Peut-on imaginer un jour la disparition des oliviers ? La question peut sembler étrange tant cet arbre fait partie de notre quotidien. On le croise dans les paysages méditerranéens, même dans nos jardins, au travers des objets façonnés de son bois, et bien sûr, dans notre alimentation grâce à une huile dont les qualités ne sont plus à démontrer. L’olivier est aussi un symbole, porteur d’histoire et de culture. Beaucoup d’entre nous ont déjà admiré un olivier pluricentenaire, parfois millénaire, lors d’un voyage dans le sud de l’Europe. Il semble immuable. Et pourtant, les événements récents montrent que même un arbre aussi familier peut être fragilisé.
Une maladie qui gagne du terrain
Dans les Pouilles, au sud de l’Italie, une maladie a décimé des millions d’oliviers. Les chercheurs ont fini par identifier le responsable. Il s’agit d’une bactérie: Xylella fastidiosa. Elle est déjà connue ailleurs dans le monde pour provoquer des maladies graves sur d’autres plantes. On pense à la maladie de Pierce en Californie ou à la chlorose variégée des agrumes en Amérique du Sud.
Cette bactérie se transmet par un minuscule insecte très répandu, le phylène spumeux. Il laisse sur les plantes ces amas blancs ressemblant à de la mousse ou à un crachat. Depuis sa découverte en Italie, la bactérie a également été détectée en France, en Espagne, aux Baléares, dans la région d’Alicante, autour de Madrid, ainsi qu’au Portugal. L’analyse génétique a montré qu’elle avait été introduite plusieurs fois en Europe, sous des formes légèrement différentes.
Des bouleversements culturels, humains et économiques
Les conséquences dans les Pouilles ont été d’une ampleur inédite. Une parcelle d’oliviers peut dépérir entièrement en moins de deux ans après les premiers symptômes, laissant derrière elle des paysages gris et brûlés. Les pertes économiques sont estimées à près de cinq milliards d’euros pour l’Europe, mais la dimension financière ne suffit pas à décrire la situation. Ce sont aussi des exploitations familiales, des traditions et des arbres emblématiques qui ont disparu. Le film L’ère des Géants (Il Tempo dei Giganti) illustre bien le bouleversement culturel et humain provoqué par cette crise.
L’idée qu’une espèce d’arbre puisse disparaître ne relève malheureusement pas de la fiction. L’histoire en offre plusieurs exemples. Au XIXᵉ siècle, la vigne a bien failli s’éteindre dans de nombreuses régions d’Europe à cause du phylloxéra, un insecte minuscule proche des pucerons. Elle n’a survécu que grâce à l’utilisation de porte-greffes résistants.
Graphiose de l’orme, chalarose du frêne, scolytes…
Plus récemment, la graphiose de l’orme, transmise par de petits coléoptères, a tué plus de 95 % des ormes en France et en Belgique, avant que l’introduction d’ormes résistants ne permette de maintenir l’espèce. D’autres arbres sont aujourd’hui menacés par des maladies ou des ravageurs, comme les épicéas frappés par les scolytes ou les frênes touchés par la chalarose.
Certaines espèces ont même disparu à l’état sauvage, comme le pommier de Niedzwetzky, répertorié sur la liste rouge de l’UICN. Les causes de ces extinctions se répètent : destruction de l’habitat, introduction d’organismes exotiques, pression croissante du changement climatique.
Coordination européenne
Qu’en est-il alors de l’olivier ? Malgré la gravité de la situation dans certaines régions comme le sud des Pouilles, l’olivier n’est pas aujourd’hui menacé d’extinction. L’arbre est très largement cultivé, présent sur plusieurs continents, et bénéficie d’une diversité variétale considérable. Surtout, la mobilisation des institutions européennes a été rapide.
L’Union européenne a coordonné les réactions des États membres, lancé des évaluations de risques par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire et mis en place, dès 2019, un nouveau régime de santé végétale afin de renforcer la surveillance et la prévention. Des investissements scientifiques ont permis d’étudier la maladie, d’identifier des variétés plus résistantes et de mieux comprendre le rôle des insectes vecteurs.
Identifier les futures victimes
Si la maladie reste un défi scientifique et agricole majeur, tout indique que l’olivier n’est pas en voie de disparition. La vigilance, la recherche et les efforts de gestion mis en place assurent aujourd’hui la préservation d’un arbre qui n’est pas seulement une culture, mais un élément essentiel du patrimoine méditerranéen.
Pourquoi une recherche scientifique sur cette question en Belgique ? Parce qu’au-delà de l’olivier, la xylellose est capable de toucher plus de 600 espèces différentes, dont des espèces cultivées ou d’arbres de nos forêts. La question d’attention est donc sans doute où et sur quelle plante assisterons-nous à une nouvelle épidémie, après la vigne californienne, les agrumes brésiliens et les oliviers méditerranéens ?
Est-il possible d’identifier la prochaine plante susceptible de conduire à une nouvelle épidémie ? Et au-delà, mieux comprendre cette bactérie fascinante, localisée dans le xylème et transmise par un insecte ? Sur notre territoire, le nombre d’espèces végétales en danger est bien présent.
Note 1: Les intertitres sont de la rédaction.
Note 2: Chaque mois, Daily Science donne carte blanche à l’un(e) ou l’autre spécialiste sur une problématique qui l’occupe au quotidien. Et ce, à l’occasion d’une des journées ou semaines mondiales des Nations-Unies. Aujourd’hui, la Journée mondiale de l’olivier.