Le lien entre la maladie de Parkinson et les problèmes de boiterie chez le cheval ne saute pas immédiatement aux yeux. À Mons, cependant, les recherches menées chez Multitel le démontrent aisément. « Depuis 2018, les chercheurs de ce Centre de recherche wallon spécialisé en technologies de l’information, travaillent à la mise au point d’un système de capture du mouvement performant », indique Jean-Yves Parfait, le responsable des projets en intelligence artificielle.
« Au départ, il s’agissait d’un projet développé en collaboration par une entreprise wallonne qui souhaitait vérifier s’il était possible de surveiller à domicile des patients parkinsoniens au moyen de caméras suivant en continu leurs comportements », explique le polytechnicien de l’UMons. « Depuis, nous l’avons adapté au secteur équin. Et plus globalement, à la médecine vétérinaire ».
Surveillance des patients à domicile
La première étude menée par Multitel visait à déterminer dans quelle mesure un système de surveillance visuel des patients, doublé d’une intelligence artificielle, pouvait s’avérer pertinent pour détecter l’évolution de leur pathologie. Il s’agissait aussi d’identifier les technologies les plus simples à utiliser et les types de capteurs à mettre en œuvre pour arriver à cette solution.
« Cette étude a notamment montré qu’il était possible d’effectuer le suivi de Parkinsoniens à domicile, avec des caméras classiques, sans que cela implique la pose de capteurs spécifiques sur la personne », explique l’ingénieur en électronique, spécialiste du traitement du signal. « De quoi pouvoir détecter des symptômes moteurs trahissant une évolution de la maladie entre deux visites chez le neurologue, par exemple une dégradation de l’amplitude ou de la vitesse des mouvements du patient.»
Animaux de laboratoire et médecine vétérinaire
À la suite de ce premier succès, l’équipe de Multitel s’est lancée dans un projet complémentaire, concernant cette fois le monde animal.
« Nous avons pu montrer tout récemment, grâce à une collaboration menée sur fonds propres avec l’université américaine Texas A&M, que notre technologie pouvait parfaitement réaliser des captures de mouvements chez des rongeurs utilisés en laboratoire », reprend le chercheur. « Il est, en effet, intéressant d’observer leurs comportements lors de diverses phases d’une expérience. Cela peut apporter une série d’informations complémentaires utiles aux scientifiques. »
Le nouveau projet de Multitel s’intitule « Pegase ». Il concerne cette fois le monde équin. Ceci explique la participation du responsable du département « Intelligence Artificielle » du Centre de recherche agréé wallon à une vaste mission scientifique organisée voici quelques jours en Scandinavie sur la thématique du cheval, par le service Recherche et Innovation de Wallonie-Bruxelles International (WBI).
Maîtriser la chaîne complète de traitement des informations
Certes, le suivi d’animaux au moyen d’un simple smartphone et sans doter les sujets de capteurs spécifiques, est possible. L’étude réalisée avec Texas A&M l’a montrée. Avec Pegase, il s’agit de pouvoir s’assurer que la détection de problèmes, comme des cas de boiterie, peut se faire via une meilleure gestion des flux d’images livrés par le système de surveillance, via un algorithme de notation semi-automatique des images.
« Classiquement, quand on surveille à distance des animaux par un ensemble de caméras, cela nécessite que quelqu’un regarde les images en continu afin d’identifier un comportement inhabituel », repend Jean-Yves Parfait, dont le Centre de recherche fait partie de l’Institut wallon Trail, regroupant les acteurs de l’IA en Wallonie, qui participait également à la mission scientifique de WBI en Scandinavie.
« Visionner en continu ces images est long et fastidieux. Sur de longues périodes, cela devient très vite impayable, voire impossible », dit le chercheur. « D’où le recours à l’intelligence artificielle pour assurer cette détection. »
Améliorer la portabilité des systèmes
« En intelligence artificielle, l’annotation des images est un point bloquant », détaille l’ingénieur. « Dans un système de ce type, il faut pouvoir annoter plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’images prenant en compte à chaque fois différents points du squelette afin de détecter une situation spécifique. Cela devient rapidement ingérable concernant la gestion des données. La solution passe par le développement d’une solution qui ne nécessite que quelques centaines d’images à traiter pour obtenir le résultat escompté. Cela permet de suivre en continu le comportement d’animaux dans des étables ou des écuries. »
Le souci auquel est aujourd’hui confronté l’ingénieur concerne la portabilité de ce système. Les tests et les validations acquises jusqu’à présent l’ont été dans des salles d’expérience de Multitel. Il faut à présent rendre ce système mobile, afin de pouvoir l’utiliser dans des étables, des écuries, etc. Mais aussi améliorer ses capacités, notamment afin de lui permettre de faire des acquisitions en images infrarouges en même temps que des observations dans le domaine visible. Ceci, afin de pouvoir mener des observations en continu, y compris de nuit. Bref en étant le plus flexible possible.
À Oslo puis à Uppsala, Jean-Yves Parfait a multiplié les contacts avec les scientifiques belges et scandinaves. Son but: identifier d’autres cas d’applications potentielles pour Pegase. Mais aussi identifier d’éventuels partenaires pour ce projet et sa commercialisation. Multitel ne commercialise pas directement les solutions qu’il développe. Cela passe nécessairement par des partenariats.