement démocratique marocain (RDM) qui joue un rôle majeur dans la politisation des immigrés et de l’ASBL Avenir à Saint-Josse (Bruxelles). «Vivant modestement, il considérait les véritables richesses comme celles relevant du droit inaliénable à l’éducation et à la culture. Depuis son adolescence, il a embrassé la cause de l’alphabétisation et de l’éducation. Et forgé le goût du savoir dans de nombreux esprits.»

Le jeûne du Ramadan

Les musulmans belges maintiennent une pratique religieuse élevée. «La fréquentation de la mosquée n’est sans doute pas l’indicateur le plus adéquat pour mesurer l’intensité de la pratique religieuse puisque seulement 25 à 35% des musulmans s’y rendent de manière très régulière, à savoir de manière quotidienne et hebdomadaire», note Corinne Torrekens, politologue à l’ULB. Par contre, «le pilier du jeûne du Ramadan et la consommation de produits halal concernent plus de 8 musulmans sur 10.»

«S’intéresser aux pratiques religieuses des populations musulmanes en Belgique permet d’en illustrer la diversité et de sortir d’une vision homogène et monolithique souvent véhiculée dans les débats publics.»

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