Quel est l’impact du confinement et de la pandémie sur l’état psychologique et la consommation d’alcool des adultes ? Tel était l’objet de l’enquête lancée à la mi-avril par la Professeure Fabienne Glowacz, directrice de l’Unité de recherche ARCh et du service de Psychologie clinique de la délinquance de la Faculté de Psychologie de l’ULiège. Elle a été clôturée le 1er mai, avant les annonces de déconfinement. Pas moins de 2870 personnes de 18 à 85 ans – rassemblés en 3 groupes : les 18-30 ans (45%), les 30-50 ans (37%), et les + de 50 ans (25%) – y ont participé.
Davantage de jeunes adultes anxieux et dépressifs
« Ce sont les 18-30 ans, dont la moitié sont des étudiants, qui apparaissent comme les plus fragilisés psychologiquement durant cette période de confinement, comparativement aux deux autres catégories d’âge, avec plus de symptômes anxieux et dépressifs et plus d’intolérance à l’incertitude », explique Pre Fabienne Glowacz.
« Alors que l’attention a été portée – de façon légitime – sur la protection et les risques encourus pour les aînés, les jeunes adultes apparaissent fortement impactés par la crise COVID et le confinement qui les ont amenés à devoir s’adapter à de nouvelles modalités de fonctionnement et d’enseignement et à faire face à une grande part d’inconnu pour leur avenir. » Le philosophe André Comte-Sponville parle d’ailleurs de « jeunesse sacrifiée ».
Pour les jeunes adultes, la proximité avec le virus augmente l’anxiété
« J’ai souhaité estimer le potentiel effet anxiogène de la proximité avec la maladie, évaluée par le fait d’avoir soi-même contracté le virus et/ou d’avoir un proche l’ayant contractée. Nous parlons alors de confrontation primaire et secondaire », poursuit-elle.
« Parmi les répondants, moins de 1% s’est déclaré testé positivement au COVID-19, 12 % pensent l’avoir/l’avoir eu mais n’ont pas été testés, 13 % ont dit avoir un proche testé positivement et 18 % ont dit avoir un proche suspecté mais non testé.»
« Nos analyses ont mis en évidence que cette « proximité » avec le virus augmente l’anxiété, mais uniquement pour les 18-30 ans et non pour les autres catégories d’âge. Ce résultat montre combien ces jeunes adultes sont sensibles, inquiets et stressés, déstabilisés lors de la confrontation directe et indirecte à la maladie, alors qu’ils ne font pas partie des populations à risques comme les aînés, pour lesquels cette proximité n’apparaît pas anxiogène », ajoute-t-elle.
Les jeunes adultes ont moins de contacts avec leur entourage sur les réseaux sociaux
Ensuite, la chercheuse a évalué l’hypothèse disant que les réseaux sociaux pallient au manque de contacts sociaux en « réel ».
« Nous avons obtenu des résultats surprenants ! Les jeunes adultes entretiennent moins de contacts (amis, collègues, amis, membres de la famille, personnes qu’ils et elles soutiennent,…) via les différents réseaux sociaux et systèmes de messagerie que les autres catégories d’âge. De plus, ces contacts se sont avérés anxiogènes pour eux, et uniquement pour eux. Cependant, la poursuite des contacts par les réseaux sociaux « protège » contre les symptômes dépressifs pour les 18-30 ans et pour les plus de 50 ans. Probablement qu’ils permettent d’atténuer la détresse liée à l’isolement, la solitude, la perte du rapport à l’autre », explique Pre Fabienne Glowacz.
« Nous allons poursuivre les analyses, pour davantage approfondir l’usage qu’ont fait les jeunes adultes des réseaux sociaux et son impact anxiogène. Il ne faut pas perdre de vue qu’on a dans cette enquête, pour la tranche 18-30 ans, 50% d’étudiants, particulièrement inquiets à l’approche des examens proposés sous de nouvelles modalités. Par ailleurs, cela nous amène à penser qu’il leur est difficile de mobiliser les ressources et contacts via les réseaux sociaux pour être sécurisés. Et au-delà des réseaux sociaux, car ce sont aussi eux qui ont le moins consulté une psychologue en visio-consultation pendant le confinement. »
Les jeunes adultes consomment moins d’alcool en confinement
Enfin, l’enquête montre que, toutes catégories d’âges confondues, 20 % des répondants estiment avoir diminué leur consommation d’alcool, 20 % l’avoir augmentée tandis que pour 60%, elle est restée identique.
« Et là, les jeunes sont ceux qui consomment le moins et qui sont les plus nombreux à dire avoir diminué leur consommation. L’explication se trouve en partie dans le fait qu’ils sont privés des lieux où ils boivent habituellement : entre amis, dans les bars et restaurants, en soirées – soit à l’extérieur de chez soi. Cela invite à envisager une communication lors du déconfinement et de la réouverture de ces lieux en vue d’une consommation modérée… », conclut-elle.