Echinocereus rigidissimus © Patrick Motte

Les folles adaptations des cactus et autres xérophytes

26 juin 2020
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Dans le désert, le soleil tape, les températures s’affolent, le sol est pauvre et l’eau est rare. Au gré des millénaires, face à cet environnement hostile, les végétaux xérophytes ont développé des adaptations captivantes. Patrick Motte et Sophie Pittoors, scientifiques au sein de l’Observatoire du Monde des Plantes (ULiège), les ont mis en mots et en (superbes) images dans leur ouvrage « Fascinantes Adaptations du Monde Végétal ».

"Fascinantes adaptations du monde végétal", par Patrick Motte et Sophie Pittoors. Espaces botaniques. VP 25 euros
“Fascinantes adaptations du monde végétal”, par Patrick Motte et Sophie Pittoors. Espaces botaniques. VP 25 euros

Les épines, éperons vitaux

La feuille, omniprésente dans notre biome de forêt décidue tempérée, est à l’origine de l’évapotranspiration. Cette perte d’eau permet une montée de la sève minérale dans les parties aériennes. Mais dans le désert, l’eau est une denrée rare, et précieuse. Pas question de la gaspiller de la sorte.

C’est ainsi qu’au cours de l’évolution, la surface des feuilles des cactacées s’est peu à peu réduite. Au point de se transformer en épines, limitant dès lors l’évapotranspiration. Leur photosynthèse a été déroutée des feuilles inexistantes vers la tige, faite de tissus verts contenant les chloroplastes et la chlorophylle.

En outre, les épines collectent l’eau des brouillards ou de la condensation nocturne. « Elles fonctionnent comme des pièges à eau : de l’eau ruisselle vers la base de la plante xérique grâce à d’autres types d’épines dirigées vers le sol pour ensuite être absorbée par le système racinaire. Celui-ci se développe en superficie pour optimiser l’absorption de l’eau », explique Patrick Motte, professeur ordinaire, chercheur au sein du laboratoire de Génomique fonctionnelle et d’Imagerie moléculaire végétale de l’Unité de recherche InBioS – PhytoSYSTEMS et président des Espaces Botaniques universitaires.

Epines et trichomes chez Mammillaria bombycina © Patrick Motte

Les trichomes, un duvet protecteur

Mais n’allez pas croire que dans le désert, tous les végétaux piquent. Certaines espèces de xérophytes se distinguent par une couche de doux poils, d’une taille allant de quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres, sur leurs feuilles. Ces trichomes sont des cellules épidermiques de la feuille qui sont différenciées en cette structure particulière.

« Chez certains cactus d’altitude, on retrouve un bouquet de petits poils à l’apex de la plante. Cela la protège contre le gel nocturne », explique Sophie Pittoors, biologiste.

« Chez certaines espèces, les trichomes permettent de capter la rosée du matin. Chez d’autres, de réfléchir les UV et donc de protéger l’épiderme de la plante, ou encore de retenir une couche d’air isolante autour de la feuille pour limiter son échauffement et l’évapotranspiration. »

Trichomes chez Espostoa lanata © Patrick Motte
Exemple de caudex chez Euphorbia stellata © Laetitia Theunis

Rétractation de la racine et enterrement

L’adaptation évolutive touche les parties basses de la plante. Certaines xérophytes sont dites « géophytes ». « Chez certaines espèces, le caudex, soit la base de la tige qui s’est épaissie, est enfoui totalement ou partiellement dans le sol rocailleux. De l’eau et des nutriments y sont stockés », poursuit Sophie Pittoors.

Chez d’autres espèces encore, point de caudex mais une racine napiforme, succulente en forme de boule ou de carotte.

« Lors de périodes de fortes sécheresses, la plante consomme l’eau accumulée dans sa racine. Cela s’accompagne d’un mouvement de rétractation de la racine qui va attirer la partie aérienne de la plante dans le sol. En quelques semaines, celle-ci va s’enterrer, avec juste quelques feuilles qui affleurent », précise la biologiste.

Un métabolisme particulier

Serre représentant le biome du désert à l’Observatoire du Monde des Plantes © Laetitia Theunis

Afin de limiter leurs pertes en eau par évapotranspiration, les xérophytes ont également adapté leur métabolisme. Elles captent et stockent le CO2 de l’air exclusivement durant … la nuit.

« Pour les plantes des régions arides, il est crucial de garder l’eau, donc de ne pas ouvrir les stomates, des cellules épidermiques, durant la journée. Durant la nuit, pas de chaleur, pas de soleil, pas de risque de perdre l’eau accumulée. C’est pourquoi ces espèces ouvrent exclusivement leurs stomates durant la nuit, laissant le CO2 atmosphérique pénétrer les tissus de la plante, tige ou feuille », explique Pr Motte. « Une enzyme fixe alors le CO2 et le transforme en acide malique, qui est stocké dans des vacuoles (des compartiments intracellulaires). C’est pourquoi on parle de « métabolisme acide crassulacéen » (CAM). »

Lorsque le jour revient, la chaleur grimpe à nouveau et les stomates se referment. La photosynthèse nécessitant l’énergie solaire s’effectue durant la journée en utilisant les réserves d’acide malique comme source de CO2.

Les plantes des déserts, un monde fascinant à découvrir.

 

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