Vase découvert sur le site minoen de Sisi ©Hélène Michel-Béchet

Des archéologues déterrent les secrets de la première civilisation antique

27 janvier 2020
par Camille Stassart
Durée de lecture : 5 min

Vous n’avez peut-être jamais entendu parler des Minoens. Pourtant, ce peuple a vraisemblablement fondé la toute première civilisation d’Europe, 3000 ans avant notre ère. Découverte il y a un peu plus d’un siècle en Crète, la société minoenne reste encore mal comprise.

Cartographie représentant les principaux sites minoens en Crête.

Afin de percer les mystères des règles du pouvoir et de la structure complexe de cette société, des archéologues de l’UCLouvain ont investigué pendant 12 ans le site côtier de Sissi, en Crète orientale. Grâce au projet S.Ar.P.edon (Sissi Archeological Project) – en référence à Sarpédon, l’un des trois frères légendaires qui auraient régné sur l’île – les ruines livrent peu à peu leurs histoires.

Vue satellite du site de fouilles sis à Sissi © SARPEDON PROJECT

Sur les traces d’une société communautaire

Bien que les Minoens employaient l’écriture, les scientifiques n’ont pas (encore) déchiffré leur langue. L’étude des traces matérielles est ainsi privilégiée, telles que les vestiges architecturaux, les sépultures, les fresques ou encore les poteries.
« Sur le site de Sissi, nous avons notamment trouvé un grand hameau, peuplé de rues, de constructions ornées de fresques et d’un cimetière », développe le Dr Jan Driessen, professeur d’archéologie grecque et directeur du projet archéologique S.Ar.P.edon.

« Nous savons aujourd’hui que la société minoenne était une société collective. Les tombes sont communes. Les fresques exposent de nombreuses scènes en communauté. Et les maisons sont très grandes, comparées à d’autres habitations du bassin méditerranéen à la même période, supposant que plusieurs groupes résidaient sous le même toit ».

Fouilles archéologiques sur le site de Sissi ©Hélène Michel-Béchet

 

Fouilles archéologiques sur le site de Sissi ©Hélène Michel-Béchet

Des cendres volcaniques au cœur d’un palais

Lors de différentes campagnes de fouilles, les scientifiques sont parvenus à mettre au jour les vestiges d’un bâtiment à cour centrale datant de 1600 avant notre ère, d’une superficie de plus de 1250 m². Un édifice remarquable, qui pourrait bien être le 7e palais minoen découvert jusqu’ici sur l’île. « Son rôle semble toutefois différer des autres, il apparaît plutôt comme un lieu où étaient pratiqués des rites et cérémonies », stipule l’archéologue.

« Au sein même de ce complexe, nous avons aussi trouvé les ruines d’un second bâtiment qui aurait été détruit 2600 ans avant notre ère, et qui aurait été intégré lors de la construction du bâtiment à cour centrale. Une partie de l’édifice a donc 1000 ans de plus, ce qui est assez unique ! »

Dans les vestiges de ce « palais », les scientifiques ont également découvert des cendres volcaniques. Attestant l’hypothèse que le bâtiment a été abandonné lors de l’explosion de Santorin. Cette île, située à moins de 100 kilomètres de la Crète, a été partiellement détruite au 16e siècle av. JC lors de l’explosion de son volcan, provoquant des nuages de cendres, et possiblement un tsunami.

Caldera de l’ancien volcan de l’île de Santorin © NASA

La grande déesse déchue

« Cette catastrophe naturelle a eu un impact considérable sur la société minoenne, allant jusqu’à ébranler leurs croyances. Nous pensons donc que le bâtiment à cour centrale, qui avait une fonction religieuse, a été délaissé après l’épisode de Santorin justement parce que leur foi a été remise en question », explique le Pr Driessen.

Initialement, leur religion était liée à la nature et personnifiée par une grande déesse, que les Minoens vénéraient. Les femmes, en général, endossent un rôle important au sein de cette société. « L’iconographie représente en effet davantage de femmes que d’hommes, elles sont parées de bijoux et de vêtements élaborés. Elles n’étaient jamais présentées inférieurement à un homme, quand l’inverse était vrai. On suspecte que la société était matrilinéaire, mais d’autres études doivent encore le confirmer », précise le chercheur.

Après Santorin, il y a une réelle perte de confiance en leur divinité féminine. « On note un changement drastique dans sa représentation, leur déesse évolue alors en un dieu, incarné par un homme.»

Un effondrement sociétal encore incompris

Dans les siècles qui suivirent, plusieurs vagues d’incendies encore inexpliquées détruiront les palais. Le site de Sissi est soudainement abandonné à la fin du 13e siècle av. JC, amenant la population à laisser sur place de nombreux outils et artefacts.

Artefacts découverts sur le site de fouilles minoen de Sissi ©Hélène Michel-Béchet

« Beaucoup d’inconnues subsistent encore sur le déclin, puis la disparition, de cette civilisation qui était, a priori, prospère et pacifique. Néanmoins, il est tout à fait possible de retracer l’Histoire des Minoens en étudiant les nombreuses traces matérielles du seul site de Sissi », assure le responsable du projet.

Avec un laboratoire et un entrepôt de 400 m² remplis de trouvailles, l’équipe de l’UCLouvain va maintenant s’atteler à l’analyse de ces pièces. Et ce, afin de mieux comprendre le fonctionnement sociétal de cette ancienne civilisation.

L’équipe de l’UCLouvain va maintenant s’atteler à l’analyse les pièces archéologiques ©Hélène Michel-Béchet
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