A Vancouver, Adeline Jacquinet fait parler nos gènes

26 juillet 2018
par Céline Husson
Durée de lecture : 5 min

SERIE (4/6) WBI donne des ailes aux chercheurs

« La consultation génétique ? c’est par ici ! » Question: comment « consulte-t-on les gènes, ces unités de base de l’hérédité, dont sont composés nos chromosomes ? Difficile d’imaginer qu’on puisse les ausculter… C’est cependant le travail du Dr Adeline Jacquinet. Diplômée en médecine en 2009, elle veut se diriger vers un métier relationnel, « porté sur l’aide aux enfants et aux familles », comme elle l’explique.

Également passionnée par « la compréhension de l’origine génétique et/ou environnementale des pathologies, ainsi que le caractère héréditaire de certains traits phénotypiques ou maladies », elle enchaîne en 2014 avec un master complémentaire en pédiatrie, orientation génétique.

Fin 2014, elle quitte temporairement et pour deux ans le département de génétique humaine du CHU de Liège. Armée de plusieurs bourses (celles du Fonds Léon Fredericq et de WBI), elle s’envole pour l’University of British Columbia (UBC) à Vancouver, au Canada. Au programme : une formation de deux ans dans le département de génétique médicale de l’UBC.`

Pourquoi le Canada ?

Classée parmi les 20 meilleures universités, l’Université de Colombie-Britannique a de quoi séduire la jeune chercheuse. Outre l’envie de découvrir un environnement différent et des pratiques de travail nouvelles, Adeline Jacquinet y trouve l’occasion de se former à la fois en génétique clinique et en recherche.

Le département de génétique médicale qu’elle intègre « est situé dans un hôpital mère-enfant, qui a développé une expertise en génétique pédiatrique et prénatale, mes centres d’intérêt principaux », explique-t-elle.

Une caractéristique l’impressionne. « Le département clinique comprend un staff important : une quinzaine de médecins généticiens, dont plusieurs sont également chercheurs, une vingtaine de conseillers en génétique et des assistants en formation. »

Les conseillers généticiens expliquent au patient les tests génétiques qui seront réalisés et lui présentent les risques éventuels de transmission aux membres de sa famille. « C’est un métier paramédical qui commence à exister chez nous », note-t-elle. Ces conseillers établissent un véritable lien avec le médecin. Ils lui permettent de dégager du temps pour consulter la littérature médicale ou approfondir ses recherches lorsque des cas complexes se présentent», souligne-t-elle.

Les gènes impliqués dans le développement utérin

Cette expérience à l’étranger est également l’occasion de toucher pour la première fois à la recherche. « Lors de ma première année de formation, j’ai mis sur pied, sous la supervision des Prs Lehman et Gibson, un projet de recherche portant sur les malformations utérines. Ce projet a pour objectif de découvrir de nouveaux gènes impliqués dans le développement utérin, un domaine de recherche relativement peu exploré à l’heure actuelle ».

« La seconde année de ma formation a été plutôt orientée vers la clinique et l’acquisition d’expérience en consultation de génétique générale et prénatale. », explique-t-elle.

Diverses études indiquent que 3% des femmes subiraient les conséquences d’une malformation congénitale de l’utérus. Les raisons pour lesquelles elles apparaissent lors de la formation de l’embryon restent largement méconnues. « Très peu de recherches sont dédiées à la compréhension des causes de malformations utérines en comparaison à d’autres organes et c’est une des raisons pour laquelle nous avons initié ce projet », explique le Dr Jacquinet.

Le retour en Belgique

Aujourd’hui, Adeline Jacquinet est à nouveau en Belgique. Elle travaille dans le département de génétique humaine du CHU de Liège. « Une partie de la semaine, je suis en consultation avec de jeunes patients atteints de maladies génétiques.  Je reprends les antécédents personnels et familiaux, examine les patients, et tente de déceler des signes cliniques, des symptômes ou des comportements permettant d’évoquer un ou plusieurs diagnostics. »

Cette première observation permet d’orienter les tests génétiques sur échantillons sanguins et qui permettront d’identifier l’éventuelle pathologie en présence.

D’autres patients, atteints d’une maladie génétique, peuvent se présenter lorsqu’ils envisagent la venue d’un enfant. « Certains couples cherchent à savoir si la ou les maladies dont ils sont porteurs peuvent être transmises à leur enfant. Là aussi, je suis amenée à cibler les tests génétiques et ensuite à leur présenter et expliquer les résultats de ces tests. »

Un temps partiel en recherche

« Le reste de la semaine, je suis au labo. Mon projet de recherche (financé par le FNRS) porte toujours sur la recherche de facteurs génétiques impliqués dans le développement utérin. Celle-ci se fait par l’analyse d’exome de cas familiaux ou syndromiques de malformations utérines et rénales. » L’exome est la partie du génome la plus directement liée à l’expression physique des gènes. L’exome est constitué d’exons, qui sont le matériel qui sert à produire les protéines. Il ne constitue que 1 à 2 % du génome.

« Ma recherche est donc ciblée sur des familles dans lesquelles plusieurs personnes sont atteintes de malformations de l’utérus et/ou des reins, deux malformations qui sont fréquemment associées. Le fait que des personnes apparentées soient touchées indique probablement la transmission d’un facteur génétique important. Mais lequel ? Je compare les exomes pour identifier ces facteurs. Soit ils apparaissent dans des gènes déjà connus pour avoir cet effet, soit dans de nouveaux gènes. »

Le Dr Jacquinet, quand elle ne consulte pas, travaille au développement de ses connaissances du langage génomique. « Mon objectif est de pouvoir communiquer aux patients et aux médecins toute l’information nécessaire pour la compréhension des tests génétiques. J’espère que la génétique et la médecine parviendront ainsi progressivement à offrir aux patients des soins et un conseil personnalisé d’une qualité de plus en plus grande », conclut-elle.

 

 

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