L’économiste Michel Damar s’appuie sur son blog et sur le sociologue-philosophe Joseph Pirson pour publier «L’entreprise aux portes de l’humain» aux Presses universitaires de Namur. Le maître de conférences à l’UNamur s’adresse aux acteurs du changement. À ceux qui désirent le devenir. Dans les secteurs privé, non marchand et public.
«Ce livre apporte un souffle nouveau à tout humaniste qui refuse une vision étriquée réduisant le management à une technologie du profit dénuée d’âme et de sens», souligne avec enthousiasme Naji Habra, recteur de l’UNamur. «Si certains des modèles commentés sont connus, ils sont revisités, intégrés et croisés pour leur donner sens par rapport au respect de la condition humaine et à la préservation de la Terre sur laquelle nous vivons.»
Une approche souple orientée solution
Michel Damar développe quatre modèles de pensée pour que l’entreprise devienne véritablement humaine. Explore huit clés qui invitent à prendre un temps de recul, de réflexion, de partage sur les choix présentés et leurs implications.
«Tout n’est pas écrit d’avance, tout ne se décide pas en chambre ou dans le calme feutré d’un bureau isolé du reste du monde», précise l’économiste qui enseigne à la Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion.
«Dans notre conception, le management a pour vocation de définir un cadre pertinent afin de traduire dans les faits et de soutenir les initiatives collectives et individuelles au service de cette stratégie. La carte managériale d’un manager-entrepreneur s’inscrit dans un univers incertain qui demande une approche souple orientée solution. Privilégiant l’adaptation rapide à un environnement changeant. Captant autant les opportunités que les risques.»
Gérer les erreurs
La 5e des clés du management prévoit d’accepter les erreurs. À l’institution namuroise spécialisée en santé mentale «Beau Vallon», vice-présidée par Michel Damar, la «charte de confiance et d’incitation à la déclaration d’événements indésirables» mentionne que le personnel peut déclarer d’éventuels incidents, ou presque incident, sans pénalisation. Sauf en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité, à la déontologie. Le comportement fautif est sanctionné par des dispositions légales.
Pour l’économiste, la gestion de l’erreur est une composante de l’évolution culturelle. «Il est important de créer les conditions pour qu’une erreur soit connue, partagée et fasse l’objet d’un dialogue constructif en équipe ou entre le collaborateur et la personne qui l’encadre afin de créer les conditions de sa non-répétition.»
Comprendre la stratégie de l’entreprise
Le travail sur les clés souligne l’importance de la cohérence en entreprise. Le premier point fort pour entraîner les personnes, c’est qu’elles comprennent le sens de la stratégie de l’entreprise. Il doit y avoir alignement entre leurs objectifs et ceux de l’entreprise. «Sans sens partagé et sans alignement sur les objectifs, l’entreprise perdra son âme et ressemblera à un radeau de la méduse, à l’image de la peinture de Théodore Géricault.»
Selon Michel Damar, le sens trouve son fondement dans l’environnement local, européen ou mondial de l’entreprise. Il apparaîtra plus évident s’il est expliqué. Le second point fort, c’est la capacité à répondre aux impératifs qui découlent de la stratégie de l’entreprise. La compétence est plus large que l’expertise technique. Elle doit couvrir de plus en plus le développement personnel et relationnel des travailleurs.
«La vie en entreprise n’est pas une parenthèse dans la vie tout court, vu le temps qui y est consacré. Elle doit être aussi pour le travailleur un temps d’épanouissement. La vie en entreprise implique de s’investir dans la qualité de la relation avec les autres collaborateurs. Et avec les clients, les patients ou les parties prenantes. C’est ce double vecteur qui donne du sens personnel. Et qui est porteur de défi, d’engagement et de motivation.»
Associer les travailleurs à la prise de décision
Une organisation humanisée implique la création de conditions pour associer les travailleurs à la prise de décision. Selon l’économiste, le binôme «commander-contrôler» doit céder sa place à une répartition équilibrée du pouvoir entre l’autorité, les équipes et les personnes.
«Cette répartition du pouvoir est empreinte de réciprocité, car c’est grâce à celle-ci qu’un dialogue permanent et responsable peut s’instaurer. Un autre aspect important est aussi présent dans ce paradigme: favoriser le développement collectif au détriment de l’approche individualiste.»