Production radiochimique © IRE

À Fleurus, on vient de dire au revoir à l’uranium hautement enrichi

28 mars 2023
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Dès aujourd’hui, l’Institut des radioéléments (IRE), installé à Fleurus, n’utilise plus d’uranium hautement enrichi pour produire ses radio-isotopes médicaux. Après une dizaine d’années de R&D, la production se fait désormais au départ d’uranium faiblement enrichi. Une avancée stratégique, qui répondait à un souhait des États-Unis. Fournisseurs de l’U-235 utilisé à l’IRE, ils souhaitaient voir diminuer la circulation de ce type d’élément hautement enrichi pour la production de produits médicaux.

« Nous sommes un des quatre fournisseurs mondiaux de radio-isotopes destinés au diagnostic médical, et un des trois fournisseurs mondiaux pour les isotopes thérapeutiques », rappelle Erich Kollegger, le directeur général de l’IRE. « Nous produisons typiquement trois types de radio-isotopes: du molybdène (Mo-99) qui permet ensuite de générer le technétium, lequel est utilisé dans les services de médecine nucléaire des hôpitaux en scintigraphie pour le diagnostic. De l’iode (I-131), un radionucléide essentiel et irremplaçable pour les traitements du cancer de la thyroïde. Et enfin, du xénon (Xe-133), un gaz qui permet d’effectuer certains examens pulmonaires, surtout aux États-Unis.»

Amélioration de la sécurité

« Jusqu’à présent, pour produire ces radio-isotopes, l’Institut utilisait de l’uranium hautement enrichi (à 93 %). Depuis aujourd’hui, un nouveau procédé mis au point avec l’aide du centre d’études nucléaire de Mol (SCK-CEN) permet de se passer de cette matière première sans changer ni le processus ni la qualité de la production. »

L’uranium 235 hautement enrichi est le même que celui qui est utilisé dans les ogives nucléaires. À Fleurus, on en utilise quelques dizaines voire centaines de grammes par an. Dans les engins militaires, cela se compte en kilos. Désormais, c’est au départ d’uranium faiblement enrichi (à seulement 19,75 %), et toujours de provenance américaine, que les précurseurs des radio-isotopes médicaux sont produits à l’IRE, à raison de trois lots par semaine, en moyenne.

Quand les cibles d’uranium sont irradiées à l’IRE, elles produisent ces trois éléments d’intérêt médical, mais également plus de 250 autres éléments différents à la durée de vie parfois très courte, et qui ne sont pas exploités.

« Le passage à l’uranium faiblement enrichi a également un impact positif », indique-t-on à l’IRE. « Ce nouveau processus de production a été développé avec une attention renforcée à la sûreté intrinsèque, notamment en ce qui concerne la réduction des risques d’émission accidentelle de radio-isotopes volatiles. »

Abandon du projet Smart

Si une nouvelle ère démarre à l’IRE, ce n’est cependant pas demain que l’Institution d’utilité publique pourra se passer totalement d’uranium dans ces cycles de production. Le projet SMART (« Source of Medical RadioisoTopes »), qui visait à se passer de cible d’uranium au profit de molybdène-100 afin de produire du molybdène 99 a été abandonné en septembre dernier.

« Techniquement, ce projet pourrait fonctionner, mais avec beaucoup plus de complexité que ce que nous pensions », explique Erich Kollegger. « Au fil des révisions du design de ce projet, les investissements nécessaires sont devenus prohibitifs. Au final, il est aussi apparu que le processus débouchait sur un plan d’affaires négatif.  On allait donc investir à fonds perdu et ne jamais récupérer les montants investis. Quand cette situation est devenue claire, le conseil d’administration de l’IRE a décidé d’arrêter le projet. Il était devenu irréaliste d’un point de vue économique. Les montants rendus disponibles dans le cadre du plan de relance n’ont pas été utilisés. Seuls les subsides alloués par l’État fédéral (52 millions d’euros) ont été dépensés, ainsi que quelques millions d’euros complémentaires mobilisés en fonds propres. »

«Il était clair dès le début qu’il s’agissait d’un projet de R&D à risques. L’État fédéral en était bien conscient. On se donnait environ 50 % de chance de réussite d’un point de vue technique. Mais il fallait aussi que l’opération soit rentable à terme. Ce qui s’est avéré ne pas être le cas. »

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