Crapauds calamites et ponte d'oeufs © Pascal Hauteclair / Natagora

Réintroduction du crapaud calamite dans des carrières en activité

27 mai 2020
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 5 min

La main de l’Homme n’est pas que destructrice, elle peut aussi aider la vie à se ré-ancrer. Notamment dans les milieux extrêmes. Dans le cadre du projet européen Life in Quarries, outre le réensemencement d’espèces végétales pionnières, une attention particulière est mise sur la réintroduction du crapaud calamite dans des carrières en activité. Cet aspect est mené par les biologistes de Natagora.

Une espèce en danger

Repris sur la liste rouge des amphibiens de Wallonie, le crapaud calamite est considéré comme une espèce en danger. Au même titre que le triton crêté. Une seule espèce, le sonneur à ventre jaune, atteint un niveau de préoccupation supérieur.

En Wallonie, le déclin du calamite est observé de longue date. Il a disparu de l’Ardenne, de la vallée du Ton et de la basse vallée de la Semois. Son aire de répartition est désormais fortement fragmentée (Fagne, Famenne, la région liégeoise, Hainaut, vallée de la Sambre) et la plupart de ses populations sont de taille réduite.

Des têtards se prélassent au soleil. Leur corps noir est étendu dans les eaux chaudes du rebord d’une mare de quelques mètres carrés. Voilà deux semaines qu’ils sont nés. D’ici 7 à 8 semaines, les survivants se transformeront en crapauds juvéniles © Laetitia Theunis
Parmi les prédateurs des têtards, citons les notonectes. Ces punaises aquatiques plonge leur aiguillon buccal dans leur corps pour en sucer les parties liquides © Laetitia Theunis

Prédilection pour les milieux extrêmes

Le crapaud calamite est intimement lié aux milieux pionniers. Il aime les terrils, les friches industrielles et les carrières en activité. Parmi celles-ci, certaines ont été aménagées de mares peu profondes pour permettre leur reproduction et ainsi, la sauvegarde des populations qui y ont naturellement élu domicile.

Dans le cadre du projet Life in Quarries, ces mares servent de réservoirs dans lesquels des œufs de calamite sont prélevés pour ensemencer des plans d’eau artificiels situés dans des carrières dépourvues de l’espèce menacée.

Porter son dévolu sur les milieux extrêmes au sol nu lui assure une faible présence de compétiteurs comme les grenouilles rousses ou les crapauds communs. Le calamite n’est pas difficile : de simples ornières créées par le passage d’un véhicule ou des flaques pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres carrés lui suffisent.

« Le calamite a besoin d’un milieu humide temporaire, pauvre en végétation. La dessiccation de la mare en été lui garantit une faible présence de prédateurs et d’autres espèces d’amphibiens. Il préfère l’eau peu profonde, de 10 à 15 cm, qui se réchauffe rapidement », explique Pascal Hauteclair, biologiste chargé de la translocation des crapauds calamites chez Natagora.

Lors d’une opération de translocation, Pascal Hauteclair est accompagné de Lison. Durant 3 mois, celle-ci est stagiaire chez Natagora. Elle en dernière année d’un baccalauréat en agro-industrie à l’HELHA, et souhaite se diriger vers un master en environnement © Laetitia Theunis
Ponte de crapaud calamite © Pascal Hauteclair / Natagora

Plusieurs sites sources pour augmenter le brassage génétique

La ponte de femelles calamites s’étire en deux rubans parallèles de deux mètres de long, comptant entre 2000 et 3000 œufs.

Lors du pic de ponte, entre mai et juin, un naturaliste de Natagora passe, tous les 7 à 10 jours, dénombrer les nouvelles pontes dans les mares des carrières sources. « Ainsi, en fin de saison, on a une vision globale du nombre de pontes. Comme une femelle ne pond qu’une fois par an, et que le sex-ratio est de 1:1, on peut déduire facilement le nombre minimum d’individus composant la population de chaque carrière source en multipliant par deux le nombre de pontes. Cela nous permet d’évaluer les tendances à la hausse ou à la baisse des populations », poursuit Pascal Hauteclair.

Si les pontes ne sont pas trop avancées dans leur maturation, quelque 10 % sont prélevés, pour la translocation, à l’aide d’une paire de ciseaux. Chaque fragment est placé dans un plateau et photographié, permettant un dénombrement précis a posteriori. Il rejoint ensuite un seau rempli d’un fond d’eau où s’accumulent différents fragments de pontes issus de deux sites sources. « Cette diversité est importante pour augmenter le brassage génétique sur le site de réimplantation », précise le biologiste.

Fragment de ponte © Pascal Hauteclair / Natagora

Analyses des pathogènes

En Wallonie, neuf carrières font office de sites sources. Les œufs de leurs crapauds calamites sont transférés dans une ou deux mares de quatre carrières wallonnes où ces amphibiens sont absents. On les appelle sites récepteurs.

Avant de débuter cette campagne de translocation, l’absence de pathogènes des amphibiens ( Ranavirus et deux chytrides, Batrachochytrium salamandrivorans (Bsal) et Batrachochytrium dendrobatidis (Bd)) dans les sites sources a été attestée. Pour ce faire, cinq fois dix œufs ont été prélevés dans leurs mares respectives. Ils ont été analysés par l’équipe du Professeur Frank Pasmans du Département de pathologie, bactériologie et maladies de la Volaille de l’Université de Gand (UGent).

Ponte de crapaud calamite © Laetitia Theunis

En 2021, on saura si l’opération a réussi

Autour des mares réceptrices, les naturalistes déposent une demi-douzaine de plaques de 1m2. « Les juvéniles aiment se cacher dessous. Les y retrouver permet de confirmer que la réintroduction des œufs quelques semaines auparavant s’est bien passée », précise Pascal Hauteclair.

La première grosse campagne de réintroduction d’œufs de crapaud calamite a débuté en 2019. La maturité sexuelle étant atteinte à 2 ans, les premières pontes in situ auront lieu en 2021. C’est à ce moment que le succès de l’opération de translocation pourra être affirmé.

 

 

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