Plus de 2,2 milliards de tonnes de déchets. C’est ce que génèrent les pays de l’Union européenne chaque année. Plus d’un quart (27%) sont des déchets municipaux. C’est-à-dire des déchets usuels collectés et traités par les communes, et principalement générés par les ménages.
En Belgique, les derniers chiffres disponibles indiquent que chaque habitant en a produit pas moins de 683 kg en 2022. Et que 46% du total des déchets municipaux ont été incinérés, 33% recyclés, 19% compostés et fermentés et 0,2% mis en décharge. La Belgique, avec un taux de réutilisation et de recyclage des déchets municipaux de 51 %, doit mettre les bouchées doubles pour atteindre les objectifs européens de 60 % d’ici 2030. Une solution prisée ? Favoriser la transition vers un modèle d’économie circulaire, notamment à l’échelle des communes. Favorisant le recyclage et la réutilisation, cela aura, en outre, un effet majeur et positif sur le climat en réduisant l’extraction, la production et la consommation de matières premières. Et par là les émissions de gaz à effet de serre associées.
Benoit Ruysschaert, dans le cadre de sa recherche doctorale menée de concert au Smart City Institute de HEC Liège (ULiège) et au Centre for Environmental Sciences (UHasselt), a évalué le niveau d’adoption de l’économie circulaire par les gouvernements locaux belges. Pour ce faire, en novembre 2022, il a interrogé l’ensemble des 581 communes belges. Son enquête, avec un taux significatif de réponse de 54%, brosse un état des lieux représentatif de la dynamique en cours en Belgique.
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Cette enquête en ligne a été envoyée au bourgmestre, au directeur général et à l’échevin en charge de la durabilité de chaque commune. Et il a été demandé qu’elle soit remplie par la personne la mieux informée de la politique circulaire ou de durabilité de la commune. « Toutefois, une légère surreprésentation des communes à forte densité de population est à signaler, car davantage de grandes communes ont participé à l’enquête », précise le chercheur.
« Sur les 309 communes ayant répondu à l’enquête, 182 ont déclaré avoir adopté l’économie circulaire dans leur agenda politique. Cela correspond à un taux d’adoption de 59% parmi les répondants. » C’est le cas de 83 % des communes participantes de Bruxelles-Capitale, 62 % en Wallonie et 55% en Flandre.
« On peut dire qu’au moins 31% de toutes les communes belges ont intégré l’économie circulaire dans leur agenda politique. » Mais la plupart d’entre elles n’en sont encore qu’à un stade précoce.
L’environnement et le social l’emportent
Les gouvernements locaux belges adoptent principalement l’économie circulaire pour participer à la résolution des problèmes environnementaux et sociaux, reconnaissant son potentiel à favoriser la durabilité.
« Les deux motivations les plus importantes parmi les huit proposées étaient la lutte contre le changement climatique et d’autres problèmes environnementaux tels que la pollution et la perte de biodiversité. Cependant, la dimension sociale de l’économie circulaire n’est pas oubliée puisque l’amélioration de la situation sociale est la troisième motivation la plus importante. Les avantages de l’économie circulaire dans le domaine social sont, par exemple, un meilleur accès aux produits et aux services grâce au partage plutôt qu’à la possession de produits tels que les voitures », explique Benoit Ruysschaert.
L’alimentation, l’eau et les bâtiments
L’enquête a également investigué l’importance des chaînes de valeur des produits. C’est celle de l’alimentation, de l’eau et des nutriments qui se place sur la première marche du podium. En deuxième position, se trouve celle de la construction et des bâtiments.
« La construction circulaire est un thème majeur de l’économie circulaire depuis plusieurs années, car elle est responsable d’une grande partie de notre consommation en matériaux et en énergie. Le nouveau n’est plus la règle, remettre en question la nécessité même de construire du neuf est au centre des préoccupations. Utiliser les bâtiments existants de manière plus efficace, ou encore de réutiliser les matériaux deviennent une évidence incontournable», analyse Benoit Ruysschaert.
Montrer l’exemple
Il a aussi été demandé aux répondants d’évaluer l’importance de 8 instruments politiques bénéfiques pour l’économie circulaire. En tant qu’organisations publiques, élues par les citoyens et utilisant des fonds publics, le rôle qui s’est révélé le plus important à leurs yeux est celui de montrer l’exemple. Notamment en intégrant ses principes dans leurs propres processus de fonctionnement et de passation de marchés publics.
« Compte tenu de l’importance des bâtiments, les gouvernements locaux se doivent également de réfléchir à l’utilisation et à la gestion circulaires de leur propre patrimoine. En outre, les instruments politiques non contraignants ont également été jugés très importants, tels que l’octroi de fonds pour stimuler la circularité ainsi que pour informer et sensibiliser le public. »
Soutenir et collaborer
Malgré ces bonnes intentions, un soutien est nécessaire pour surmonter les obstacles rencontrés par les communes. « Le plus important est celui lié au manque de financement, suivi d’un manque de connaissances et de sensibilisation à l’économie circulaire. Ces obstacles sont interdépendants. Par exemple, le soutien politique est nécessaire pour obtenir plus de financements, et avec ces financements, les connaissances peuvent être améliorées grâce à la formation ou au recrutement d’experts », analyse le chercheur.
« Aussi, il faut pointer que le succès de sa mise en œuvre implique que les communes travaillent en étroite collaboration avec leurs parties prenantes. A savoir les entreprises, les écoles, les centres de recherche, les organisations à but non lucratif et les citoyens. Et ce, afin de s’assurer que les solutions circulaires mises en place soient soutenues par tout l’écosystème communal. »
« Depuis la fin de l’année 2022, date à laquelle cette enquête a été menée, la transition circulaire s’est poursuivie. Par exemple, des villes comme Liège et Hasselt ont signé la Circular Cities Declaration. A Bruxelles, le hub Circlemade a été créé. Au niveau régional, Circular Wallonia et Circular Flanders ont lancé de nombreuses initiatives pour promouvoir l’économie circulaire. Cependant, il reste encore beaucoup à accomplir. Et la nouvelle législature sera cruciale pour permettre la poursuite de la mise en œuvre de l’économie circulaire et ainsi atteindre les objectifs de développement durable et climatiques », conclut Benoit Ruysschaert.