Une serre urbaine peu énergivore

26 décembre 2022
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min

SERR’URE, une serre construite pour consommer le moins d’énergie possible vient d’être inaugurée sur le toit du bâtiment du centre de recherche TERRA à Gembloux Agro-Bio Tech. Déjà opérationnelle depuis un an, son design a permis de réduire de 13 % la quantité de CO2 émise pour une culture en hydroponie. Et elle pourrait être chauffée sans aucune dépense d’énergie par la récupération des calories perdues par le bâtiment qui l’héberge.

Un design économe en énergie

SERR’URE, pour SERRe URbaine basse Energie, est dotée de double-vitrage isolant et transparent, tandis que son versant longitudinal est exposé plein sud. Sa forme est celle d’une « sphère en demi-chapelle », autrement dit : elle n’a qu’un pan de toiture.

« Ce design nous a permis de diminuer les coûts énergétiques opérationnels et d’économiser 13 % d’énergie à la production de plantes en hydroponie : laitues, basilic, plantes médicinales qui demandent une température de 23-24°C. On diminue les coûts énergétiques opérationnels pendant que la serre fonctionne, juste en changeant de design », explique Pr Haïssam Jijakli, responsable du centre de recherche en agriculture urbaine.

Il existe un classement des serres allant des plus polluantes (niveau 4) aux moins polluantes (niveau 1). SERR’URE est actuellement au niveau 2.

Vue d’artiste de la SERR’URE © Gembloux Agro-Bio Tech / ULiège

Récupérer la chaleur perdue

« La prochaine étape, qui lui permettrait d’atteindre le niveau 1, et qui pourrait être soutenue par un projet FEDER, sera de raccorder notre serre aux chaleurs perdues du bâtiment TERRA. Il s’agit d’un bâtiment de recherche récent, dont une aile est caractérisée par une température constante, nécessitant des groupes froids qui fonctionnent du printemps jusqu’en automne et dégagent de la chaleur. Aujourd’hui, celle-ci part dans l’atmosphère, mais il y a moyen de la récupérer et de la faire revenir dans le système de chaufferie du bâtiment. »

« Même si l’ouverture officielle a eu lieu fin 2022, la serre est fonctionnelle depuis janvier de la même année. Pour sa petite surface de 200m2, elle a une dépense énergétique annuelle de 20.000 kWh. Or, la capacité de chaleur résiduelle qu’on peut récupérer du bâtiment TERRA est au minimum de 120.000 kWh. »

Le potentiel de récupération de chaleur est dès lors plus important que les dépenses de chaleur de la serre. En ayant recours à cette astuce, la serre sera chauffée sans aucune dépense d’énergie. Et donc sans dégagement de CO2.

En attendant, en janvier 2023, des panneaux photovoltaïques recouverts d’un film blanc vont être placés sur le mur auquel est adossée la serre. « Le film blanc laisse passer une grande partie du spectre lumineux, permettant aux cellules photovoltaïques de fonctionner. Et ce, tout en réfléchissant la lumière vers les plantes, leur permettant une meilleure croissance. »

Inauguration de la serre de toiture © Rachel Akindavyi / Gembloux Agro-Bio Tech / ULiège

Un toit intact

Un autre point innovant de SERR’URE : elle a été posée sur le toit sans en percer l’étanchéité. « Celle-ci n’a même pas été pincée. » Et ce, grâce à un système ingénieux de répartition homogène du poids sur tout le pourtour de la serre. Dès lors, si après des années de culture, il est décidé d’arrêter l’activité agricole et d’enlever la serre, le toit sera intact.

« Cet aspect est très important pour convaincre les propriétaires d’immeubles de mettre leur toit en location, et pourrait stimuler le développement des serres en toiture. »

Quid par grands vents ? « Le lestage, réparti sur tout le toit, a été calculé afin d’éviter à la serre de s’envoler. »

Comment cultive-t-on sur un toit ? « Nous privilégions la culture par hydroponie. Les racines des plantes plongent dans une solution nutritive : il n’y a pas de substrat terreux. Tout au plus, un substrat ou une mousse permettant à la plante de se tenir droite. Le gros avantage de cette méthode de culture est son faible poids : il s’agit d’une gouttière dans laquelle coule un fin filet d’eau d’une profondeur de 3 à 4 mm. Par mètre carré de toiture, cette technique d’agriculture urbaine ne pèse pas plus de quelques kilos », poursuit le Pr Jijakli.

A titre de comparaison, cultiver en bacs contenant 40 cm de terre représente une portance de 500 kg/m². Mieux vaut éviter une telle charge sur de nombreux toits trop fragiles.

4 projets pilotes

La réalisation de la serre de toiture SERR’URE s’intègre dans la plate-forme WASABI (WAllonne de Systèmes innovants en Agriculture et BIodiversité urbaine ). Elle est soutenue par GROOF (Greenhouses to Reduce CO2 on Roofs), projet Interreg North-West Europe, qui prendra fin en mars 2023. « Il s’agit de démontrer qu’on peut cultiver avec le moins d’énergie possible en connectant une serre à un bâtiment. » Quatre projets pilotes ont ainsi été financés, un dans chacun des quatre pays partenaires : Belgique, Luxembourg, France et Allemagne.

« Non seulement les serres de toiture y sont de formes différentes, mais elles sont aussi construites avec des matériaux différents, mises sur des bâtiments neufs ou anciens et ont des fonctions différentes. A Gembloux, c’est de la R&D et de la démonstration pour inciter des porteurs de projets à se lancer dans le maraîchage sur toiture. En Allemagne, la serre de production est destinée à des maraîchers disposant de terres cultivées aux alentours, et juste à côté, sur la toiture même, il y a un restaurant et un lieu événementiel : leur « business model » est spécifique », précise le Pr Jijakli.

L’objectif est de prouver l’efficacité et la durabilité des 4 modèles proposés en fonction des différentes typologies de bâtiments et de serres, pour ensuite les déployer sur le marché européen.

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