Alors que la fonte des glaces dans le sud de la péninsule Antarctique se serait brusquement accélérée depuis 2009, comme l’indiquait la semaine dernière une étude internationale, deux chercheurs de l’Université Libre de Bruxelles viennent de mettre en lumière un phénomène qui pourrait bien ralentir cette perte de glace.
A Bruxelles, c’est le mécanisme de formation des « dômes de glace » qui bordent le continent antarctique, qui a été étudié. Et ce mécanisme n’est pas celui qu’on pensait. Ces dômes, ces îlots de glace qui apparaissent « en mer », se forment quand la glace venue du centre du continent s’amincit. Donc plutôt lorsque le climat se réchauffe.
« C’est lorsque la ligne d’ancrage recule que les dômes de glace se forment », indique le Pr Frank Pattyn, co-directeur du Laboratoire de glaciologie de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).
La ligne d’ancrage est cette zone qui marque la limite entre la glace continentale qui repose sur le continent antarctique et d’autre part son prolongement, qui flotte sur l’océan. Cette ligne a tendance à reculer vers le centre du continent quand la couche de glace s’allège.
Des éléments de stabilisation de la calotte
Lorsque la calotte glaciaire est épaisse, la ligne d’ancrage s’étend loin au large. Quand l’épaisseur de la glace diminue, donc que la masse glaciaire diminue, la ligne d’ancrage recule. « C’est à ce moment-là que se forment les dômes de glace », indiquent le Pr Pattyn et son collègue, le Dr Lionel Favier, du même laboratoire, qui viennent de modéliser ce phénomène. Ce qui apporte un nouvel éclairage sur la compréhension de la stabilité de la calotte glaciaire antarctique.
“Les dômes de glace côtiers, omniprésents le long des côtes antarctiques, stabilisent la calotte polaire. La stabilité des plateformes de glace est accentuée lorsque celles-ci sont en contact avec un point d’ancrage rocheux sous-marin, pouvant mener à la formation d’un dôme de glace côtier à la surface de la glace”, indiquent les chercheurs.
En utilisant un modèle numérique avancé de calotte polaire, le Dr Lionel Favier et le Pr Frank Pattyn montrent que ces dômes de glace se forment lors d’une déglaciation, lorsque la ligne d’ancrage recule en direction du centre de l’inlandsis. Comme l’illustre le graphique ci-dessous. Leur formation entraine également un « effet retard » sur le recul de la ligne d’ancrage. Ce qui ralentit l’impact du réchauffement climatique sur la glace polaire.
“Cette étude change notre point de vue au sujet de l’évolution de la calotte glaciaire antarctique. Les dômes de glace côtiers non seulement influencent la stabilité des plateformes de glace, mais aussi leur formation. Cette avancée permettra de mieux appréhender le futur de la calotte glaciaire et sa contribution à la hausse du niveau marin », estime le Pr Pattyn. Et il conclut: « ce qui est important dans cette étude, c’est qu’outre le phénomène décrit, elle montre aussi qu’il faudra à l’avenir tenir compte de l’impact de la formation de ces dômes de glace dans les modèles d’évolution des calottes glaciaires, et donc dans les prévisions de la hausse des niveaux des océans ».