L’Amazone ne charrie pas que des sédiments vers l’océan. C’est également un vecteur d’échanges du carbone. © ESA image Sentinel-2A
L’Amazone ne charrie pas que des sédiments vers l’océan. C’est également un vecteur d’échanges du carbone. © ESA image Sentinel-2A

Comment le carbone « latéral » impacte le climat

25 octobre 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

Le cycle du carbone, entre ses émissions dans l’atmosphère par les activités humaines et son impact sur le réchauffement global de la Terre, intéresse beaucoup les chercheurs.

Parmi les thématiques étudiées, on pense notamment aux phénomènes de la recapture du carbone atmosphérique par les forêts et les océans. On pense par contre moins automatiquement aux flux latéraux qui existent entre ces deux milieux, terrestres et aquatiques. C’est précisément ici qu’interviennent les chercheurs du projet européen C-Cascades, coordonné par le Pr Pierre Regnier, de l’Université Libre de Bruxelles.

1,9 Petagramme de carbone oublié

Dans le jargon, on parle de l’étude du carbone « le long du continuum aquatique continent-océan ». « Et ces transferts sont loin d’être négligeables », indique le Pr Regnier. « Nous estimons à 1,9 milliard de tonnes chaque année les flux de carbone qui interviennent le long de ce continuum ».

Ce chiffre résulte du travail réalisé ces trois dernières années par une quinzaine de chercheurs issus de huit institutions de recherche européennes situées dans sept pays. Impliqués dans le projet C-Cascades, ils ont étudié différents aspects du transfert latéral de carbone, des terres émergées de la planète jusqu’aux océans, et des émissions de CO2 associées.

Leurs recherches se sont focalisées sur :

  • – La compréhension des processus qui régissent le transport de carbone
  • – Ses transformations au sein des différents éléments du continuum aquatique allant des cours d’eau de montagne jusqu’à l’océan
  • – La quantification des flux de carbone en jeu
  • – Les émissions de CO2 de ces systèmes aquatiques pour des régions ciblées, comme les lacs de la région boréale, l’Océan Arctique, l’embouchure de l’Amazone ou encore les bassins du Danube ou de la Seine qui sont fortement perturbés par les activités humaines.

Les chercheurs ont ensuite intégré leurs résultats dans trois modèles climatiques européens afin de mieux quantifier le CO2 global et de réduire les incertitudes à ce propos.

« Nous avons cartographié les émissions de CO2 provenant des milieux aquatiques continentaux avec une résolution spatiale très fine », indique le Pr Regnier. « Ces résultats démontrent que ces systèmes aquatiques émettent environ 1,9 milliard de tonnes de CO2 chaque année (l’équipe parle ici de 1,9 « Petagramme »).

Flux globaux de carbone entre les terres et les océans, en Petagrammes de carbone par an (moyenne 2007-2016) © C-CASCADES/Global Carbon Project
Flux globaux de carbone entre les terres et les océans, en Petagrammes de carbone par an (moyenne 2007-2016) © C-CASCADES/Global Carbon Project

Ce projet établi que les émissions de CO2 provenant des systèmes aquatiques continentaux vont très probablement croître dans le siècle à venir, notamment à cause de l’augmentation du transfert de carbone des écosystèmes terrestres vers les eaux continentales, de la hausse des températures et des changements d’hydrologie.

Parmi les scénarios les plus pessimistes, le scientifique pointe le cas des lacs boréaux, desquels pourraient s’échapper quasiment le double de C02 et du bassin de l’Amazone qui connaitrait une augmentation de 35%.

Avec un apport plus important en carbone dans les océans, notamment en Arctique, c’est un autre effet néfaste qui devrait s’amplifier : celui de l’acidification de l’eau.

« Certaines régions de l’Océan Arctique pourraient même devenir émettrices de CO2 alors qu’elles agissent actuellement comme puits de carbone », constatent encore les chercheurs de C-Cascades.

« Nous avons travaillé sur différents phénomènes locaux, comme les bassins de la Seine et du Danube », précise encore le Pr Pierre Regnier. « Ce qui manque aujourd’hui, c’est l’intégration de nos connaissances de ces processus locaux à une échelle plus globale. Ainsi qu’une mise en perspective sur le climat en général et la rétroaction de ces impacts sur les phénomènes étudiés. Comment influenceront-ils le climat ? Comment évolueront-ils suite à une hausse des températures ? Nous avons travaillé sur les échanges de carbone, mais il serait aussi intéressant de refaire le travail avec d’autres composés, comme l’azote par exemple. Autant de nouvelles pistes de recherche qui pourraient nourrir un second projet « Cascades », conclut-il.

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